Salut à vous, gens du Québec : Des dizaines de milliers de gens accueillent le pape
C’est par une affirmation de son identité particulière que l’Église canadienne a accueilli aujourd’hui (le 9 septembre 1984), le pape Jean-Paul II, à la première journée de sa visite au Canada.
Malgré la volonté maintes fois exprimée par le pape de maintenir les femmes à l’écart du sanctuaire, le chef de l’Église catholique a été témoin du rôle actif joué par plusieurs femmes au cours du grand rassemblement eucharistique qui a eu lieu sur les terrains de l’Université Laval de Québec.
Un bon nombre de femmes ont en effet distribué la communion au cours de cette messe. D’autres, que l’on a pu voir tous près du pape sur le podium où avait été érigé l’autel, ont fait la lecture de quelques textes liturgiques et apporté des offrandes du sacrifice.
La journée semble par ailleurs avoir donné le ton de toute la visite papale. On a noté, par exemple, que dès son premier message adressé aux Canadiens alors qu’il survolait la région de Gaspé, ce matin, Jean-Paul II a salué les autochtones du Canada, formulant à leur intention un vœu particulier: « Puissiez-vous vivre toujours dans la pleine reconnaissance de votre dignité et de vos droits ».
Questions à poser, questions à entendre
À sa descente d’avion, à Sainte-Foy, Jean-Paul II a dit aux Canadiens: « J’ai des questions à vous poser et j’aimerais aussi entendre les vôtres ». Saluant les Canadiens de toutes les cultures, il a donné une idée du message qu’il vient livrer: « Je veux, a-t-il dit, vous parler des problèmes de ce temps, concernant la culture, la communauté, la technologie, la famille, le partage, la justice ».
Par ces propos, l’illustre visiteur a semblé laisser entendre qu’il ne va pas seulement faire des discours, mais qu’il veut également écouter: « Ma parole ne prétend pas apporter une réponse à toutes les questions, ni se substituer à votre recherche », a-t-il ajouté.
Il a aussi souligné le caractère culturel et traditionnel du Québec. Accueilli par le gouverneur général du Canada, Mme Jeanne Sauvé, le premier ministre John Turner et le chef du gouvernement québécois René Lévesque, ainsi que par de nombreux dignitaires civils et religieux, Sa Sainteté a souligné sa joie de faire une première escale dans ce coin de pays où la nation canadienne et la foi catholique ont pris naissance il y a 450 ans.
Pape Jean-Paul II : « Salut à toi, Québec, première Église d’Amérique »
« Dans ce immense pays du Canada, a souligné le Saint Père, c’est d’abord à Québec que je commence mon pèlerinage, et j’an suis très heureux. Salut à toi, Québec, première Église en Amérique du Nord, premier témoin de la foi, toi qui as planté la croix au carrefour de tes routes et qui as fait rayonner l’Évangile sur cette terre bénie.
« Salut à vous, gens du Québec, dont les traditions, la langue et la culture confèrent à votre société un visage si particulier en Amérique du Nord », a-t-il lancé à son auditoire.
Peu avant qu’il ne rentre à l’archevêché de Québec pour y passer la soirée et la nuit (il était déjà tard dans la nuit romaine), les fidèles du campus de l’Université Laval le lui ont bien rendu, chantant dans une joie délirante l’hymne de Vigneault : « Mon cher Saint-Père (certains disaient plutôt mon cher Jean-Paul) c’est votre tour de vous laisser parler d’amour ».
Papamobile
Tout au long de ses déplacements à bord de la papamobile et partout où il s’est arrêté, des dizaines de milliers de fidèles et de curieux ont fait joyeusement le pied de grue pour lui réserver des ovations délirantes. L’émotion était visible chez des gens de tous âges. Beaucoup étaient émus jusqu’aux larmes.
Le pape a quitté l’aéroport en limousine pour prendre son premier bain de foule avec quelque 250 jeunes confirmés des différents diocèses de la région. Il s’est ensuite rendu à la basilique cathédrale de Québec où il a rendu hommage à l’Église du Québec. Il a rappelé plusieurs des grands noms de l’histoire religieuse canadienne, dont celui de Mgr de Laval, et il a invité les croyants d’ici à continuer l’œuvre entreprise par leurs prédécesseurs.
Le premier grand « discours » du pape a été l’homélie qu’il a donnée lors de la messe pontificale qui s’est déroulée sur les terrains de l’Université Laval, devant une foule de quelque 275 000 personnes, foule plus nombreuse que ce qu’avaient prévu les organisateurs.
« N’acceptez pas le divorce entre la foi et la culture, a dit Jean-Paul II. À présent, c’est à une nouvelle démarche missionnaire qui vous êtes appelés ».
Mme Sauvé et le pape Jean-Paul II
À son arrivée à l’aéroport de L’Ancienne-Lorette, le pape a eu droit, en tant que chef d’État, à une salve de 231 coups de canon.
« Partout dans le monde, a-t-elle dit, règne le désarroi. Les enfants cherchent les pères et les adultes cherchent les maîtres. Ce qui, à notre sens, fait le plus défaut, c’est l’audace du prophète. Votre Sainteté ne s’étonnera pas que nous voyions en Elle ce prophète, car, plus que tous les autres chefs de notre temps, Elle a su percevoir les causes de l’angoisse universelle et proclamer qu’il ne faut pas avoir peur qu’il faut oser ».
Le gouverneur général a ensuite demandé au pape de porter une attention particulière aux jeunes à qui il pourrait apporter « les raisons de croire et de vivre ».
Le pape sort du texte écrit de son discours pour dire avec chaleur à Mme Sauvé: « Laissez-moi, Madame, souligner la délicatesse et la hauteur de votre discours. Laissez-moi vous féliciter pour la juste appréciation de ma mission dans le monde ».

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