La révolte des jeunes prêtres de Montréal

La révolte des jeunes prêtres de Montréal : Deux pas en arrière, trois pas en avant…

Le sacerdoce est en train de craquer et de s’inventer un nouveau visage. Les jeunes prêtres en sont les interprètes, les représentants. Ils sont jeunes. Ils se révoltent. Ils clament leurs opinions destructrices des structures hiérarchiques.

« Nous savons qu’un tel geste compromettra les jeunes prêtres eux-mêmes, et les forcera donc à agir en conformité avec ce qu’ils sont et ce qu’ils disent. »

Les jeunes prêtres ont décidé de renaître. Le 14 octobre 1968, naissait l’Association des jeunes prêtres du diocèse de Montréal, comprenant ceux des ordinations de ’61 à ’63. Au début, cette association se voulait un service que les jeunes prêtres se donnent pour mieux comprendre leur rôle dans l’Église de Montréal.

En réalité, l’association a commencé à prendre forme à l’occasion d’une session annuelle qui s’était tenue les 16-17-18 juin 1968. Un comité avait été chargé d’étudier le « malaise des jeunes prêtres ». Présenté sous forme de manifeste, le rapport indiquait que le malaise était d’abord pastoral et correspondait à une difficulté d’intégration des jeunes et des valeurs de la jeunesse, dans l’Église de Montréal. Le manifeste était aussi l’expression du désir des jeunes prêtres de passer concrètement à l’action.

À la suite du manifeste et de la fondation de l’association, le conseil exécutif de l’association a voulu établir une vaste consultation auprès de tous les jeunes prêtres du diocèse, membres ou non. Le but était de mieux saisir le portrait des jeunes prêtres et de définir les lignes d’action. Sur 130 jeunes prêtres, 64 ont répondu au questionnaire qui portait sur leur conception de l’Église de Montréal, du laïcat, de la définition qu’ils se donnent. ..

Comme on l’a publié dans LA PRESSE du 4 octobre dernier (1969), la mini- enquête vérité a révélé que les jeunes prêtres en avaient assez des « monuments historiques » du système hiérarchique de l’Église. De plus, ils ont besoin de parler, d’exprimer leurs idées. Selon leurs propres termes, ils veulent dépasser le climat actuel de peur et débattre au grand jour.

Reculer et avancer en même temps !

À leur 1er congrès annuel, des 6 et 7 octobre derniers (1969) c’était le moment choisi pour agir et prendre des décisions. Or, pendant les deux jours, ce fut un va cl vient continuel entre l’action, la révolte même et le recul un certain sentiment de peur.

Fait assez bizarre, la crainte régnait le matin tandis que l’après-midi se passait assez violemment : ressaisissement général ! Ce perpétuel mouvement d’avant en arrière est principalement du au fait que c’est la première fois dans l’histoire de l’Église québécoise que des jeunes prêtres se révoltent contre l’ordre établi de la hiérarchie.

Mais que craignent-ils donc ? De s’écorcher les mains ? De risquer leur poste établi? Leur sécurité? Chose certaine, pour le moment, ils ne sont pas encore de vrais révolutionnaires qui risquent tout, même leur vie, pour défendre leurs idées et leurs droits. Les quelques exceptions arriveront cependant, sous peu, à faire vaincre cette peur de révolutionner les idées par des actes pacifiques.

C’est la crainte de la disgrâce sous certaines formes qui empêche l’avancement idéologique et le progrès. Par moments, les jeunes prêtres ont peur de risquer leur poste et leur avenir bien établi à l’intérieur d’un système fixe mais âgé. Masochisme? Un peu, puisqu’ils s’acharnent à tuer sous un flot de paroles et d’écrits, la hiérarchie et en particulier, l’Église de Montréal et son fonctionnement. Par contre certains y trouvent sécurité sur plusieurs plans.

Mais ce recul devant les faits, n’est-ce pas un élan pour ensuite mieux avancer dans l’aventure? C’est possible, car à la fin de leur congrès, ils ont repris pied devant la fatale éventualité de la disparition de leur association.

