Histoire du Québec

Routes provinciales

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Nos routes provinciales

Le Royal Automobile Club a soumis à l’approbation de notre Chambre un projet d’amélioration du réseau routier de la province de Québec. Ce projet a pour but d’engager le gouvernement provincial à construire un réseau principal de routes à circulation distincte et à sens unique.

Ce projet envoyé à la Commission des voies et moyens de communication, pour étude et rapport, vient d’être soumis au Conseil avec un volumineux mémoire préparé par le président de la Commission, M. Paul Béique.

Le Conseil s’est rendu à la recommandation de sa commission et ne croit pas devoir approuver le projet du Royal Automobile Club dans la situation actuelle de nos finances publiques.

Il est possible qu’aux environs de Montréal, dans un rayon assez limité, quelques unes des recommandations du Royal Automobile Club puissent être prises en considération, pourvu que l’on ne dépasse par des limites raisonnables.

La commission des voies et moyens de communication considère qu’il importe d’aborder la question différemment, et de commencer d’abord et tout simplement par assurer la libre circulation sur notre réseau routier principal, dans des conditions de sécurité établies pour des vitesses normales, avec une pavage de première qualité sur une largeur de vint à vingt-deux pieds, et de bons accotements de chaque côté. Ce n’est qu’après avoir exécuté des travaux de cet ordre sur son réseau principal et secondaire, que la Province de Québec pourra alors songer à s’améliorer pour satisfaire à des exigences de vitesse plus considérables, et à des densités de faible durée et de fréquence assez rares.

Tous ceux qui ont étudié la question savent qu’il reste beaucoup à faire pour compléter nos chemins principaux à une largeur de 20 pieds, avec un excellent pavage moderne, posé sur de solides fondations, et flanqué de bons accotements de chaque côté, avec des courbes à grand rayon, et un profil tel que les conditions de visibilité horizontale et verticale soient satisfaisantes pour la vitesse maximale tolérée. Il est important que le pavage soit suffisamment incliné dans les courbes. Il est encore nécessaire que la route soit suffisamment large pour permettre un bon drainage et pour accommoder les services publics.

En procédant ainsi, remédions aux cas d’engorgement, procédons à faire disparaître les parties dangereuses; construisons les ponts indispensables, éliminons les passages à niveaux dangereux, améliorons la traversée des villes et des villages, quand il ne sera pas possible de passer en dehors ; ouvrons de bonnes voies de circulation de Montréal à Sainte-Anne, et de Montréal au Bout-de-L’Île ; complétons les chemins Montréal-Québec, Montréal-Sherbrooke, Montréal-Rouses-Point, Montréal-Toronto, Montréal-Malone, Montréal-Mont-Laurier. Puis ce réseau principal une fois complété, améliorons les parties faibles et dangereuses qui abondent sur les routes secondaires, et ensuite terminons celles-ci. C’est là un programme pratique, et qui prendra encore plusieurs années à exécuter.

Il semble douteux que le programme formulé par le Royal Automobile Club, avec des pavages doubles de première classe à circulation distincte, avec élimination des passages à niveau, et avec toutes les contingences énumérées, à ce programme, puisse s’exécuter pour un montant de $13,000,000 ou approchant celui-là.

L’exemple de l’Allemagne et des États-Unis, prouve justement que ces chemins ont coûté bien au-delà du montant estimé. Ainsi pour le chemin en Allemagne, dont la mémoire du Royal Automobile Club se réclame, grand chemin qui passe par Cologne et Vienne, la dépense prévue se chiffre à la moyenne de $321,840 par mille, sur une distance de 4,350 milles, sur une largeur variant de dix-neuf pieds et demi à vingt-neuf pieds et demi, ce qui revient à cinq ou six fois plus cher que l’estimé que l’on nous soumet. On mentionne même qu’une partie du chemin de Francfort à Darmstadst aurait coûté $2,240,000 par mille. (Voir Civil-Engineering, Février 1937).

Ainsi, le Boulevard Alexandre-Taschereau qui a coûté $2,154,435 pour une longueur de 9,31 milles représente un coût moyen de $231,410 du mille. Ainsi encore, le coût du Boulevard Métropolitain, sur une longueur de 33,28 milles, a été estimé par les ingénieurs à $9,166,262 sans éclairage, ce qui représente $275,429 du mille. Il est impossible de fixer d’avance un coût moyen par mille pour des chemins de cette importance ; ce sont tous des cas d’espèce.

