
Retenez vos bestiaux ou le vol des vaches ! Une histoire du XVIIIe siècle
Depuis les tout débuts du défrichement du territoire de la Nouvelle-France, le bétail constitue une source de problèmes. Bien sûr, on s’en nourrit, mais il a le triste défaut d’errer sur les terres, au mépris des récoltes, des clôtures et des portes des maisons, des granges et des étables. Le 31 octobre 1727, l’intendant de La Nouvelle-France Claude-Thomas Dupuy doit, comme la plupart de ses prédécesseurs, publier une ordonnance concernant le bétail errant.
En ce début d’automne, il veut toucher ces bons Canadiens qui, ne disposant d’aucune ordonnance d’automne…, respectent celles du printemps et de l’été pour ensuite laisser toute liberté à leurs chers animaux :
0Arrivant la saison de l’abandon des bestiaux, depuis les récoltes faites jusqu’aux neiges, s’imaginant que pour lors on n’est plus tenus à aucune garde des bestiaux, et que dans cette pensée ils les laissent vaquer de jour et de nuit sans les retirer sur leurs propres champs, ainsi qu’ils sont obligés pendant l’automne, ce qui peut causer et cause journellement plusieurs accidents, tant pour le trouble fait à la culture et que labourage, qu’aux clôtures des champs, ruptures des portes de maisons et de granges et à la sûreté des personnes…
Nous avons fait défense à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu’elles soient, de laisser vaquer, après le soleil couché et pendant la nuit, aucuns animaux, chevaux, cavales, bœufs, vaches, moutons, porcs, oies, volailles.
Quelques jours après la publication de cette ordonnance, François Mercier, serrurier à Québec, porte plainte contre le boucher François Trépanier qu’il accuse de lui avoir volé une vache. Le boucher est un astucieux. Ayant eu connaissance que l’une des vaches de Mercier s’est égarée sur les terres de madame Jobert, s’est mêlée au troupeau et est entrée comme les autres dans l’étable, il se rend chez la dame et lui réclame « sa » vache.
Madame Jobert lui demande de prouver que la vache qu’elle héberge malgré elle lui appartient vraiment. Le boucher déclare que la preuve en est au cou de l’animal où des marques ont été faites. Madame Jobert examine la vache et, n’y trouvant aucune marque, met en doute l’affirmation de Trépanier. « C’est, dit-il alors, que les poils auront repoussé… » L’explication est trop simple pour avoir été inventée. Madame Jobert, convaincue de la bonne foi de l’homme, lui livre la vache que Trépanier s’empresse de transformer en prêt-à-cuire.
François Mercier, pendant ce temps, cherche sa vache. Ne la trouvant nulle part, il finit, on ne sait comment, par aborder le sujet de son désarroi devant madame Jobert. Celle-ci lui raconte comment Trépanier s’est acquis de la viande à bon compte et l’affaire aboutit, le 15 novembre 1727, devant l’intendant. Mercier expose son cas. Il explique, de plus, comment Trépanier est passé maître dans cette façon de s’approprier les animaux des autres.
« Ce qui l’a d’autant moins surpris qu’il connaît ledit Trépanier pour être coutumier du fait et d’aller ainsi réclamer des animaux qui ne lui appartiennent point dans différents troupeaux, les appliquant à son utilité à la faveur de son commerce de boucherie, sous prétexte qu’il commence par tuer ces animaux, se flattant, en cas de réclamation, en être quitte pour dire qu’il pensait qu’ils fussent à lui, ce qui mérite punition pour l’abus qu’il fait de sa profession. »
Pour ce délit, François Trépanier fut condamné à rembourser à Mercier un montant équivalent à la valeur de la vache. Par ricochet, le geste de Trépanier devait rejaillir sur les autres habitants de la colonie.
(Source : Nos Racines).
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