Ils élargissent alors leurs horizons: requiem, l’association des jeunes prêtres n’existe plus, c’est maintenant l’association de tous les prêtres de Montréal. Il n’est plus question d’âge, de statut, célibataire ou marié.

Par ailleurs, supprimant toute ségrégation conditionnelle, les jeunes prêtres sont plus à même de se respecter et de respecter les idées qu’ils prônent. Étant plus nombreux, leurs voix compteront plus. Ils seront mieux représentés au Conseil presbytéral.

Une éducation individuelle

Cependant, à cause de leur éducation et de leur formation très individuelle, les jeunes prêtres ont d’énormes difficultés à fonctionner, travailler, agir en groupe. Plusieurs devront l’apprendre au contact de ceux qui ont pu en faire l’expérience. Souvent ce sont les « un peu plus vieux » qui ont eu l’occasion de vivre une expérience vraiment humaine, comme aumônier de groupes distincts: scouts, guides, JEC, JOC, équipés de travail social.

Mais, est-ce à dire que l’association devient un genre de syndicat de prêtres ? Selon eux. c’est un peu ça. Mais leur définition d’eux-mêmes reste encore vague et imprécise. La nouvelle association est trop jeune et ils n’ont pas eu le temps de se réunir: les moyens de communication semblent leur être difficiles. En effet, il s’agit d’inviter tous les prêtres du diocèse à se joindre à l’association. Us sont environ huit cents. Le courrier n’est pas gratuit.

Il faut préciser que l’association des prêtres est indépendante de l’Église, donc n’est pas subventionnée par le diocèse. Et il est important que chacun soit informé des conditions d’action et de travail pour être membre. Chacun doit participer, apporter sa contribution idéologique, suggérer des solutions.

Pour ces raisons, les membres actuels de l’association ont voté un programme d’action et de travail résumé en trois points principaux.

  • L’insertion dans la communauté comprend :
    — le célibat et le mariage des prêtres ;
    — la pastorale des marginaux )prêtres en dehors de l’Église) ;
  • Présence aux structures valables dans le diocèse :
    — travail à la mise en œuvre du synode diocésain ;
    — mémoire sur la formation du conseil de pastorale (qui comprend des laïcs) ;
    — penser à la réunion dos 4-5-6 novembre, réunissant tous les responsables du diocèse, en regard de la vie et du ministère des prêtres à Montréal.
  • Compétence :
    — évaluer la répartition des tâches dans le diocèse ;
    — promouvoir le travail d’équipe dans les presbytères ;
    — étudier certaines structures et leur efficacité lia zone en particulier».

Les conditions d’admission sont donc de siéger sur un de ces comités de travail et d’action. Chaque point est à discuter et à étudier sérieusement.

Tous ceux qui étaient présents à la fin du congrès, le 7 octobre, se sont inscrits aux comités.

Le président, M. André Gadbois, vicaire à la paroisse St-Jean-Baptiste, a été élu à l’issue du congrès, pour remplacer M. André Beauchamp, ptr., sortant de charge. Le président est aidé dans sa tâche par le comité exécutif.

Il n’y a pas de doute, on trouve dans l’Église postconciliaire, de l’inquiétude, de l’incertitude, même de la contestation.

Los prêtres n’en sont pas exempts. L’incertitude du prêtre au sujet de son rôle au sein de l’Église comme dans le milieu laïc, a augmenté d’année en année. Dans bien des cas, le prêtre a presque perdu son identité ; il ne se retrouve plus.

Le prêtre remet alors en question toute sa vie. Son appartenance au diocèse à l’Église universelle, lui semble douteuse et imprécise. Il veut savoir où il va, ce qu’il fait. Il veut avoir la possibilité de vivre en homme et pas seulement en être plus ou moins défié. Il veut descendre de son piédestal. Beaucoup y sont parvenus en partie.

Le conflit des générations existe aussi bien dans l’Église que dans la famille. Les jeunes se révoltent contre l’autorité établie. Ils veulent que cela change. Des moyens de changer le cours des choses n’est parfois que rêve… Mais pouvoir sortir de son rêve est déjà un grand pas vers le progrès.

(14 octobre 1969. Journal La Presse).

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La façade d’une église. Photo de Megan Jorgensen.

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