
Montréal-Québec, deux jours et demi en diligence
Aujourd’hui, la plupart des automobilistes n’osent plus emprunter le chemin du Roy pour se rendre à Québec. Grâce aux autoroutes 20 et 40, le trajet est très rapide, bien que, pour les députés de Montréal et des environs, les deux heures qui les séparent de leur destination paraissent très longues. Ce qui m’amène à vous parler du transport en commun utilisé vers 1840 entre Montréal et Québec.
Hechtor Bethelot, un journaliste de La Patrie, quotidien français très populaire il y a plusieurs années et dont les archives contiennent une foule de choses sur notre histoire, et qui ont été réunis par Edouard-Zotique Massicotte dans l’ouvrage Le bon vieux temps, nous raconte l’épopée d’un voyage de Montréal.
Québec au milieu du XIXe siècle. Berthelot insiste sur le fait que le voyage durait deux jours et demi en moyenne, selon l’état des routes. Le service était offert par la diligence postale, la diligence de la « malle », comme on l’appelait alors, dans laquelle de six à huit passagers prenaient place. Comme aujourd’hui, on pouvait voyager en première classe. En effet, les gros bonnets de l’époque pouvaient profiter d’un service spécial, dans des voitures appelées les « voitures extra ». Deux chevaux attelés en flèche tiraient la carriole. Les arrêts étaient moins nombreux, ce qui fait que le voyage était moins long. Les gros bonnets capables de se payer un tel luxe étaient très bien considérés par les aubergistes. Sur la route, les voitures extra avaient le droit de garder toujours le milieu de la voie et, mentionne Hector Berthelot, quand arrivaient des charrettes de cultivateurs, le conducteur de l’extra criait : « Rangez-vous, laissez passer l’extra. » Le prix du voyage par l’extra pour deux passagers : un écu par lieue.
Pour le monde ordinaire voyageant en diligence, le tarif pour aller de Montréal à Québec était de 10 dollars, le coucher et les repas en sus. Le signal de départ était donné à six heures du matin par une tromplette, en face de l’hôtel Rasco, rue Saint-Paul, au coin de la place Jacques-Cartier. La diligence qui partait de cet endroit appartenait à Mm. Gauvin et Hough, propriétaires de la Ligne rouge. Déjà, la concurrence existait. En effet, il y avait un autre ligne, la Ligne verte, exploitée par Mm. Timothée Marcotte, de Deschambault, Joseph Giroux et Henri Harnois, de Berthier. Les diligences de cette ligne prenaient leur départ devant les écuries de la rue Saint-Gabriel, presque en face de l’édifice de La Patrie, situé entre les rues Notre-Dame et Saint-Thérèse. Les voitures s’arrêtaient toutes les cinq lieues. Premier arrêt, l’auberge Deschamps, au Bout-de-l’Île, et on pousuivait : Saint-Sulpice, Berthier, Louiseville, Trois-Rivières, Champlain, Sainte-Anne-de-la-Pérade, Deschambault, Québec.
À l’époque, lorsque les députés se rendaient à Québec pour une sessions, ils apportaient avec eux les provisions qu’il leur fallait pour la durée des travaux parlementaires. Que contenait leur sac de provisions? Un petit baril de lard, des rôtis de porc, des pommes de terres, du pain de ménage, de la mélasse, etc. Arrivé à Québec, le député louait une chambre dans une maison privée et se nourrissait lui-mêmeé Il faut savoir qu’en ces temps le déput ne recevait aucun salaire. La diligence commune était son moyen de transport.
Notre journaliste de La Patrie ajoute dans son article qu’un certain entrepreneur de pompes funèbres, qui avait charge de la la morgue, a aussi exploité un service de diligence entre Montréal et Québec durant les 14 ans qui ont précéde la construction du Grand Tronc.
Bethelot nous parle également du sifflet à vapeur qui a semé la terreur la première fois qu’il s’est fait entendre. Bien sûr, veres 1850, pendant que les diligences circulaient sur le chemin du Roy, le Saint-Laurent servait encore de route entre Montréal et Québec. Un des bateaux qui y naviguaient, le remorqueur Saint-Roch, sema l’épouvante un jour sur son passage. Ce bateau remorquait des radeaux entre Montréal et Québec et était muni du premier sifflet à vapeur. Ce sifflet avait une telle intensité, selon Berthelot, qu’on pouvait l’entendre à une quinzaine de milles à la ronde. Le pillote prenait un plaisir fou à le faire résonner. Son sifflet causa tout un émoi à Trois-Rivières. La population surexcitée se demandait quelles catastrophe était annoncée. On crut que les eaux du Saint-Laurent étaient tout d’un coup infestées de monstres mystérieux… Au collège de Nicolet, le sifflet du Saint-Roch avait provoqué la panique. Il fallut expliquer aux élèves, pour calmer leur peur, la source de ce bruit étrange.
(Source : Marcel Tessier raconte, chroniques d’histoire, Éditions de l’homme, 2000. Tome 1).

Rue Notre-Dame, une rue historique de Trois-Rivières. Photographie de GrandQuebec.com.
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