Saint-Roch et Saint-Sauveur en cendres

La grande conflagration de Saint-Roch et Saint-Sauveur, plus de 3 mille maisons détruites par le feu

« Le soleil a éclairé ce matin, en se levant à l’horizon, le plus pénible spectacle qu’il soit donné de voir : presque toute la partie du faubourg Saint-Roch située à l’ouest de la rue de la Couronne, tout le faubourg Saint-Sauveur, une grande partie du faubourg Sainte-Angèle sont en cendres. En présence d’une pareille dévastation, la plume nous tombe des mains.

La conflagration, la troisième à raser Québec en vingt ans, a débuté à quatre heures du matin, le 14 octobre 1866, dans le magasin de l’épicier – aubergiste Octave Trudel, rue Saint-Joseph, à quelques portes du marché Jacques-Cartier. À cette heure matinale, tout le monde dort sauf, peut-être, les cultivateurs qui viennent offrir leurs marchandises à la halle. Le vent souffle avec violence, mais le cri « Au feu! Au feu! » est entendu dans presque toutes les maisons voisines de celle de Trudel. On se précipite. On réclame le secours de la brigade du feu. « Lorsque la brigade du feu est arrivée sur le théâtre de l’incendie, la maison de M. Trudel était environnée de flammes. Pour comble de malheur, on mit du délai à placer les manches à eau, et ce ne fut qu’environ après une heure de retard qu’ils purent fonctionner librement. »

Mais à cette heure, déjà, les flammes avaient entrepris leur course destructrice. À 5 heures, une dizaine de maisons avaient brûlé. À 5 heures 30, le quartier comptait 80 maisons de moins et, une heure après, plus de 150 maisons s’étaient écroulées. Pour tous, il paraissait évident que l’incendie ne s’arrêterait qu’avec l’aide de renforts exceptionnels ou par miracle.

Pendant que chacun tentait d’arracher aux flammes quelques meubles, quelques vêtements, les charretiers se dirigeaient en hâte vers les quartiers menacés. Répétant un geste qui leur était familier et qu’on leur reprocha dans chaque ville ainsi frappée, ils n’offrirent leurs services qu’aux moins démunis. Ceux qui le pouvaient, allaient porter à pieds leurs maigres biens dans la grande cour qui faisait face à l’Hôpital général. À sept heures, le maire de Québec, accompagné du secrétaire de l’Assurance de Québec, M. Riverin, se rendit auprès du comandant des forces, lord Alexander Russell, pour lui demander le secours des troupes et en particulier de l’Artillerie. Comme la Corporation avait refusé de payer les vêtements endommagés des soldats du Cap Diamant et que les soldats eux-mêmes étaient obligés de les renouveler à leurs propres frais, il avait été, paraît-il, décidé que les troues n’iraient plus au feu. En conséquence, M. Riverin s’engagea au nom de l’assurance de Québec, de payer les dommages et le maire le couvrit de sa responsabilité personnelle vis-à-vis les autorités militaires.

Les artilleurs descendirent aussitôt dans Québec et, à l’aide de la poudre qu’on alla chercher à cette fin, ils tentèrent de freiner la course du feu en faisant sauter plusieurs maisons. Malheureusement, comme elles étaient construites en bois, elles s’écroulaient sur elles-mêmes n’entravant aucunement l’action du feu. L’aide apportée aux malheureux fut considérable, mais elle n’a pas pu masquer l’apparition d’un phénomène nouveau : la présence de curieux indifférents au sort de leurs congénères : « Il nous fait peine d’avoir à placer à côté de ces actes de dévouement des actes qui décèlent des cœurs bien difficiles à émouvoir. Nous avons vu, par exemple, d’élégants messieurs refuser durement de pauvres femmes qui leur demandaient un petit coup de main pour charger un fardeau, nous avons vu encore de grandes dames se promener en carrosse, presque au milieu des flammes, et refuser de prendre dans leur voiture un jeune enfant qui se mourait; nous avons vu encore d’autres actes d’un caractère encore plus méprisable, mais il vaut mieux les taire. »

Après douze heures, le feu s’arrêta. Par miracle il avait épargné le Monastère qui se transforma aussitôt en maison de charité. L’Hôpital général et la grande cour où s’étaient réfugiés femmes, enfants et vieillards connurent le même sort, ainsi que l’église de la Congrégation de Saint-Roch. Un bilan « modéré » publié dans la « Minerve » du 18 octobre, portait le nombre des maisons détruites à 2 219 dont 904 dans Saint-Sauveur et 1 225 dans les limites de St-Roch.

La perte totale évaluée à environ 2 000 000$ est compensée par une somme de 376 900 $ répartie entre trente compagnies d’assurance. Parmi celles-ci, selon Antonio Drolet, un certain nombre « cessèrent de faire des affaires à Québec et y fermèrent leurs bureaux. »

Au mois du février suivant, les journaux publièrent la liste des dons reçus par les fonds de secours mis sur pied lors de cette circonstance :

  • Québec 56 136 $
  • Montréal 12328 $
  • Trois-Rivières 205
  • Ottawa 1 765
  • Haut-Canada – 8 914
  • De la campagne 17 002
  • États-Unis 19 505
  • Prince-Édouard 1 172
  • Nouveau-Brunswick 12 049
  • Nouvelle-Écosse 11 042
  • Angleterre-Écosse 210 960
  • France 934
  • Irlande 8634
  • Allemagne 14
  • Le gouvernement du Canada 30 000$.

(Source : Racines du Québec).

Pour en apprendre plus :

Une partie de Saint-Roch le lendemain de l’incendie. Crédit photo : Jules-Ernest Livernois/Library and Archives Canada, photo du domaine public, prise en 1866.

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