
Jean-Guy Cardinal se dit solidaire du premier ministre J. – J. Bertrand. Le Bill 85 sur les droits scolaires de la minorité anglophone
M. Jean Guy Cardinal affirmé, samedi, à l’Assemblée législative, qu’il était solidaire du premier ministre hospitalisé, M. Jean- Jacques Bertrand, le ministre de l’Éducation et vice-président du Conseil des ministres a d’autre part révélé que M. Bertrand «accepte» que le bill 85 sur les droits scolaires de la minorité anglophone soit référé au comité parlementaire de l’Éducation.
Le nouveau député du comté de Bagot a également soutenu que le même projet de loi ne serait pas référé aux calendes grecques, mais qu’il serait adopté à la prochaine session, en 1969.
Ces trois prises de position de M. Cardinal sont survenues dans la cadre du débat, samedi, à l’Assemblée législative, visant à faire adopter une motion gouvernementale afin de référer le bill 85 au comité parlementaire de l’Éducation.
Solidarité
Devant les attaques de « trahison » lancées par M. Jean Lesage à l’endroit de certains membres du gouvernement envers leur chef hospitalisé, M. Jean Guy Cardinal a notamment déclaré: « il est vrai que j’ai accompagné le premier ministre, l’honorable Jean – Jacques Bertrand, lorsqu’il a rencontré un groupe de citoyens à Montréal. Comme l’a indiqué clairement l’honorable chef de l’Opposition, j’étais solidaire et je demeure solidaire de notre premier ministre.
«Je désirerais rappeler au chef de l’Opposition les paroles que j’ai prononcées le 4 décembre dernier, alors qu’après l’élection de Bagot, je rappelais cette loyauté envers le chef et ce désir de servir le comté de Bagot, le Québec et le chef, M. Jean – Jacques Bertrand».
M. Bertrand a « accepté »…
M. Cardinal a cité de nombreuses paroles de M. Bertrand pour démontrer que le gouvernement a rempli sa promesse de déposer un projet de lot en matière linguistique et s’est empressé d’ajouter:
«J’ai d’ailleurs vu, ce matin même encore (samedi), l’honorable premier ministre et vous pouvez être assurés qu’il «accepte » cette référence au comité de l’éducation».
Le ministre de l’éducation a également soutenu que l’affirmation voulant que le caucus soit divisé est facile et «il n’est pas question de référer aux calendes grecques le projet de loi 85, mais comme l’indique la motion, à la prochaine session », a-t-il précisé.
En faveur du comité
Le ministre de l’Éducation a d’autre part affirmé que le gouvernement a pris ses responsabilités, contrairement aux affirmations des libéraux.
Cette responsabilité, a-t-il dit, c’est celle de se faire aviser, celle d’entendre les voix de ta population sur un sujet aussi important, aussi fondamental que celui qui est devant nous (bill 85).
Dans les circonstances, selon lui, « on peut difficilement, surtout pour des raisons de partisanerie, s’opposer à ce que les différents mouvements, les associations, les groupes intéressés par le problème. fassent entendre leur voix.
« Il ne peut être question, dans un domaine semblable, en fin de session, alors que, souvent, tout se passe à la vapeur, d’empêcher la population de s’exprimer», a lancé le vice président du conseil des ministres.
Comment voulez – vous, a-t-il demandé aux libéraux, qu’en réunissant sans délai ce comité, vous puissiez croire que tous les groupes intéressés, que toutes les personnes qui peuvent se faire entendre puissent le faire a si brève échéance?
Le ministre faisait alors allusion à la demande des libéraux qui voulaient que le comité parlementaire de l’Éducation étudie le bill 85 avant la fin de la présente session.
M. Cardinal a conclu en disant que l’étude du bill 85 doit. se faire dans la paix et dans un délai raisonnable.
« Il faut que cette étude puisse se faire pour que le projet de lot, en cette matière, soit un projet qui représente vraiment les aspirations du Québec et qui résolve véritablement les problèmes qui se sont posés ou qui pourraient se poser à l’avenir », a-t-il ajouté.
