Les Amérindiens étudient les Européens
Comment les peuples autochtones percevaient-ils les Européens dont ils firent la connaissance au début du XVIe siècle? Les documents européens de l’époque n’apportent pratiquement rien à ce sujet. C’est plutôt la tradition orale des descendants des premiers colons que peut nous donner une idée.
En fait, il semblerait que les peuples autochtones ne concevaient pas qu’il puisse exister des terres au-delà de l’océan, région qu’ils associaient surtout au surnaturel. Il ne leur était pas facile non plus de comprendre la signification technologique de la plupart des objets et des outils qu’ils voyaient pour la première fois.
Au début du XVIIe siècle, lorsque les Montagnais et les Micmacs aperçurent des navires européens, ils crurent que c’étaient des îles flottantes (Rand 1894, RJ). George Hammel (1982) affirme que les Micmacs crurent que leur héros mythique Homme-Lapin blanc se trouvait à bord du premier navire qu’ils virent, bien qu’à la fin du XIXe siècle leur folklore l’eût transformé en missionnaire à robe blanche.
Selon les rapports des capitaines des navires, les Indiens avaient pris les voiles pour des nuages, et la décharge de leurs canons pour les éclairs et le tonnerre (Wood 1634). Plusieurs crurent que le navire des Blancs était une maison ou un canot appartenant à leur Être Suprême et lui préparèrent en conséquence des sacrifices, un festin et des réjouissances.
Si l’on en croit plusieurs récits de voyage, les Amérindiens furent surtout impressionnés par les grandes quantités de métal et de perles de verre que possédaient les nouveaux arrivants en Amérique et dont la population autochtone reçu une partie en cadeaux.
George Hammel croit que les Indiens confondirent le métal européen avec leur cuivre natif et prirent les perles de verre pour des cristaux naturels. Prêtant des pouvoirs surnaturels à ces substances qui provenaient des entrailles de la terre, ils crurent que les visiteurs européens étaient les envoyés des esprits qui étaient les gardiens des coquillages, du cuivre et du quartz, et qui avaient le pouvoir de guérir les maladies et de conférer aux humains santé, longévité et chance.
Mais ces mêmes esprits pouvaient nuire aux humains. Ainsi, lorsque à la suite du contact entre les Amérindiens et les Européens, les maladies se répandirent chez les autochtones, ceux-ci durent y voir la manifestation de ces pouvoirs maléfiques.
Dans l’est du Canada, les contacts les plus fréquents s’établirent entre les peuples côtiers et les Européens qui accostaient pour faire sécher la morue et clarifier l’huile de baleine. Aux Sauvages qui se trouvaient dans le voisinage, les pêcheurs remettaient des présents pour les pacifier et on recourait quelquefois à leurs services.
Au fil des ans, le principal lien qui unissait les deux civilisations devient la traite des fourrures. Au début du XVIe siècle, ce commerce, uniquement pratiqué à petite échelle, portait surtout sur des fourrures rares aussi bien que sur des peux d’orignal ou de morse.
En 1535, Jacques Cartier rencontra sur le fleuve, entre Québec et Montréal, des Indiens qui amassaient des peaux de rat musqué et les offraient aux marins en échange des haches de fer, ce qui peut être un indice prouvant que certains des Indiens aient transporté des marchandises européennes à l’intérieur des terres. D’ailleurs, lorsque Donnacona, chef indien de la région de Québec, fut emmené en France, en 1536, les membres de sa tribu lui remirent trois ballots de peaux de castor et de phoque pour qu’il puisse les échanger avec les Français.
Un commerce identique des fourrures se pratiquait à la même époque à Terre-Neuve, dans la région du Cap-Breton où s’étaient installés des Portugais en 1520, et jusqu’à la Baie des Chaleurs, au nord, où les Micmacs possédaient des fourrures et savaient déjà avant l’arrivée de Cartier comment commercer avec les Européens (Biggar, 1924).
Mais ces échanges étaient encore très fragmentaires…
Références :
- Biggar H.P. The Voyages of Jacques Cartier, 1497-1534. Publications of the Canadian Archives 5, Ottawa, 1924.
- Rand, S.T. Legends of the Micmacs, New York, Longmans, Green, 1894.
- Relations des Jésuites.
- Hammel, George. Sun Serpents, Tawiskaron and Quartz Crystals, Rochester Museum and Science Center, miméographie. 1980, 1982.
- Wood, William. New England Prospect, a True, Lively and Experimental Description of that Part of America, Commonly called New England. London, Thomas Cotes, 1634.

Pour en savoir plus :
- Peuples autochtones (index thématique)
- Fondation de la Nouvelle-France