
La voiture hippomobile n’a pas besoin de lumières à l’arrière
C’est à l’automobiliste d’être plus prudent, la nuit, sur nos routes – Un jugement de la Cour supérieure qui sort de l’ordinaire – Cheval blessé
(Texte paru dans le journal Le Canada le 20 janvier 1944).
Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, un cultivateur qui conduit son cheval sur la route, la nuit, n’a pas besoin de lumière à l’arrière de la voiture. C’est à l’automobiliste qui vient derrière lui d’user de grande prudence pour éviter tout accident. Et c’est en se basant sur ce point de droit intéressant que l’honorable juge Alfred Forest, dans un jugement rendu hier, en Cour supérieure, condamne M. Charles Juska, commis de Montréal, à payer des dommages de $305, 10 avec intérêts et dépens à Mé Adélard Raymond, Chambly.
Dans ses notes, la Cour souligne que le demandeur, « cultivateur par profession, est le propriétaire d’un cheval percheron, enregisté pur sang « black horse », d’une pesanteur de 2,000 livres et pour lequel il a payé, en 1941, la somme de $500. »
Le 18 novembre 1942, à 6 heures du soir, Raymond conduisait sa bête au pas à la droite de la route, attelé à une wagonnette lourde rectangulaire, à roues busses et se dirigeait vers Saint-Hubert, lorsque, à un moment donné, il fut violemment heurté par l’automobile du défendeur Juska qui filait, au moment où il faisait son dépassement, à une très vive allure. Sous le choc, les deux roues et l’esseau de l’arrière-train, ont été complètement arrachées et trainées à cent pieds plus loin, les ridelles retournées, bout pour bout, et renversées sur la croupe du cheval, gisant par terre, ayant la hanche et la patte droites sérieusement meurtries, avec effusion de sang. Puis le juge Forest ajoute :
« Il y avait un espace libre d’au moins vingt pieds à la gauche de la voiture du demandeur Raymond qui s’en allait sur la partie extrême droite de la chaussée dont la largeur est de trente pieds à cet endroit. Le défendeur Juska n’a pas arrêté après l’accident, et l’officier de la circulation assigné à la surveillance de la rive sud, lui a donné la chasse et n’a réussi à le retracer que douze milles plus loin, à l’entrée du Pont du Havre, à Longueuil. Constatant que le défendeur était empêché et ne possédait pas tous ses moyens, il l’amena au poste et porta une dénonciation en correctionnelle où l’inculpé plaida coupable, le 9 décembre 1942 et fut condamné à une amende de $10 et aux frais. »
« Dans une poursuite en dommages pour collision avec un cheval, il incombe au conducteur de l’automobile d’établir que l’accident n’est pas dû à sa faute, mais repose essentiellement sur un cas de force majeure ou est dû à un événement imprévisible ;
« Le défendeur Juska devait savoir que les voitures hippomobiles ne sont pas tenues de porter des lumières et devait se conduire en conséquence ;
« Les trois médecins vétérinaires qui ont examiné le cheval du demandeur sont unanimes à déclarer que les blessures observées chez cette bête de grand prix son chroniques, persistantes, incurables, à cause de la tuméfaction introduite dans le jarret écrasé, la désarticulation des os de la hanche, l’épaississement des muscles de la fesse droite, de son boitement au trot, de la gêne qu’il ressent en marchant dans une couche de neige de dix pouces et le rendront infirme pour le reste de ses jours. »
Maitre Philippe Lamarre, c.r., représentait le demandeur Raymond. (C.S. 215591).

Place Jacques-Cartier. Photographie de GrandQuebec.com.
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