Début d’un procès-fleuve contre 17 professionnels de l’immobilier
Des accusations de fraude pour un montant de $9,25 millions
Un procès qui risque de prendre l’allure d’un roman-fleuve judiciaire s’est amorcé hier en Cour supérieure. Seize professionnels de l’immobilier doivent répondre de 228 accusations de conspiration et de fraude dans ce que l’on a déjà commencé à appeler « le procès des cols blancs ».
Un I7ième subira un procès séparé en anglais. Ils regroupent plusieurs disciplines : avocats, notaires, banquiers, évaluateurs, agents ou courtiers en immeuble et entre- preneurs, tous impliqués dans le dossier Trébec, une société de gestion immobilière.
Les fraudes, qui sont de l’ordre de quelque $9,25 millions, au- raient été commises de 1982 à I984 à l’occasion de I64 transactions immobilières, dans la région de Montréal, dans lesquelles sont touchées une dizaine d’institutions financières, comme la Banque Toronto-Dominion, la Banque de Montréal, La Banque canadienne impériale de commerce, la Banque d’Amérique du Canada, les Caisses populaires de Verdun, Deux-Rivières et Angus, la Guaranty Trust du Canada, le Trust national et les Immeubles Beneficial.
Selon la poursuite, les accusés gonflaient la valeur des maisons de façon à obtenir le maximum de prêts hypothécaires lors des transactions. Pour y réussir, il fallait, toujours selon la poursuite, la complicité de personnes du milieu tels que responsables de prêts hypothécaires dans les institutions prêteuses, notaires, gestionnaires de compagnies, évaluateurs et autres.
Cette surévaluation se serait effectuée dans le cas de I64 propriétés situées dans les quartiers de Saint-Henri, Pointe-Saint- Charles et Plateau Mont-Royal. Dans cette affaire, le procureur général a décidé de procéder par acte d’accusation privilégiée, ce qui élimine l’enquête préliminaire qui fait normalement partie du processus judiciaire dans les poursuites au criminel. Les procédures avaient déjà dé- buté, il y a un an, devant le juge Jean-Guy Boilard, mais, à la suite des représentations de la défense, ce dernier avait jugé que les quelques 20 accusations étaient trop vagues et manquaient de détails.
À la suite de cette décision, le procureur général déposa de nouvelles accusations, plus étayées cette fois, et toujours privilégiées, de sorte que l’on passe directement au procès sans passer par l’enquête préliminaire. Hier, devant le juge Réjean-F. Paul, de la Cour supérieure, les avocats de la défense, qui forment une batterie d’une douzaine de juristes, ont présenté diverses demandes préliminaires au procès, allant de la requête en cassation de procès, passant par la re- quête en cassation des accusations de conspiration et aboutissant, si les deux précédentes sont rejetées par le juge, à une requête en vue d’obtenir des procès séparés ou en groupes selon les accusations portées contre chacun des accusés.
Parmi les arguments invoqués dans ce dernier cas, la défense al- lègue que tous les prévenus n’étant pas accusés des mêmes dé- lits, ils n’ont pas à se défendre des actes dont eux-mêmes ne sont pas accusés dans un procès collectif.
Les avocats de la défenses ayant terminé leurs représentations à midi, ceux de la Couronne ont de- mandé un ajournement jusqu’à ce matin de façon à pouvoir étudier l’argumentation de la défense afin d’y répondre, ce que le juge leur a accordé. Avant l’ajournement, le juge Paul a fait part d’un agenda qui, si rien d’imprévu ne survient, s’établira comme suit :
- aujourd’hui, représentations de la Couronne à la suite de celles de la défense qui se sont terminées hier ;
- demain, décision du juge sur les requêtes préliminaires présentées par la défense ;
- vendredi, sélection du jury, s’il y a lieu.
Si l’on fait le total des accusations portées contre chacun des inculpés, on arrive à un chiffre dépassant les 900.
Certains d’entre eux font face à un nombre d’accusations variant de 40 à 100. L’un d’eux en a 185.
L’on croit que ce procès pour- rait devenir l’un des plus longs de l’histoire judiciaire du Canada : il pourrait durer huit mois.
Chacun des 12 avocats de la défense ont, en effet, droit au contre-interrogatoire de chacun des témoins. Et l’on parle de 300 témoins.
(C’est arrivé le 7 janvier 1987).
