Responsabilité des automobilistes

Responsabilité des automobilistes aux intersections

Une chance qui coûte $173

William Darrah aurait dû attendre et laisser passer J.-A. Gagnon

Le 20 septembre 1940, William Darrah se trouvait à l’intersection des rues Berri et Boucher en même temps que J.-A. Gagnon. Darrah allait du sud au nord et Gagnon de l’ouest à l’est, chacun au volant de son automobile. Les deux voitures se sont frappées au milieu de l’intersection et leurs conducteurs se sont jeté mutuellement le blâme devant l’honorable juge L.- J. Loranger. Le demandeur Gagnon réclamait des dommages évalués à $173,83, pour réparations, plus la somme de $15 pour perte de l’usage de sa voiture trois jours.

L’enquête a révélé que les deux voitures sont arrivées en même temps au point de contact mais le défendeur Darrah admit qu’il avait vu venir Gagnon à une grande vitesse. Comme il croyait être à 150 pieds du coin, il crut avoir le temps de traverser. Le juge Loranger, dans son jugement rendu samedi matin, après avoir résumé la preuve faite devant lui, conclu :

À qui la faute ? D’après le témoignage du défendeur, c’est lui qui est en faute. Ayant aperçu Gagnon sur la rue Berri, il devait attendre et le laisser passer au lieu de prendre la « chance » de passer avant. C’est peut-être l’auto de Gagnon qui a repoussé l’auto de Darrah, mais c’est sûrement la faute du défendeur qui n’aurait pas dû s’engager dans l’intersection. Il a donc commis une imprudence dont il doit subir les conséquences.
Il n’y pas lieu d’appliquer la théorie de la négligence contributoire, le défendeur ayant admis lui-même qu’il prit sa « chance ». Il aurait pu éviter l’accident s’il avait attendu et laissé passer le demandeur. Le demandeur a prouvé ses dommages au montant de $173, et le tribunal renvoie la défense et condamne le défendeur à payer ce montant au demandeur avec dépens.

Maître Alphonse Patenaude représentait le demandeur Gagnon (C.S. 196570).

Les responsabilités de l’automobiliste aux intersections

Importante décision de l’honorable juge Loranger à la suite d’une collision

Deux automobiles, venues en collision le 14 septembre 1940, à l’angle des rues Joliette et Lafontaine, ont été la cause d’un procès en Cour supérieure, devant l’honorable juge L.-J. Loranger. L’un des chauffeurs, Jean-Guy Prud’homme, réclamait $397 de dommages et affirmait que le défendeur Elzéar Simard avait été la cause de l’accident. Le juge Loranger vient de maintenir les prétentions de la défense; il a renvoyé l’action du demandeur avec dépens. Le décret de ce tribunal (C.S. 196-480) établit les responsabilités d’un automobiliste :

« Il s’agit de décider lequel des deux chauffeurs est responsable de la collision survenue le 14 septembre, au coin des rues Joliette et Lafontaine. Le demandeur Prud’homme venait de l’est à l’ouest rue Lafontaine. Le défendeur Simard montait la rue Joliette, du sud au nord. Au centre de l’intersection des deux rues, les autos se rencontrèrent, avec le résultat que des dommages ont été causés aux deux voitures.

« Le demandeur prétend que c’est le défendeur qui l’a frappé, tandis que le défendeur soumet que il était déjà entré dans l’intersection quand le demandeur est venu le frapper. La preuve, comme toujours, est contradictoire. Cependant, en l’analysant on constate que le poids de cette preuve en faveur du défendeur.

« Éliminant le témoignage des deux chauffeurs qui se contredisent l’un à l’autre, il reste celui des passagers qui conduisait le défendeur. Tous trois affirment que c’est bien le demandeur qui a causé l’accident. Ils affirment qu’ils étaient déjà dans l’intersection quand le demandeur s’y engagea, et pour les éviter, disent-ils, le demandeur a fait un crochet, mais trop tard pour éviter le choc. Ces témoins sont confirmés par un autre témoin, nommé Carrière, qui se tenait sur le trottoir, à l’angle de la rue Lafontaine. Il est bien positif que le défendeur était déjà dans l’intersection lorsque le demandeur le frappa. Le témoin Robert, qui venait de l’ouest à l’est, rue Lafontaine nous dit qu’il a vu venir les deux voitures. Il a arrêté à l’angle ouest pour laisser passer l’auto du défendeur, et, au même moment, dit-il, le choc s’est produit. La chose s’est faite si vite, selon son expression : Je ne sais trop comment l’accident eût put être évité. »

« Le chauffeur de l’auto du demandeur interrogé n’est pas très positif. Il ne se rappelle pas s’il a donné un signal en arrivant à l’intersection. Il prétend que le demandeur n’a pas protégé sa droite., comme il aurait dû le faire et il ajouta qu’il était déjà entre l’intersection quand le défendeur est venu le frapper. Ce chauffeur est formellement contredit par le défendeur, les témoins Pelletier, Tremblay, Simard, et plus spécialement par le témoin Carrière, qui de tous les témoins, est celui qui était alors en meilleure position pour voir ce qui s’est produit.

« Le demandeur n’a pas jugé à propos d’offrir de contre-preuve pour au moins atténuer la version de la défense. Il appartenait au demandeur de prouver clairement la faute du défendeur. Il ne s’agit pas de savoir laquelle des deux ordonnances à la préséance, celle qui oblige le chauffeur à protéger sa droite avant de traverser une intersection et celle qui donne préséance à celui qui le premier est entré dans l’intersection.

« La question qui nous intéresse dans le cas présent est celle de savoir lequel des deux chauffeurs doit supporter la responsabilité de l’accident. D’après la preuve faite, ce serait le demandeur qui aurait été imprudent. S’il est vrai qu’il s’est engagé dans l’intersection de premier, il n’aurait pas été obligé de « faire un croche » pour tenter d’éviter la collision. Or ce fait positif, affirmé par la défense, n’est pas contredit. Il est prouvé aussi que le défendeur a ralenti et a regardé à sa droite, a sonné son klaxon, puis s’est avancé. C’est à ce moment que parut le demandeur. Le choc était inévitable. La cour, en présence de cette preuve, est tenue, tout au moins, de donner au défendeur le bénéfice du doute, car le demandeur n’a pas établi clairement la faute du défendeur.

« Il n’y a pas, dans la preuve, de faits prouvés qui justifieraient la cour de trouver faute contributoire de la part du défendeur, vu que la preuve qu’il a offerte n’a pas été contredite. Dans les circonstances, la cour n’a pas d’autre alternative que de maintenir la défense et de renvoyer la demande avec dépense. »

Maîtres Alphonse Patenaude et Jacques Trahan occupaient pour le défendeur Elzéar Simard.

(Textes parus dans le journal Le Canada, le 16 juin 1941).

Voir aussi :

Intersection à Trois-Rivières. Photo de Megan Jorgensen.
Intersection à Trois-Rivières. Photo de Megan Jorgensen.

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