
La ville de Québec après la Conquête
La capitale de la Nouvelle-France connaît des heures difficiles après le début de la guerre des Sept ans. Naturellement, l’action des administrateurs est orientée vers l’effort de guerre. Le nombre de navires dans le port de Québec atteint des sommets. Cette fébrilité, qui est comparable à l’animation des débuts du gouvernement royal, fait place à la désolation à la suite des bombardements de la capitale en 1759. Par la suite la capitale se relève lentement de ses cendres.
La demande de blé augmente de façon spectaculaire avec l’arrivée des régiments français en Amérique, sans compter les miliciens mobilisés, les alliés amérindiens, les réfugiés de l’Acadie.
On doit importer du blé pour nourrir tout le monde. On en vient même à abattre des chevaux pour avoir de la viande.
Le ravitaillement des armées permet à certains profiteurs de s’enrichir aux dépens du roi, mais la population vit dans la crainte de la famine. Dès 1754, on signale des maladies dans la capitale causées par la consommation de pain fait de farine avariée. On manque de bras pour les travaux de la terre. Les femmes, les vieillardas, les enfants restent seuls pour faire les récoltes pendant que les hommes valides sont appelés au combat.
Le siège de la ville de Québec par l’armée britannique de Wolfe fore les résidents à abandonner leurs maisons pour se réfugier dans les paroisses environnantes. Peu après la défaite des plaines d’Abraham, le 13 septembre 1759, les principaux marchands et bourgeois de la ville demandent à l’officier responsable de la défense de la ville de capituler avant que les Britanniques ne lancent l’assaut final.
La capitulation officielle de la ville de Québec est signée le 18 septembre 1750. La garnison de la capitale de la Nouvelle-France retourne en France et elle y sera rejointe l’année suivante par le reste des troupes.
Mais encore le 5 novembre 1759, le dernier évêque de la Nouvelle-France, Mgr de P9ontbriand, fait parvenir au roi de France une description du triste état de sa ville épiscopale : « Québec a été bombardé en canonné pendant l’espace de plus de deux mois. Cent quatre-vingt maisons ont été incendiées par les pots à feu ; toutes les autres, criblées par le canon et les bombes. Les murs de six pieds d’épaisseur n’ont pas résisté, les voûtes dans lesquelles les particuliers avaient mis leurs effets ont été brûlées, écrasées et pillées, pendant le siège et après. L’église cathédrale a été entièrement consommée. Dans le Séminaire, il ne reste de logeable que la cuisine, où se retire le curé de Québec avec son vicaire. Cette communauté a souffert des pertes encore plus grandes hors de la ville, où l’ennemi lui a brûlé quatre fermes et trois moulins considérables, qui faisaient presque tout son revenu.
L’église de la basse ville est entièrement détruite; celle des Récollets, des Jésuites et du Séminaire sont hors d’état de servir sans de grosses réparations. Il n’y a que celle des ursulines où l’on peut faire l’office avec une certaine décence, quoique les Anglais s’en servent pour quelques cérémonies extraordinaires.
Cette communauté et celle des Hospitalières ont été aussi fort endommagées. Elles n’ont point de vivres, toutes leurs terres ayant été ravagées. Cependant les religieuses ont trouvé le moyen de s’y loger tant bien que mal, après avoir passé tout le temps du siège à l’Hôpital général. L’Hôtel-Dieu est infiniment resserré, parce que les malades anglais y sont. Il y a quatre ans que cette communauté avait brûlé entièrement.
Le Palais épiscopal est presque détruit et ne fournit pas un seul appartement logeable. Les voûtes ont été pillées. La maison des Récollets et celle des Jésuites sont à peu près dans la même situation : Les Anglais y ont cependant fait quelques réparations pour y loger des troupes. Ils se sont emparés des maisons de la ville les moins endommagées. Ils chassent même de chez eux tous les jours les bourgeois qui, à force d’argent, ont fait raccommoder quelques appartements, ou les mettent si à l’étroit par le nombre de soldats qu’ils y logent, que presque tous sont obligés d’abandonner cette ville malheureuse ; et ils le font d’autant plus volontiers que les Anglais ne veulent rien vendre que pour de l’argent monnayé ; et l’on sait que la monnaie du pays n’est qu’en papier (note de notre site Web : c’est-à-dire en billets, ordonnances, lettres de change).
Les prêtres du Séminaire, les chanoines, les Jésuites, sont dispersés dans le peu de pays qui n’est point encore sous la domination anglaise. Les particuliers de la ville sont sans bois pour leur hivernement, sans pain, sans farine, sans viande, et ne vivent que du peu de biscuit et de lard que le soldat anglais leur vend de sa ration. Telle est l’extrémité où sont réduits les meilleurs bourgeois ; on put facilement juger par là de la misère du peuple et des pauvres.
De 1759 à 1763, la ville de Québec est occupée militairement et c’est la garnison britannique qui occupe la ville dévastée. Tous ceux qui avaient quitté leurs maisons ne peuvent y revenir, parce que le commandant des troupes d’occupation Murray doit d’abord assurer le ravitaillement en vivres et en bois de chauffage. Il s’attaque aussi au problème de l’inflation causée par la forte demande durant la guerre. Murray s’acquitte de sa charge en démontrant beaucoup de sympathie pour les Canadiens qu’i veut gagner à leur nouveau souverain.
Dans le sillage des militaires, la ville de Québec voit débarquer ses premiers contingents de civils d’origine écossaise, anglaise et irlandaise. Avant la signature du traité de Paris, la plupart d’entre eux sont des marchands de la Nouvelle-Angleterre. Murray méprise ces aventuriers.
Malgré les nombreuses destructions et l’influence des Britanniques dans l’architecture de la ville au XIXe siècle, l’héritage de la Nouvelle-France ne disparaitra pas complètement de la capitale. Inscrit dans ses pierres, ses rues et ses places, le souvenir de cette époque glorifiée nourrira longtemps l’esprit des générations de politiciens qui siégeront à Québec, berceau de la civilisation française en Amérique.
Su haut de son promontoire, dominant la côte de la Montage et la basse ville, le palais de l’évêque n’échappa point aux bombardements des troupes britanniques qui l’endommagèrent. Au lendemain de la Conquête, l’évêque se réfugiera au Séminaire.

Québec taken. Cette gravure de Richard Short nous révèle la détresse qui accablait la ville bombardée et ses habitants. Quebec Taken. Cette médaille a été frappée à Londres en 1759 pour commémorer la capitulation de la ville de Québec.

Église brûlée. L’église de la basse ville est entièrement détruite ; celle des Récollets, des Jésuites et du Séminaire sont hors d’état de servir… (extrait de la lettre de Monseigneur de Pontbriand décrivant la situation à Québec après les bombardements de l’été 1759. Gravure de Richard Short, 1760.
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