Le jury des Assises trouve Décary coupable
Maître Johne Ahern annonce qu’il ira en appel. – Le juge Lazure prononcera la sentence demain – Recommandation à la clémence
Le jury de la cour d’Assises chargé de disposer du premier procès provoqué par l’affaire des exemptions illégales au service militaire obligatoire, a rendu, samedi, 14 juin 1941, un verdict de culpabilité contre Pierre Décary. Ce dernier, ancien registraire de la région de Montréal, était accusé d’avoir conspiré avec Jean-L. Tarte, avocat, Mike Maloley et « d’autres personnes inconnues », dans le but de gêner l’application de la loi des services nationaux de guerre et d’avoir incité Tarte, Maloley et d’autres personnes à lui remettre de l’argent pour faire retarder l’entraînement de certaines recrues.
À la demande de Me M.-A. Hurteau, le greffier, M. Fortunat Lebœuf, président des jurés, a d’abord déclaré, samedi matin, devant le nombreux public réuni dans la salle des Assises, que les jurés s’étaient unanimement entendus sur le jugement à rendre. Me Hurteau interrogea ensuite : « Et quel est votre verdict, messieurs? »
Nous déclarons l’inculpé coupable, reprit M. Lebœuf, mais nous le recommandons à la clémence du tribunal.
Maître John Ahern, avocat de la défense, se leva aussitôt et dit : « Je demande que le prévenu continue de bénéficier, jusqu’au prononcé de la sentence, de sa liberté provisoire, moyennant le même cautionnement qu’il a déjà fourni. »
Le juge Wilfrid Lazure, qui avait présidé toute l’instruction, refusa de se rendre à ce désir, il ajouta que le prévenu recevrait sa sentence mardi, c’est-à-dire demain matin, vers 10 heures.
Mapitre Ahern reprit : « Il n’y a pas deux poids, deux mesures. On a laissé Maloley en liberté provisoire avant sa sentence. » La réponse du tribunal ne se fit pas attendre : « Je sais, dit-il, qu’il n’y a pas deux poids, deux mesures. Les circonstances n’étaient pas les mêmes dans le cas de Maloley. La police avait besoin de lui. »
Décary qui, durant cette brève séance, conserva toujours un calme parfait, entra dans les cellules d’où il reviendra, demain, devant le juge Lazure.
Après son départ, Maître Gérald Fauteux, substitut du procureur général, qui avec l’honorable Philippe Brais, représentant du ministère de la Justice, avait dirigé la présentation de la preuve, demanda à la cour de libérer les jurés, qui purent partir sur le champ.
Mike Maloley, après avoir enregistré un aveu de culpabilité dans la même affaire, a été condamné à dix-huit mois de prison. Jean-L. Tarte, le troisième accusé, qui a, jusqu’ici, protesté de son innocence, en dépit du témoignage qu’il a donné contre Décary et où il s’est incriminé, reviendra lui aussi, demain matin devant le tribunal pour y subir son procès.
Maître Ahern a dit plus tard que son client, Pierre Décary, en appellerait du jugement prononcé contre lui.
(Article paru dans le journal Le Canada, lundi, 16 juin 1941).
Culpabilité
En morale, en sociologie, en psychologie normale, la culpabilité est le fait réel de la transgression d’une règle. La culpabilité morbide (dite aussi irréelle ou endogène) est le comportement en vertu duquel l’individu malade éprouve un sentiment plus ou moins immotivé de faute – donc incompréhensible malgré l’angoisse très pénible qu’il détermine – dit sentiment de culpabilité; il s’agit en se punissant, effectivement ou symboliquement (conduite d’autopunition).
Sous sa forme délirante et évidente, elle s’observe dans l’auto-accusation du mélancolique, où elle tend à l’autopunition suprême : le suicide. Sous sa forme névrotique, elle se dissimule derrière une foule de symptômes : angoisse de punition de l’anxieux, terreur de l’objet maléfique à fuir sous peine d’angoisse de faute, chez le phobique; cérémoniaux de conjuration d’une faute inconnue, chez l’obsédé; comportement ascétique dans les névroses de caractère, etc. Toute psychonévrose est, à un certain point de vue, une recherche de prévention, d’réclusion, d’annulation ou de négation d’une menace à la valeur personnelle du sujet dont la culpabilité morbide est l’expression dramatique plus ou moins cachée.
A. Hesnard.