Expéditions contre les Renards

Montréal entre 1725 et 1750, expéditions militaires contre les Renards

En fait, de 1709 à 1760 la ville de Montréal fut libérée de la guerre chez elle. L’Iroquois resta toujours fidèle à la paix de 1700; et quand l’Anglais reprendra la lutte, ce sera en dehors du territoire de la ville.

L’histoire de l’époque est donc en déficience de ses éléments violents et n’offre peut-être plus le même vibrant intérêt que les récits de combats — attaques ou défenses. Déjà, précédemment, des incidences nouvelles sont apparues. La ville se développe et progresse normalement. Ses activités d’ordre économique, social et religieux s’accomplissent — ou devraient s’accomplir — dans la paix et la tranquillité.

L’histoire s’alimente maintenant de chiffres, de statistiques, de mémoires, de pièces officielles, qui se multiplient et s’allongent en raison de la croissance de la cité.

Cette ère de paix, la seule durable de tout le régime français dans notre district, fut cependant traversée par des calamités presque aussi désastreuses, telles que violents incendies, maladies épidémiques, bouleversements des institutions avec leur cortège de malaise, de ruines et de deuils profonds.

Quelques expéditions dans les pays d’en Haut se rattachent aussi à l’histoire de Montréal par les personnages qui en furent les héros et dont les exploits jetèrent un grand éclat sur la ville et sur la Nouvelle-France.

Trois gouverneurs ont rempli de leur présence, sinon de leurs actes, ce quart de siècle. Claude de Ramezay était mort le 1er août 1724. Il ne fut remplacé que le 9 septembre 1726 par Charles Le Moyne, baron d Longueuil. C’était le premier Canadien appelé au gouvernement de Montréal. M. de Longueuil ne fut que trois ans à la tête de sa ville natale. Il mourut le 7 juin 1729. Son successeur, M. de La Chassaigne, ne resta lui aussi que trois ans en fonctions. Le premier avril 1733, le roi nommait M. Boisberthelot de Beaucours. Malgré son grand âge — il avait déjà 71 ans — le nouveau gouverneur conserva son emploi durant quinze ans. Le long stage du vieillard ne fut marqué par aucune action personnelle d’un intérêt particulier. Il n’a guère laissé que le souvenir de son étrange opposition à la fondation des Sœurs Grises de la Croix par madame d’Youville.

Expédition contre les Renards

Il s’était organisé à Montréal une société commerciale sous le nom de Compagnie des Sioux. Mais il semble que l’entreprise n’était pas uniquement lancée pour faire le troc des fourrures. Les autorités du pays en auraient, croit-on, permis la formation dans le but d’appuyer à l’occasion l’expédition qu’on se proposait de monter contre les Renards ou Outagamis.

On retrouve en effet quelques-uns des mêmes personnages, mêlés aux intérêts de la Compagnie des Sioux, qui prendront part à la guerre contre les Renards. Ces derniers, toujours en lutte avec leurs voisins, causaient de sérieux ennuis aux tribus amies des Français et l’on décida d’en finir avec leurs agaçantes tracasseries.

M. de Ligneris, major de la garnison des Trois-Rivières, fut chargé par le gouverneur, M. de Beauharnois, d’organiser cette fameuse expédition lointaine qui devait pour toujours débarrasser les pays de l’Ouest de « la peste renardière. » La vantardise dénote presque toujours l’impuissance. De Ligneris ne devait rien faire d’utile.

Il partit de Montréal, où se montaient presque toujours les voyages vers l’Ouest, avec 400 Français et Canadiens, et 700 guerriers sauvages (juin 1728). En passant au Détroit il recruta 200 Indiens de la tribu des Folles-Avoines. A Michillimakinac, île située entre les lacs Huron et Michigan, 300 Outaouais et Sauteux se joignirent à l’excursion, portant le nombre des combattants à 1 600 hommes.

Arrivé à la Baie Verte, sur le lac Michigan, de Ligneris trouva les villages des Puants et des Renards abandonnés. Il ne crut pas devoir poursuivre les fuyards, craignant d’exposer ses soldats à tomber dans quelque embuscade au milieu des bois. Pour marquer son passage, il brûla les maisons et coupa les blés « qui étaient en si grande quantité qu’il faut l’avoir vu pour le croire. »

Ne doutant pas que les Renards useraient de représailles en s’attaquant au nouvel établissement commercial et à la mission religieuse chez leurs amis les Sioux, le Major manda à M. de Boucherville de tâcher d’amener les Sioux à défendre les intérêts des Français du fort Beauharnois.

De Ligneris reprit le chemin de Montréal, où il était de retour à la fin de septembre. Un grand nombre de ses hommes étaient restés dans l’Ouest. M. de Saint-Ange, commandant au fort de Chartres, rassembla les hommes laissés par de Ligneris et reprit l’expédition, manquée une première fois. De concert avec M. de Villiers, de la rivière Saint-Joseph, et M. de Noyelles, commandant chez les Miamis, il dirigea les nouvelles opérations contre les Renards, cette fois avec succès.

Les Kikapous et Mascoutins amis et alliés des Renards avaient d’abord réussi, au cours d’un premier engagement, à faire prisonniers dix-sept Français. Allaient-ils les brûler ou les livrer à leurs alliés en témoignage de solide amitié? Ils s’arrêtèrent à ce dernier parti sans pouvoir y donner suite.

Le père Guignas, un des captifs, réussit par son éloquence à convaincre les Kikapous et Mascoutins qu’ils avaient intérêt à briser leur dangereuse alliance avec les Renards et tous les prisonniers furent libérés. Les Renards, se voyant trahis et abandonnés par leurs alliés, voulurent se retirer auprès des Iroquois, dont ils étaient les émules à l’ouest des Grands Lacs. Ils en furent empêchés par les Français, maintenant unis aux Kikapous, Mascoutins et Illinois du centre américain. Assiégés dans leurs retranchements, les ennemis furent réduits à se nourrir de cuir; et « nous n’étions guère mieux, » dit M. de Villiers.

Après un siège de vingt-trois jours, profitant d’une nuit très sombre, se croyant protégés par une violente tempête, les assiégés mourant de faim tentèrent de s’enfuir. Mais les Français faisaient bonne garde, et l’alarme fut vite donnée. Les fuyards furent poursuivis, rejoints et massacrés presque tous. («Relation anonyme de la destruction des Renards.» — Archives de la Marine: «Collection Moreau St-Mery », vol. 9 FIl, folio 140.) Il ne resta qu’un chef, Licaonie, et une cinquantaine d’hommes de cette tribu naguère si turbulente et si redoutée. Des centaines d’hommes étaient tombés dans l’horrible tuerie.

C’était presque l’extinction de la race, la plus farouche ennemie des blancs sur le territoire centre-nord américain. La Compagnie des Sioux reprit dans la paix, pour quelque temps du moins, son fructueux commerce de fourrures, dont Montréal recevait la plus grande part.

Voir aussi :

Amérindiens sur la façade de l'Assemblée nationale. Photo de GrandQuebec.com.
Amérindiens sur la façade de l’Assemblée nationale. Photo de GrandQuebec.com.

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