L’accord du Lac Meech rendra le Canada impotent, avertit Trudeau
L’entente constitutionnelle du Lac Meech (l’accord du Lac Meech) rendra le Canada impotent, avertit l’ancien premier ministre fédéral Pierre Elliott Trudeau. Une entente qu’il qualifie de gâchis total », et dans laquelle il voit un encouragement direct à la souveraineté-association.
Le 30 avril 1987, date de l’accord du Lac Meech, (accord que reste à être entériné par toutes les provinces) est un « jour sombre pour le Canada », écrit M. Trudeau dans une déclaration exclusive publiée aujourd’hui, le 27 mai 1987, dans La Presse. Et il va plus loin. Nos chefs politiques actuels manquent de nerf, soutient l’ancien leader libéral. Pis, le gouvernement canadien est tombé entre les mains d’un pleutre (lâche, poltron) en la personne de Brian Mulroney.
«Le très honorable Brian Mulroney, C.P., M.P., grâce à la complicité de dix premiers ministres de province, entre déjà dans l’Histoire comme l’auteur d’un document constitutionnel qui, si le peuple et ses législateurs l’acceptent – rendra l’État canadien tout à fait impotent, lance M. Trudeau. Dans la dynamique du pouvoir cela voudrait dire qu’il sera éventuellement gouverné par des eunuques».
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Essentiellement, l’ancien premier ministre reproche à son successeur d’avoir mis le Canada sur la voie rapide de la souveraineté-association, en cédant aux provinces des prérogatives nationales et internationales autrefois dévolues à Ottawa. Ainsi, à ses yeux, le gouvernement central abandonne aux provinces d’importants éléments de sa juridiction, comme le pouvoir de dépenser et l’immigration.
La Charte des droits s’en trouver affaiblie, craint-il, tandis que les provinces accroissent leurs pouvoirs législatifs (Sénat) et judiciaire (Cour suprême). Le tout sans possibilité pour Ottawa de les récupérer, puisque chaque province disposera d’un droit de veto constitutionnel.
Point n’est besoin d’être grand clerc, dit M. Trudeau, pour prédire que « la dynamique politique attirera désormais les meilleurs esprits vers les capitales provinciales. Là où résidera le véritable pouvoir. La capitale fédérale sera le dévolu des laissés-pour-compte de la politique et de la bureaucratie ».
Depuis son retrait de la politique active, en 1984, M. Trudeau ne s’était jamais prononcé aussi vigoureusement sur des questions de politique canadienne. À peine, à la mi-mai à Toronto, émettait-il des commentaires très prudents. Il se prononçait sur l’accord survenu quinze jours plus tôt au Lac Meech, laissant deviner son insatisfaction.