Émeutes dans l’Inde inspirées par Gandhi

Les troupes tirent sur des manifestants dans les rues de Bombay et font treize morts

(Une nouvelle qui vient du mois d’août 1942. Texte publié dans le quotidien Le Soleil)

Les forces armées ont dû ouvrir le feu aujourd’hui sur des manifestants à Bombay – On compte 28 morts et plus de 200 blessés depuis le début des émeutes en fin de semaine – La police et les troupes montent la garde dans cinq grandes villes.

Des soldats britanniques, certains armés de mitrailleuses, ont dû prêter main forte à la police aujourd’hui. Treize autres personnes ont été tuées et 30 blessées dans 10 autres cas où il fallu faire feu à Bombay sur des foules d’Hindous participant à la campagne de désobéissance civile de Mohandas K. Gandhi.

Ces nouvelles victimes portent à 28 le nombre des personnes tuées et à plus de 200 le nombre de celles blessées depuis le début des émeutes dimanche. Les désordres et les grèves se propagent rapidement dans le pays, et les autorités craignent de plus en plus que les Hindous et les Musulmans n’en viennent aux prises.

Instructions de Gandhi

Bombay, 11 août 1942. Les nationalistes hindous se transmettent les uns aux autres aujourd’hui l’ordre d’arrêter le commerce, avec la promesse de leurs chefs que cette bataille des Indes pour gagner leur indépendance est la dernière et qu’elle se terminera par une victoire complète et définitive dans deux mois.

L’ordre d’un « hartal » – fermeture de tous les établissements commerciaux – figure en tête d’une liste incendiaire d’instructions distribuée malgré que Gandhi soit interné dans l’un des palais d’Aga Khan. Les autorités britanniques demeurent quand même assurées qu’avec de la fermeté elles parviendront à triompher du mouvement et à réprimer les désordres ou 15 personnes ont été tuées et 169 blessées depuis dimanche dans la seule région de Bombay.

Les premières manifestations hystériques et tapageuses de la fin de semaines, provoquées par l’arrestation de Gandhi et de son état-major après que le parti congressiste hindou eût décidé de lancer le mouvement de désobéissance civile, ont commencé à se calmer.

Il n’y a aucun signe d’apaisement général, cependant. La police et les troupes montent une garde vigilante dans cinq grandes villes indiennes, et dans l’entourage du gouvernement certains doutent que les moyens énergiques seront efficaces contre les nationalistes.

La circulation a été paralysée pendant des heures par des autobus aux pneus dégonflés; des fils télégraphiques ont été coupés; des pierres ont volé dans toutes les directions et les rues de Bombay sont couvertes de débris et d’éclats de verre.

La police a dû faire feu sur des étudiants qui manifestaient à Poona, où Gandhi, qui a 72 ans, et ses lieutenants sont détenus, et à Lacknow. Des grèves menacent d’éclater dans les grandes usines d’Ahmedabad, et des actes de violence ont aussi été commis à New-Delhi.

Malgré l’isolement de Gandhi, qui n’a plus la radio, les journaux ou ses amis pour se faire entendre, sa voix est parvenue à ses fidèles dans une liste d’instructions au peuple des Indes.

En plus de « hartal », ces instructions enjoignent aux fonctionnaires de démissionner, à des jeunes de prendre la place des chefs emprisonnés et aux propriétaires de refuser de payer les taxes foncières.

Appui des Chinois

Tcoung-King, 11 août 1942. Les Chinois, qui ne pourront que souffrir des désordres qu’il y a actuellement aux Indes, ont exprimé leur appui aux nationalistes indiens aujourd’hui. Dans la presse chinoise, on dit avoir appris avec regret l’arrestation des chefs nationalistes de l’Inde et un appel est lancé à Grande-Bretagne de chercher un règlement pacifique de l’épineux problème de l’Inde.

Le Dr Sun Fo, président du Yuan législatif, a déclaré hier soir que les habitants de l’Inde avaient toute la sympathie des Chinois.

Un porte-parole du gouvernement a déclaré que la Chine était prête à faire tout en son pouvoir pour qu’un règlement soit apporté à la question de l’Inde. Il n’a pas donné de plus amples détails à ce sujet. Il s’est empressé de dire, en réponse à une question, qu’il espérait que rien ne viendrait nuire aux relations anglo-chinoises.

Voir aussi :

Gandhi, apôtre de la résistance pacifique. Photo du domaine public.

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