La guerre, une affaire d’hommes?

Introduction au thème de la participation et rôle des femmes québécoises lors de la Deuxième Guerre mondiale

Même si des populations civiles entières participent à la Deuxième Guerre comme elles ne l’ont pas fait depuis longtemps, la guerre demeure foncièrement une affaire d’hommes. Pendant six ans, le Canada entier surveille avec anxiété les moindres agissements des hommes des forces canadiens. Plus que jamais, le sort individuel et collectif des femmes doit dépendre des hommes.

Paradoxes de l’histoire des femmes au Canada, les guerres ont représenté pour beaucoup d’entre elles des moments extraordinaires, particulièrement la Deuxième Guerre mondiale. Bien sûr, des mères y perdent leurs fils, des épouses leur mari, des sœurs leurs frères, et quelques jeunes filles ne se souviennent pas de leur père. Bien des familles récupèrent un soldat blessé, incapable de reprendre sa vie d’antan. Pour les mères et les amies de soldats envoyés au front, la guerre est une longue période d’attente. Lorsque les lettres du bien aimé n’arrivent plus, on craint le pire. Parfois, ces anxiétés sont confirmées par un télégramme officiel annonçant sèchement la mort ou la disparition de l’homme aimé. Mais, somme toute, c’est une minorité de familles canadiennes qui perdent un les leurs à la guerre. Beaucoup d’hommes, mis en service au Canada, ne sont pas directement en danger, et beaucoup d’autres reviennent sains et saufs à la fin des hostilités.

La guerre, expérience décisive

C’est une des raisons qui expliquent pourquoi, pour bien des jeunes femmes, la guerre est vécue comme une sorte d’aventure. Pour la première fois, le Canada fait appel à toutes les femmes aussi bien qu’à tous les hommes, et chacune sent qu’elle doit y apporter sa contribution. Pour la première fois de leur vie, les jeunes célibataires ont le choix d’emplois

En fait, un grand nombre de postes de travail sont laissés vacants par l’exode des jeunes hommes dans les armées. La production pour la guerre crée des milliers de nouveaux emplois que peuvent remplier même les travailleuses les plus inexpérimentées. Si, par hasard, leurs amis ou leurs fiancés sont partis, elles trouvent d’autres hommes en uniforme pour les accompagner. Chaque ville canadienne a ses casernes militaires où les jeunes soldats s’ennuient en attendant d’être envoyés au front; pour soutenir leur moral, on encourage les femmes célibataires à fréquenter les bals et autres activités sociales organisées par l’armée ou les groupes bénévoles.

Le Canada fait aussi appel aux femmes mariées. Au Québec, très peu d’pouses consentent à travailler en dehors du foyer, même pour aider l’effort de guerre. Mais chaque ménagère fait sa part, car le rationnement des denrées alimentaires les oblige à planifier soigneusement les menus et à surverller les budgets. Aucun matériel utile pour l’effort de guerre n’est gaspillé, et c’est grâce aux ménagères qu’on peut conserver et recycler le métal, le gras et la laine pour faire des armes, des explosifs et des uniformes. On incite les femmes à faire du bénévolat dans leurs quelques moments de loisir : les associations féminines se mettent au service des autorités.

Ces expériences donnent à bien des femmes une nouvelle conscience de leur importance en dehors de la vie domestique. Sans elles, l’économie de guerre n’aurait pas pu se maintenir. Cette expérience les marque profondément, mais les séquelles n’apparaîtront que quinze ou vingt ans plus tard.

Leurs enfants élevés, elles se retrouvent seules et, petit à petit, elles commencent à se chercher une vie en dehors du foyer. Quelques-unes reprennent un métier abandonné. Elles encouragent leurs filles à parfaire leur éducation et à se donner une formation professionnelle en fonction du marché du travail.

L’expérience de la guerre ne sera pas absente de la remise en cause des valeurs féminines au Québec après 1965; les femmes auront acquis la connaissance de leur potentiel dans un ordre des choses différent de celui qui avait été le leur jusqu’à ce jour.

Source : L’Histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles. Le collectif Clio : Micheline Dumont, Michèle Jean, Marie Lavigne, Jennifer Stoddart. Publié à l’origine dans la collection Idéelles. Comprend des références bibliographiques et un index. 1992. Le Jour, éditeur, une division du groupe Sogides.

Pour en apprendre plus :

Femmes et la guerre
L’inspiration des femmes du Canada. Affiche de la Deuxième guerre mondiale.

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