Origines des couturières

Origines des couturières en Nouvelle-France

Les multiples formes d’apprentissage et la diversité de la pratique des couturières qui ont œuvré à Montréal ont été établies. Les milieux sociaux où elles ont évolué, celui où le mariage les conduit, seront maintenant analysés. En l’absence d’une communauté de métiers qui les aurait regroupées toutes, Susanne Gousse a analysé la sociabilité des couturières à travers leurs relations sociales : dans le choix des témoins à leur mariage, dans celui des parrains et marraines de leurs enfant et dans l’appartenance à des confréries paroissiales.

Mme Gousse a repéré lesquelles étaient apparentées et celles qui étaient liées à la traite des fourrures. Cette activité économique avait permis le développement de la ville et elle occupait une partie des habitants du gouvernement de Montréal. Puisque les domestiques et les esclaves ont aussi fait partie du paysage urbain, et surtout du monde marchand auquel plusieurs couturières étaient intégrées, Mme Gousse a examiné ces fréquentations particulières. Les contrats de mariage ont été comparés à ceux d’autres milieux artisans. Cette analyse devrait permettre de voir, si, malgré des variantes, les femmes de toutes les générations faisaient partie du même groupe social.

L’appartenance sociale

Les groupes sociaux et les catégories

En Nouvelle-France comme en Europe, un homme pouvait exercer plus d’un métier à la fois, mais il pouvait aussi en changer au cours de sa vie, car, « contrairement à une image véhiculée à propos des sociétés d’Ancien Régime, les individus n’y étaient pas immobiles ». (Voir à ce sujet François-Joseph Ruggiu, L’individu et la famille dans les sociétés urbaines anglaise et française (1720-1780), Paris, PUPS, 2007, p. 25-26.) Un même homme pouvait aussi se donner ou se voir attribuer divers qualificatifs et vocables. Pour situer chacune socialement, toutes les occupations des pères, des beaux-pères (les époux des mères remariées), puis celles des maris des couturières ont été relevées (Les données proviennent du PRDH, du Dictionnaire généalogique Jettée et des actes notariés, incluant les contrats de mariage). Toutes les mentions socioprofessionnelles ont été utilisées, Suzanne Gousse s’est inspirée des catégories sociales de Danielle Gauvreau (Une ville et sa population au temps de la Nouvelle-France, Sillery, PUQ, 1991, p.205-207), mais tenant compte des petits nombres compris dans cette analyse, les métiers recensés ont été rassemblés en trois groupes. Le premier comprend les officiers civils et militaires, les employés de l’administration et les bourgeois. Être bourgeois, ce n’est pas une profession. C’est plutôt un qualificatif social, un titre associé à un certain prestige. Le vocable « bourgeois » désigne dans cette étude les individus identifiés comme tels, mais aussi les commerçants, engageurs, fermiers de poste, marchands, négociants, seigneurs et voyageurs. Les voyageurs sont inclus dans ce groupe car ils étaient souvent désignés comme « marchands voyageurs », ce qui suppose un certain investissement de capital ou du crédit. Le second groupe rassemble les sous-officiers et les soldats, les artisans divers et les hommes des secteurs de l’alimentation, du petit commerce et des services, auxquels sont joints les habitants. Le dernier groupe réunit ceux qui sont à l’emploi des autres. Pour déterminer si certains de ces hommes avaient déjà été identifiés comme membres de la bourgeoisie ou de la noblesse, Mme Gousse a consulté les travaux de Lorraine Gadoury et de Charles Simo Noguera (Carlos Simo Naguera, Le Comportement démographique de la bourgeoisie en Nouvelle-France, thèse de Ph. D. (démographie), UdM, 1994. L’auteur a sélectionné les individus trouvés dans le RPQA en utilisant une vingtaine de professions. Il n’a pas retenu les notaires. Ces derniers se considèrent probablement comme des bourgeois. Lorraine Gadoury, Comportements démographiques et allusion de la noblesse en Nouvelle-France, thèse de Ph. D. (histoire, UdM, 1988).

Le milieu familial d’origine

La très grande majorité des couturières est issue du milieu qui comprend les sous-officiers et les soldats ainsi que les artisans divers, les petits commerçants et les habitants. Peu d’entre elles proviennent du secteur de l’alimentation et aucun père de couturière n’est employé de l’administration coloniale. Il y a toutefois deux filles issues de la vieille noblesse d’épée et huit provenant de la petite bourgeoisie (la chercheuse a rencontré dans les actes des mentions de « bourgeois » pour des individus non retenus par Charles Simo Noguera. C’est le cas d’Étienne Trudeau et de Charles Cabazier qui ont épousé Marie Bleau et Marguerite Renaud). Parmi les pères de la première génération, il y a un marchand, deux soldats, sept artisans, un boucher et deux seigneurs de fiefs. Le premier seigneur, Jean Lemoine de Sainte-Marie, est désigné comme « habitant ». Il est établi à La Pérade, mais il ne cultive pas lui-même la terre et semble participer à la traite des fourrures.

Plusieurs « habitants » se seraient installés dans cette région afin de pouvoir commercer plus librement qu’à Trois-Rivières. C’est ce que suggère l’inventaire après décès de la maison fortifiée de Jacques Baby et Jeanne Dandonneau. Au recensement de 1681, Jean Lemoine a trois engagés qui ont entre 28 et 49 ans. Le deuxième seigneur, Michel Guyon Durouvray, est maître charpentier de navires. Parmi les pères de la deuxième cohorte, on retrouve un marchand, trois engageurs, un seigneur de fief et un officier militaire de la liste de Lorraine Gadoury (tous du premier groupe social).

Le commandant Alphonse de Tonty a été très engagé dans la traite des fourrures. Le père de Josèphe Guyon Després est qualifié de seigneur primitif de l’arrière – fief Du Buisson, de marchand de fourrures et de « bourgeois » dans les documents. Le plus grand nombre d’anciens domestiques et d’habitants se retrouvent à la deuxième génération. Les domestiques, les soldats et un habitant de cette génération exercent généralement une autre activité après leur installation définitive.

(Suzanne Gousse. Les Couturières de Montréal au XVIIIe siècle. Les éditions de Septentrion, 1300, avenue Maguire, Québec G1T 1Z3, 2013.)

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