
Coutumes des Madelinots
Les petites industries domestiques ont toujours été en honneur chez les Madelinots, surtout chez les Madelinotes qui sont les femmes les plus industrieuses, les plus vaillantes et les plus actives que l’on puisse trouver…
Dès 1765, les femmes fabriquaient tout ce qui servait aux vêtements de leurs familles. Tous les voyageurs qui dans la suite ont laissé quelques notes sur ces îles, font les mêmes observations; quelques-uns vont même jusqu’à exagérer un tantinet la part très active que nos vaillantes Madelinotes prennent au travail de la pêche.
En 1765, on y élève déjà des moutons et des vaches; au fur et à mesure que grandit la population, le cheptel se multiplie. Les pâturages sont abondants et il croît assez d’herbe sauvage pour qu’avec le moindre travail de culture on puisse récolter le foin de l’hivernage. Il semble qu’on se livre plutôt à l’élevage du mouton, sans doute parce que, pour eux, c’est le plus facile et le plus nécessaire. En 1830, Baddeley en compta 550, lesquels permirent de fabriquer 1275 verges de tissus. C’est le lot de la femme.
Avec la laine qu’elle tond elle-même, qu’elle carde et file de ses mains au rouet, elle tisse des couvertes, de la flanelle, de l’étoffe pour les besoins de la maison. Et de ses doigts agiles, elle tricote des gilets de laine, des camisoles, des bonnets, des bas, des mitaines, des gants… Elle tricote tout le temps qu’elle ne fait pas autre chose, et même en faisant autre chose: en soignant le pot-au-feu, en allant faire une visite à la voisine, en caquetant dans les veillées intimes, en se rendant au rivage à l’arrivée des pêcheurs, en allant aux bleuets, aux coqs, au magasin, partout, la Madelinote du 19e siècle – et celle du 20e lui ressemble -apporte sa brochure et broche les yeux fermés. La première chose qu’on constate avec surprise, c’est qu’elle a fini sa mitaine ou son bas; c’est l’affaire d’une courte veillée.
Le Rév. Geo. Patterson, auteur d’une remarquable étude sur les Îles de la Madeleine, écrit en 1891 : « Je dois avouer ici que de toutes les créatures industrieuses que j’aie vues, les femmes françaises méritent la palme. À côté de leur part de travail dans la pêche, la culture de la terre est en grande partie leur ouvrage. En plus de leurs devoirs de ménagères, elles filent la laine à la vieille méthode, la tissent en étoffe pour elles et leurs familles. Et quant au tricotage, elles se croiraient impardonnables d’aller quelque part, même à une petite distance, sans mettre en action les aiguilles à tricoter. Voyez ces deux jeunes filles qui s’en vont en charrette le long du chemin; tandis que l’une guide, l’autre ajoute quelques broches à son bas. »
La coutume surprend un peu l’étranger, moins aujourd’hui cependant depuis que le tricot est à la mode dans les villes; il l’a toujours été aux Îles. Les longs hivers madelinots sont propices à ces industries domestiques. Tous les enfants y prennent part. Pendant que le père raccommode ses filets, la mère prépare sa pièce. Après la classe, les leçons étudiées, les garçonnets «brochent des têtes de cages» les fillettes font de la défaisure, (Vieux tricot taillé qu’on défait pour l’écharpiller.) les plus grandes écharpillent, la mère file au rouet, la grand’mère dorlote bébé, puis le père, quand il n’a pas été faire son petit tour chez le voisin, fume sa pipe en cousant des bottes sauvages à ses gars.
Sorte de mocassin, la botte sauvage qui est encore aujourd’hui la chaussure des hommes pour l’hiver, fui aussi celle des femmes jusque vers 1880. La plupart des vieux et des vieilles, en nous contant des histoires du temps passé, n’oublient pas de nous dire, un peu malicieusement, qu’ils ont été longtemps à la messe en bottes sauvages, que dans ce temps-là le monde n’était pas fier comme aujourd’hui, et que les garçons n’avaient pas honte d’aller voir leurs blondes en botter sauvages, ni les filles de porter la câline (sorte de coiffe) le dimanche. C’est que la chaussure fine – qu’on persiste à appeler chaussure française – coûtait bien cher alors; et seulement les plus fortunés pouvaient de temps à autre en acheter une paire, qu’ils ménageaient comme leurs yeux. Cela ne les empêchait pas de couler des jours heureux et de passer d’agréables soirées, pour faire diversion aux occupations ordinaires.
