Un procès pour meurtre
Une malheureuse affaire causa beaucoup d’émoi parmi les colons de la Nouvelle-France en 1679. Le 23 octobre 1679, au cours d’une bagarre dont nous ignorons l’occasion, Jeanne Couc, 20 ans, fille de Pierre Couc et de Marie sauvagesse, fut mortellement blessée et son père cruellement maltraité.
La victime eut le temps de se confesser avant de mourir. Deux jours après, on l’enterrait dans le cimetière de la paroisse des Trois-Rivières, en présence de sa mère et sa sœur Angélique.
Un procès fut intenté, qui s’instruisit devant le lieutenant général de la juridiction des Trois-Rivières, Gilles Bovinet, et, le 31 du même mois, une sentence fut rendue contre le meurtrier, Jean Rattier dit Dubuisson, 32 ans. Le coupable devait être conduit à Saint-François, au lieu que le seigneur de cette seigneurie désignerait pour place publique, et là attaché à une potence pour y être pendu et étranglé, et y demeurer exposé pendant vingt-quatre heures. En outre, il devait payer quatre-vingt livres d’amende au roi, deux cents livres à Pierre Couc, et les dépenses. Avant d’être livré à l’exécuteur, on devait le soumettre à la « question » pour avoir révélation des auteurs et des complices de la mort de Jeanne Couc.
Le jour même de sa sentence, Rattier en appela au Conseil Souverain de Québec, et, le 3 novembre, il était transféré dans les prisons de cette ville. Le conseiller Claude de Bermen de la Martinière fut chargé d’enquêter dans cette cause. De nombreux témoins furent appelés à comparaître : le seigneur Jean Crevier, son domestique Pierre Gilbert dit Lachasse, Jacques Dupuis dit La Garenne, Jacques Julien, tous de Saint François, Gabriel Benoit, du chenal Tardif, Noël Laurence, de Contre cœur, son beau-frère Jacques Brunet, de Varennes, Pierre Gareau dit Saint-Onge, de Boucherville, beau-frère de Jean Crevier, Martin Foisy et Mathieu Brunet dit Lestang, de l’Arbre-à-la-Croix (Saint-Jacques-des-Hertelets, près du Cap-de-la-Madeleine), Jean Lemagnan dit Le Jauge et son gendre Charles Vanet dit le Parisien, de Sorel, et Marie Gervais, femme de Philippe Estienne, des Trois-Rivières.
Crevier, Gilbert, Dupuis et Julien furent accusés de complicité dans le meurtre et les violences commises sur la personne de Pierre Couc. En passant chez Martin Foisy, Gilbert avait déclaré que son maître Crevier était cause de tout ce qui était arrivé. Il croyait qu’on avait dû lui faire la langue. Dupuis fut même retenu à la prison de Québec, à partir du 11 juillet.
Le procès dura plus d’un an. Le jugement fut rendu par le Conseil le 31 décembre 1680. Rattier, reconnu coupable d’avoir tué Jeanne Couc, fut condamné à être pendu, sur la place du marché de la basse ville de Québec, et en outre à payer trois cents livres d’intérêts civiles à Couc, cent livres d’amende au roi et les dépenses de deux procès. Mais, comme il n’y avait pas alors d’exécuteur public, il eut la vie sauve à condition d’en accepter lui-même la charge. Il s’établit à Québec, sur la Grande-Allée. C’était la troisième fois depuis le début de la colonie qu’un condamné à mort était gracié de cette façon.
Jacques Dupuis fut élargi, mais dut rester à Québec à attendre le procès au sujet des violences commises sur la personne de Pierre Couc. Ce procès fut jugé le 24 mars de l’année suivante (1681). Le Conseil Souverain condamna Jean Crevier à payer 490 livres d’intérêts civils à Pierre Couc, dix livres d’amende au roi et les dépens en ce qui concernait les voies de fait, à taxer par le commissaire; mais en même temps, il défendait à Couc de reprocher à Crevier le meurtre de sa fille.

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