M. Rémi Paul
Pour sa part, le secrétaire de la province, M. Rémi Paul, s’est demandé « quelle hâte y a-t-il de nous lancer dans la fournaise alors qu’Ottawa vient de suspendre l’étude du bill sur les langues ».
Selon lui. les députés n’ont pas le droit d’agir à la légère avec un projet de loi aussi important que le bill 85 et lorsqu’il s’agit des droits des minorités ou des majorités, « nous n’avons pas le droit de sacrifier les droits de l’un ou de l’autre des groupes », a-t-il dit.
II s’est dit convaincu que les députés s’acquitteront de leurs devoirs et de leurs responsabilités en entendant tous les corps publics qui viendront, se faire entendre ou faire des représentations au comité parlementaire de l’Éducation.
« Peut-être aurons nous raison à ce moment-là, de changer certains des principes du bill 85 et nous n’aurons pas à faire marche arrière, à annuler des procédures, une étape (la deuxième lecture) que nous pourrions franchir aujourd’hui, alors que nous nous appliquerons à sauvegarder les droits de tous et de chacun.
René Lévesque : L’adoption du bill 85 risque de déclencher une explosion
L’adoption du bill 85 sur les droits scolaires de la minorité anglophone « pourrait être le détonateur d’une explosion en puissance », selon le député de Laurier et chef du Parti québécois, M. René Lévesque.
Parlant en faveur de la motion gouvernementale visant à référer le bill 85 au comité parlementaire de l’Éducation, M. Lévesque a lancé: «Nous percevons qu’il y a là (manifestations, crise au sein du gouvernement, etc.) en puissance, une explosion dont ce bill, s’il allait plus loin qu’il n’est rendu en ce moment, pourrait être le détonateur».
Selon lui, « on a bien failli creuser totalement, ces derniers temps, un fossé catastrophique: celui qui isole, sinon un peuple, du moins sa majorité, de ses mandataires politiques. Il est loin d’être prouvé que ce fossé ne s’est pas approfondi bien plus qu’on ne le soupçonne », a-t-il ajouté.
M. Lévesque a exprimé l’avis que la motion présentée par le ministre du Travail, M. Maurice Bellemare, semble démontrer que le. gouvernement « s’est rendu compte à la dernière minute de la situation et de la fragilité du lien tendu à craquer qui demeurait entre lui et trop de Québécois.»
Motion indiquée
Le chef du Parti québécois a affirmé que la motion gouvernementale « est plus qu’indiquée » et qu’il est comme il était dans l’intérêt public et général d’interrompre au plus vite le processus d’approbation du bill 85. Tout débat en deuxième lecture (principe d’un projet de loi) n’aurait pu être qu’à la fois hautement passionnel et hautement partisan, a soutenu le député de Laurier.
L’ancien ministre dans le cabinet de M. Jean Lesage a ajouté que « cela aurait été la meilleure de toutes les recettes pour amener définitivement, ou en tout cas très probablement, une conflagration générale sur un sujet qui, dans toutes les sociétés, a toujours été parmi les plus incendiaires qui soient ».
Un reproche
Le chef du Parti québécois a cependant tenu à adresser un reproche au gouvernement, c’est celui d’avoir voulu ou du moins d’avoir nettement donné l’impression qu’on voulait littéralement imposer quelque chose d’aussi important à la « va-vite ».
« Donc, a-t-il ajouté, à toutes fins pratiques, en retirant le bill 85 en ce moment, le gouvernement prend, à mon avis, la seule décision qu’il pouvait décemment se permettre vis-à-vis de la population du Québec. «On peut espérer qu’il le fait parce qu’il s’est rendu compte clairement, même si c’est tard, qu’il était sur le point d’attacher son nom à ce qui aurait pu être une catastrophe ».
M. Lévesque a tenu à rendre hommage au gouvernement d’a voir pu admettre une erreur tout en soulignant que ce n’était pas facile d’agir ainsi.
Il a conclu en disant: « J’espère de cette motion, d’abord, que sous son pudique costume réglementaire, elle devienne pour le bill 85 son habit de funérailles et lui permettre de retourner au néant, d’où, à mon humble avis, il n’aurait pas dû sortir ».

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