Vocabulaire de Maurice Duplessis

Le vocabulaire de Maurice Duplessis :

Les mots les plus fréquents dans son discours politique

Cet analyse comprend 52 discours de Maurice Duplessis qui totalisent 116 120 mots et qui couvrent 30 ans de vie politique de cet acteur de l’histoire du Québec.

Les noms propres remplissent une fonction spécifique dans le discours de Maurice Duplessis : Ils assurent l’ancrage des propos dans l’espace géographique (toponymes), économique (noms d’entreprises), social y politique (notamment par les noms de personnes).

Chez Duplessis, la géographie politique est asymétrique : la « Province de Québec » est face à « Ottawa » et l’Union nationale face à des individualités. En effet, Duplessis parle très souvent de son parti (Union nationale), mais pratiquement jamais du Parti libéral. Ce dernier est réduit à ses chefs (Taschereau, Godbout, Lapointe, Bouchard). Autrement dit, la forte présence de ses adversaires dans l’index des noms propres est révélatrice d’un discours polémique (et cette tendance sera attestée par d’autres indictateurs).

Il faut enfin souligner l’absence du nom propre « Québécois et l’usage presque exclusif de la référence identitaire canadienne. Maurice Duplessis se définit comme Canadien avant tout. Il utilise ce vocable de deux façons : il l’emploie pour affirmer son appartenance au Canada lorsqu’il prend la parole dans le cadre de rencontres fédérales/provinciales, mais ce mot prend aussi un sens ethnique lorsqu’il l’utilise pour différencier le groupe francophone des autres groupes. Il se substitue alors au vocable « Canadien français » qu’il emploie d’ailleurs très peu (seulement 6 fois) tout comme l’adjectif « canadien-français » (6 reprises également) qu’il associe à « la mère », à « la famille », à la « race » et à la « nation » canadienne-française.

Les substantifs les plus fréquemment utilisés donnent une idée plus précise des principaux thèmes abordés par Duplessis.

Puisque Maurice Duplessis est premier ministre, le syntagme « gouvernement de la Province de Québec » contient logiquement les mots les plus fréquents. La défense des « droits » et des « intérêts » du Québec est le but essentiel du gouvernement. En effet, la question constitutionnelle est une préoccupation constante de Duplessis et elle est représentée notamment par les mots « droit » (quatrième place – 338 fois, tandis que le mot « Province » est utilisé dans ses discours 1067 fois et le mot « gouveernement » – 777 fois), « autonomie », « confédération » et « constitution ». Elle se manifeste aussi par la fréquence des adjectifs « provincial » (1er rang des adjectifs) et « f.d.ral » (3e rang des adjectifs).

Parc portuaire de Trois-Rivières
L’entrée dans le parc portuaire de Trois-Rivières. Photo de GrandQuebec.com.

L’argent public est le second thème. Contrairement à ce que certains analystes ont soutenu, les discours de Duplessis contenaient beaucoup de chiffres comme l’attesten les vocables « dollar » et « million » qui arrivent en tête de liste (sans compter les discours du budget qui ne figurent pas dans cette analyse). Maurice Duplessis déploie une logique de comptable pour justifier sa bonne gestion des fonds publics en comparant les finances de la province à celles des autres provinces et surtout pour réclamer du gouvernement fédéral ce qu’il appelait « notre butin » avec la récupération des droits de taxation.

L’agriculture est un autre thème central de sa rhétorique. Jusqu’à la fin de son règne, Duplessis vantera les mérites de l’agriculture comme source de progrès et de prospérité de la société québécoise. « Sans agriculture, il n’y a pas de progrès possible » : « agriculture » arrive au 17e rang, cultivateur au 18e, suivis de « terre » (26e0 et de « colonisation » (34e). En revanche, l’industrie arrive loin derrière en 47e position (avec 75 occurrences).

L’action gouvernementale est menée au nom du « progrès » (13e rang), celui de la Province d’abord et ensuite celui de l’agriculture dont dépend la prospérité individuelle et collective.

Fait moins connu que la lexicométrie met en évidence, il faut noter l’importance que Duplessis accorde à l’éducation et à l’école, mais il faut préciser que cette responsabilité n’incombe pas à l’État, selon lui, mais aux parents et aux institutions religieuses. À cet égard, la faible fréquence du mot « État » (77e rang et 61 occurrences) est symptomatique d’une vision conservatrice du politique et hostile à l’intervention publique.

Parmi les autres caractéristiques du lexique de Duplessis, il faut relever la faible personnalisation de son discours puisqu’il utilise deux fois plus souvent le « nous » (1577 fois) que le « je » (836 fois).

(Extrait du texte Maurice Duplessis orateur : vocabulaire, style et axes de communication du chef de l’Union nationale d’auteurs Denis Monière et Dominique Labbé. Texte paru dans le livre Duplessis, son milieu, son époque . Éditions Septentrion, Québec, 2010).

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