Le camp d’internement de l’île Sainte-Hélène pour les internés et prisonniers de la Deuxième Guerre mondiale
Tout comme des milliers d’automobilistes qui empruntent quotidiennement le pont Jacques-Cartier bien peu de personnes parmi les dizaines de milliers de visiteurs qui fréquentent et profitent de la ronde savent que l’île Sainte-Hélène a abrité en camp d’internement lors de la 2e Guerre mondiale. En effet, on y interna des citoyens allemands, même des juifs allemands. De même que des citoyens canadiens d’origine italienne et des marins de la Marine marchande italienne
Durant la Seconde Guerre mondiale, une trentaine de camps d’entraînement civils et militaires ont été actifs à un moment ou à un autre au Canada dont la majorité se situait en Ontario et quelques-uns au Québec. Le camp S/43, situé dans les structures militaires du 19e siècle de l’île Sainte-Hélène est-ce l’un d’eux.
La guerre
Le 10 septembre 1939, une semaine après la France et la Grande-Bretagne, le Canada déclare la guerre à l’Allemagne. Immédiatement, des mesures sont prises pour prendre en charge certains citoyens canadiens d’origine étrangère.
Prisonniers civils
De plus tous les civils allemands émigrés après 1922 doivent s’enregistrer auprès des autorités canadiennes. Sur un peu plus de 16000, on internera quelque 850 au cours de la guerre. Plusieurs civils d’origine allemande sont interpellés et placés en détention.
Au pays, au cours de la guerre, on ouvrira plus de 25 camps d’internement, dont ceux de Farnham, Hull, Île-aux-Noix, Cove Fields (Québec), Sherbrooke-Newington, Trois-Rivières, Grande Ligne, Sorel et l’île Sainte-Hélène
À compter de janvier 1940 la compagnie de pétrole de la 2e division canadienne composée de plus de 500 hommes, est postée dans les casernes de l’île. Elle est chargée de l’entretien des camions et des véhicules des tous genres.
Le 10 juin 1940, l’Italie déclare la guerre à la France et à la Grande-Bretagne.
Les autorités britanniques ordonnent aussitôt aux civils italiens de ces rapporter. On craint en effet qui parmi ces immigrants se cachent de dangereux espions qui pourraient fournir d’importantes informations à l’ennemi, la fameuse 5e colonne.
Les bâtiments de bois qui ont abrité des prisonniers sur l’île Sainte-Hélène ont disparu.
Ceux-ci sont envoyés dans des camps d’internement en Grande-Bretagne, mais également dans les anciennes colonies, c’est-à-dire au Canada et en Australie.
Éloigné du Front européen, le Canada constitue un lieu de choix afin d’éloigner les civils de l’origine ou de nationalités ennemie et les princes prisonnières de guerre d’Europe, la distance rendant presque impossible un éventuel retour des évadés.
Ouverture du camp
Le camp S / 43 de l’île Sainte-Hélène est pleinement opérationnel entre juillet 1940 et le 31 octobre 1943.
Il accueille au départ 349 internés italiens, 25 réfugiés juifs et 52 marins marchands italiens en provenance de la Grande-Bretagne.
Les italiens internés proviennent principalement d’Écosse et ont été arrêtés en fonction de leur origine ethnique plutôt que de leur allégeance politique, puisque la majorité d’entre eux n’étaient pas fascistes.
L’un d’eux, Joe Pieri, relatera plus tard son histoire dans Isle of the Displaced, publié en 1997. Le camp sert également de lieu de transit et le nombre de prisonniers variera ainsi beaucoup entre l’ouverture et la fermeture du camp.
Occupation des lieux
Les fortifications des île Sainte-Hélène servent de camp d’internement. L’ancien Arsenal et le lavoir sont transformés en centre de détention et en corps de garde.
Les cours sont mises à la disposition des prisonnières et la poudrière sert d’atelier alors que l’île Ronde se transforme en jardin.
Bien installés sur le pont Jacques-Cartier des soldats surveillent le tout armés de puissantes mitrailleuses.
Une double clôture de barbelé d’une hauteur de 2 mètre entoure l’arsenal, le lavoir et la petite poudrière. Des portes d’acier son installés à l’entrée du camp. Une tour de garde est aussi érigée à chaque extrémité de la cour intérieure.
*
L’arsenal de l’île sert à accueillir les 400 internes. Le rez-de-chaussée est occupé par la cuisine, la cafétéria, les cellules de détention, ainsi que les toilettes et les douches. Les deux dortoirs se trouvent au premier et au deuxième étages. C’est là également que sont situés les locaux du barbier, du tailleur et du cordonnier du camp, ainsi que la bibliothèque et la salle de classe.
L’hôpital est quant à lui aménagé au premier étage.
À l’extérieur, dans la cour intérieure, les débutants ont construit une récréation hute ainsi qu’un atelier de couture la petite poudrière et le lavoir sont pour leur part occupé par le personnel militaire du camp. Les structures existantes servent de mess aux officiers et aux gardes.
La cuisine est-ce aussi localisé à cette endroit. Les gardes du camp font construire des structures temporaires dans le stationnement (aujourd’hui le P7). Ils y aménagent les quartiers des officiers, des sergent et des gardes ainsi qu’une récréation pour le personnel militaire.
Finalement la grande poudrière sert d’atelier de travail pour les détenus. On y installe un atelier de menuiserie et de peinture. C’est un espace que les détenus partagent avec les employés de la ville de Montréal.
Fermeture du camp
À la suite de la promulgation de la loi sur la conscription de1943 et de la capitulation de l’Italie, le camp d’internement de l’île Sainte-Hélène ferme ses portes des internés sont envoyés à Fredericton ou à Hull.
Le camp accueillera des soldats canadiens réfractaires de la guerre, des déserteurs et certains criminels militaires. Ce camp restera ouvert jusque au mois d’août 1946, alors que les militaires remettent l’île à la ville de Montréal.
Le 7 mai 1945 après la capitulation, une majorité des prisonniers allemands ne souhaite pas rentrer en Allemagne. Le rapatriement durera deux ans (1946 – 1947).
Des 35000 prisonniers incarcérés au Canada, 162 seront morts et 600 ont réussi à s’évader.
Même si la population connaît l’existence des camps d’internement au pays ce n’est qu’après la guerre que le Canada reconnaît officiellement avoir administré les camps sur son territoire.
Excuses officielles
L e 27 mai 2021, le Premier ministre du Canada Justin Trudeau a présenté des excuses officielles au nombre du Canada au 30 000 Canadiens d’origine italienne déclarés ennemis de l’État en 1940. Au total, près de 600 Italo-canadiens ont été arrachés à leurs familles, dépossédés dès leurs biens, emprisonnés, certaines durant 3 ou 4 ans, sans être accusés de quoi que ce soit.
En 1990, le Premier ministre Brian Mulroney a reconnu que les arrestations arbitraires et les internements survenus en 1940, constituent « un triste chapitre de l’histoire canadienne ». Il a donc présenté ses excuses. Pourtant ces excuses n’étaient pas officielles.
Notons que les citoyens d’origine japonaise avaient eu droit aux mêmes égards en octobre 1988. Ces dernières ont de plus obtenu des compensations financières. Les internes de la communauté italienne ne les ont pas reçus.
Pour en apprendre plus :
- Triple évasion des prisonniers italiens
- Prisonniers de guerre au Canada