Et puis, l’occasion paraît mal choisie pour engager le Gouvernement à faire de pareilles dépenses, lorsque par ailleurs tous les corps publics importants insistent pour que les gouvernements administrent avec plus d’économie afin que les taxes qui pèsent si lourdement sur toutes nos activités soient allégées.

Le plan-directeur présenté au gouvernement par le Royal Automobile Club pour l’aménagement du système routier de la Province ne fait que poser le problème. Il serait dangereux de tenter une solution en bloc du problème suivant les principes énumérés au mémoire, (illustrés par des exemples) et dans les limites des estimés mentionnés.

Le degré d’évolution de nos routes dans le Québec n’est pas ce qu’il est aux États-Unis. Tous les facteurs du problème sont différents, et exigent une solution différente, la densité de la population en Allemagne, dans l’État du New Jersey, aux abord de New York, n’est pas comparable à ce qu’elle est dans Québec. La richesse n’est pas la même. Les besoins ne sont pas les mêmes. La rigueur des saisons n’est pas la même, et pour y satisfaire, le coût n’est pas le même. L’entretien d’hiver est radicalement différent ; le développement de notre réseau routier n’est pas comparable à ce qu’il est aux États-Unis, de sorte que ce qui est justifiable aux États-Unis n’établit pas nécessairement la mesure de nos besoins au Québec.

Dans tout cela, comme les statistiques le démontrent, et comme le Ministère de la Voirie l’a fait ressortir récemment, il ne faudrait pas perdre de vue que la capacité actuelle de nos routes suffit pour accommoder le trafic pendant 99 ½ du temps, en dehors des grands centres et des approches des grands centres, et que même aux abords de ces grands centres elle suffit pour 95 ½ du temps. Actuellement, des pavages de vingt à vingt-deux pieds, comme sur la route entre Saint-Sulpice et Berthier suffissent amplement, et, par conséquent, une largeur de quarante pieds de pavage entre les grands centres constituerait une gaspillage onéreux non seulement comme construction, mais aussi comme entretien. Aux abords des grandes villes, on pourra élargir suivant les besoins.

Si la Commission des voies et moyens de communication est opposée au plan d’ensemble-directeur formulé par le Royal Automobile Club, cela n’implique pas qu’elle mette de côté tous les principes de construction énumérés dans son mémoire. Là, n’est pas la question. La Commission ne s’oppose pas aux modes de construction qui peuvent se justifier économiquement.

Le Conseil a approuvé la commission des voies et moyens de communication qui recommande comme urgent :

  1. De remédier à l’embouteillage qui existe à Cartierville ;
  2. La construction du pont de voirie du Bout-de-L’Île ;
  3. L’ouverture d’une grande route entre Sainte-Anne et Montréal, passant au nord des chemins de fer pour remédier à l’encombrement actuel et aux dangers qui vont augmentant de plus en plus. Le développement futur de la Cité et des villes environnantes viendra tout naturellement s’articuler sur une route de cette nature ;
  4. De faire disparaître les nombreux passages à niveau entre Montréal et Trois-Rivières ;
  5. De remédier aux dangereux embouteillages qui se présentent à la traversée de trop de villages et de petites villes ;
  6. L’achèvement des routes suivantes ou leur réfection, suivant les cas : Bout-de-L’Île-Saint-Sulpice, Berthier-Trois-Rivières, Sainte-Rose-Sainte-Thérèse, Laprairie-Rousses-Point par Lacolle, Montréal-Sherbrooke, Montréal-Valleyfield, Montréal-Lachute, Montréal-Saint-Hyacinthe, Montréal-Malone ;
  7. L’élimination aussi rapide que possible d’un grand nombre de courbes dangereuses.

(Le Bulletin de la Chambre de Commerce de Montréal).

(1er juin 1937, texte paru dans le Courrier du Canada).

Terrasse Dufferin à Trois-Rivières. Photo de Megan Jorgensen.
Terrasse Dufferin à Trois-Rivières. Photo de Megan Jorgensen.

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