La pièce d’étoffe terminée, il restait une autre opération à lui faire subir, avant de la convertir en robes, culottes et vestons. C’était le foulage: la journée de plaisir des garçons et des filles. Quelle agréable corvée pour la jeunesse! Je ne saurais décrire au juste quel procédé on employait pour ce travail. Je sais qu’il y avait une espèce d’auge immense, remplie d’eau chaude et de savon domestique; que les filles se plaçaient d’un côté, les garçons de l’autre; et que du matin au soir on travaillait l’étoffe pour la fouler et la rendre épaisse et ferme comme du drap anglais.
Inutile de dire qu’on ne gardait pas un silence monacal et qu’on n’avait pas toujours les yeux modestement baissés dans l’auge. C’était l’occasion où les amoureux se déclaraient leur feu. Aussi la maîtresse, tout en préparant son fricot, avait-elle à surveiller soigneusement son affaire, pour que les jeunesses ne lui gâtent pas son étoffe et pour que tout se passe dans l’ordre.
Les histoires, les contes, les taquineries, les rires jetaient une note gaie dans l’atmosphère. À midi, on se mettait à table, et, pour agrémenter le repas, on rappelait les incidents de l’avant-midi.
Vers le soir, l’ouvrage achevé, les garçons allaient s’attifer pour la veillée que les jeunes filles se hâtaient de préparer. C’était la récompense vivement attendue de leur journée. La maison s’emplissait bientôt de vieux et de jeunes. Les femmes, armées de leurs inséparables brochures, se mettaient à tricoter tout en jasant de l’événement sensationnel du jour, puis chacune disait avec un tout petit brin d’exagération combien elle avait filé de livres de laine, tricoté de paires de mitaines, quand elle finirait sa pièce et ce qu’elle fabriquerait cet hiver.
Les hommes allumaient une vieille bouffarde et parlaient des glaces 3 y aurait-il des loups-marins, quelles goélettes iraient, quels en seraient les équipages, les accidents passés et ceux qui pourraient encore se rencontrer, etc…
Pendant ce temps, les jeunes s’amusaient à chanter et à rire. Et tout en chantant, ils se mettaient à danser. Les vieux durs à cuire s’animaient – la danse les électrisait – ils se mêlaient aux jeunes pour une quadrille, puis pour un cotillon inoffensif; c’est à qui montrerait le plus d’habileté, de souplesse dans la gigue. Pendant ce temps, un chaudron de tire ronronnait sur le feu; histoire d’adoucir la langue, en attendant le réveillon pantagruélique. À cette occasion, on sortait de leurs cachettes les tartes, les gâteaux et les galettes confectionnés par l’habile ménagère, en prévision de cette soirée.
Ces veillées se répétaient assez fréquemment, puisque chaque famille avait sa foulerie, qu’il y avait les Fêtes, la Chandeleur, les Jours Gras, les noces, à part des Garderies, des grands ménages, des battages, etc., qui se faisaient par corvées et donnaient lieu également à des divertissements de cette sorte. Et les jeunes, sans parler des vieux, en profitaient d’autant plus que du printemps à l’automne, ils vivaient en ermites sur la mer et n’avaient pas le temps de s’amuser, ni d’aller voir leurs dulcinées. Dans ces veillées, ils chantaient de vieilles chansons et complaintes apportées d’Acadie ou des chants populaires éclos au terroir si fertile et si poétique de nos îles.
(D’après Paul Huber, Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, Rimouski, Imprimerie Générale de Rimouski, 1926)

Îles de la Madeleine. Image libre de droits.
Voir aussi :
- Attraits des de la Madeleine
- Région administrative de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine
- Tricotage au Québec
je cherche un artisan cordonnier qui fabrique des bottes sauvages ,envoyez moi ces coordonnées,merci de votre information. yvon gagnon rouyn-noranda abitibi-témiscamingue
On dit Madelinienne, et pas madelinote !!!! -_-‘ et vous devriez préciser un peu plus qu’il s’agit des coutumes anciennes, on a évolué nous aussi aux îles, nous ne sommes plus dans les années 50!
Bonjour Madelinienne.
Hum… l’article est bien signé : (D’après Paul Huber, Les Îles de la Madeleine et les Madelinots, Rimouski, Imprimerie Générale de Rimouski, 1926). On y voit clairememt qu’ill s’agit d’un extrait d’un livre sur les Madelinots et leurs coutumes dans les années 1920…
On l’a ajouté en effet pour illlustrer les coutumes anciennes (v. l’année de publication de l’oeuvre). Quant au gentilé, c’est pas à nous de changer le titre de l’ouvrage.
ont dit bien madelinots et madeliniennes vous etes tres mal informée