La quête de la ressource minérale dans la région du Nord-du-Québec
Du milieu du XIXe siècle, jusqu’en 1910, plusieurs rapports préparés par des géologues et des prospecteurs pour les gouvernements attirent l’attention sur le potentiel minéral du sud de la Jamésie. Celui que prépare James Richardson en 1857 et que le gouvernement fédéral publie en 1870, révèle la présence de ressources importantes dans les secteurs des lacs Opémiska et Chibougamau. En 1887, le géologue Robert Bell, à l’emploi de la Commission géologique du Canada, entreprend l’exploration du potentiel minier entre Maniwaki et les rives de la baie d’Hudson. Faisant escale au lac Matagami, il remarque des anomalies sur les roches du canton de Galinée. En 1895, il présente un rapport au gouvernement fédéral qui souligne que des « veins of quartz were frequently seen and som of the contained small quantities of iron and copper pyrites ». En 1904, Joseph Obalski, le directeur du Bureau des mines du Québec, accompagné de Peter McKenzie, se rend au lac Chibougamau pour y étudier la géologie. Il remet en 1905 un rapport au premier ministre Parent, qui présente le potentiel minier du lac Chibougamau dans des termes très élogieux.
Quatre ans plus tard, le gouvernement Gouin débloque 10 000 $ pour concevoir la construction d’un chemin d’hiver reliant Saint-Félicien à Chibougamau. Mais cette voie d’accès ne représente que la première étape d’un projet beaucoup plus important car le but ultime est de convaincre les autorités politiques d’établir une liaison ferroviaire entre Québec et la baie James. Sensible à cette vision, le gouvernement québécois forme la Commission minière de Chibougamau, présidée par Alfred Barlow de la Commission géologique du Canda, pour lui faire une recommandation. En 1910, le rapport de la Commission est dévastateur :
Your commissioners regret that after carefully weighing the evidence which has accumulated as a result of their examination and study of the district, they cannot find that the mineral deposits so far discovered are of sufficient merit to justify the spending of public monet i the building of a railway as proposed from Lake St-Jhon to ake Chibougamau.
Ce rapport, on s’en doute, jette une douche d’eau froide et ralentit activités de prospection. Comment peut-on en effet transporter tout le matériel nécessaire à l’exploitation des futures mines s’il n’y a pas de chemin y donnant accès?
Après une période d’accalmie marquée par la Première Guerre mondiale, la prospection reprend en 1920 et de façon continue jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Les prospecteurs élargissent leur territoire d’exploration au-delà du lac Chibougamau et se rendent plus à l’ouest, en direction du lac Opémiska (aujourd’hui, le lac Léran), suivant les observations de Richardson. En l’absence d’une route permanente, plusieurs kilomètres de chemin d’hiver vont être construits pour transporter les vivres, le matériel de forage et l’équipement servant à la prospection minière, à l’aide de chiens et de chevaux. L’avion sera également utilisé grâce auquel, en 1929, Léo Springer découvre le gisement de la mine Opémiska.
Au sud du lac Matagami, on procède en 1928 à des sondages au diamant dans une masse de sulfure, près de la baie Dunlop. C’est également au cours des années 1930 et 1940 que le ministère des Mines du Québec, sous l’égide des géologues Paul Auger et William Longley, s’emploie à tracer la carte géologique de toute la région de Matagami. Les indices de minéralisation sont toutefois difficiles à trouver en raison du type de terrain comportant une épaisse couche de dépôts meubles.
Pendant les années 1920 et 1930, le territoire de Chibougamau connaît une activité minière intense. Des prospecteurs recherchent le filon qui les rendra riches, à l’instar de Gabriel Fleury qui construit son propre moulin pour broyer ses échantillons. De plus, on compte une dizaine de compagnies minières qui explorent les rives du lac aux Dorés, en face de l’île Merrill. En 1922, la Chibougamau McKenzie Mines découvre un gisement à la baie des Cèdes et y érige un chevalement. En 1828, c’est au tour de la Obaksi Chibougamau Mining de relever des échantillons intéressants dans le secteur de l’île du Portage. Un an plus tard, Léo Springer découvre un gisement au lac Opémiska.
En 1936-1937, 33 compagnies minières explorent et exploitent le territoire des lacs Opémiska et Chibougamau. Parmi celles-ci, deux retiennent l’attention : la Consolidated Chibougamau Goldfield (que deviendra par la suite lala Consolidated Mining and Smelting Company) exploite la mine Cedar Bay sur les rives du lac aux Dorés (canton McKenzie), tandis que l’Opémiska Copper Mines Limited exploite un gisement à proximité du lac Opémiska (canton Lévy). Dans ce dernier cas, la minière a fait transporter par une route d’hiver un concentrateur minier.
La région grouille d’activités et l’on compte environ 1 000 personnes, un bureau de poste et un hôtel. Mais, à la fin des années 1930, avec l’absence de routes permanentes, l’effet conjugué de la Grande Dépression et les rumeurs persistantes d’une deuxième guerre mondiale, Chapais et Chibougamau se vident, faute de moyens financiers.
(Sous la direction de Réjean Girard, Réginald Auger, Vincent Collette, David Denton, Yves Labrèche, Normand Perron. Histoire du Nord-du-Québec. Les Presses de l’Université Laval, 2012).
À lire aussi :
