Le retour à la terre
Pendant les années de crise économique, il était fréquemment question d’un mouvement de retour à la terre pour les sans-travail qui vivaient dans les agglomérations urbaines de secours distribués par l’État. Depuis la guerre, la situation à cet égard a changé considérablement ; les usines de munitions* emploient les bras demeurés longtemps inactifs. Il reste toutefois des pères de famille qui veulent se prévaloir des avantages de l’entent intervenue, il y a cinq ans, entre les gouvernements fédéral et provincial, à l’effet d’aider les personnes désireuses de s’établir sur les lots de colonisation.
Nous devons nous féliciter des résultats obtenus jusqu’ici. Dans une période de cinq années, 4,800 familles ont quitté les villes et ont résolu de vivre par elles-mêmes sur des terres que le gouvernement leur offrait. Sur ce nombre, il n’y en a que 12 pour cent qui soient revenues, incapables de s’adapter à ce nouveau genre de vie. C’est une proportion qui justifie toutefois les efforts poursuivis par la Commission provinciale du retour à la terre.
Nous ignorons ce que révéleront les prochaines statistiques sur la répartition de la population urbaine et rurale. Celles de 1931 étaient inquiétantes, surtout si elles indiquent un mouvement qui a tendance à s’accroître. 63 pour cent de notre population vivait alors dans les villes. Il y avait une rupture d’équilibre, dangereuse pour l’économie nationale. Outre les considérations sociales que l’on pourrait facilement déduire de cette constatation, il reste que notre province s’industrialisait beaucoup trop rapidement, au détriment de notre organisation agricole. Le plus grave, c’est que souvent les déserteurs du sol, rendus à la ville, ne s’adaptaient pas aux conditions de vie de leur nouvel habitat et demeuraient par conséquent en marge de toute activité économique.
Il y avait là un déchet considérable dont nous ne pouvons sûrement pas nous payer le luxe.
Grâce à des octrois sagement réparties, la Commission du retour à la terre a réussi à peupler des paroisses de colonisation prospères. Parmi ces colons, ceux qui ont été élevés à la campagne se débrouillent beaucoup plus facilement. Les autres, cela va de soi, doivent fournir un effort plus grand dont ils sont un jour ou l’autre récompensés.
En dépit de la guerre qui occasionne un ralentissement naturel dans ce mouvement de migration, nous espérons que la Commission sera en mesure de continuer néanmoins le bon travail qu’elle a entrepris et dont les résultats justifient les espoirs de la population.
(Ce texte historique a paru dans le journal Le Canada, samedi, 9 août 1941).
