Chaudière-Appalaches

L’or : une richesse de la Beauce et du Québec

L’or : une richesse de la Beauce et du Québec

L’or : une richesse de la Beauce et l’histoire de son exploration dès la première moitié du XIXe siècle

En 1842, un fait marquant se produit dans l’histoire minière du Canada. Le gouvernement du Canada-Uni met alors en place les structures de sa nouvelle Commission géologique, afin d’évaluer le potentiel minier du pays.

William Edmund Logan en est le premier directeur, au salaire de 500 pounds par année. En 1864, il publie son rapport sur l’or, en réservant une place au Québec et notamment à la Beauce. Le document donne aussi un bilan des rapports de la Commission de 1848 à 1863. Il est d’autant mieux reçu que le public porte alors un intérêt particulier aux découvertes d’or, que les journaux relatent à satiété, notamment aux États-Unis. Le Canada et en particulier les Appalaches ne seront pas en reste, promet Logan :

The existence of gold in North America, occuring in more or less quantity in veins and alluvial deposits, has been traced at intervals, some of which are considerable, from Georgia, the Carolinas, Virginia and other Souther States, and even from Mexico to the Chaudière in Lower Canada. It is not imporable it may follow the run of one and the same geological formation throught the whole distance, and will ultimately be traced to Gaspé.

Un problème de date et de sources sur la découverte de l’or en Beauce

En fait, l’histoire des découvertes d’or en Beauce relève de la légende. En effet, nul ne sait avec précision quand celles-ci eurent lieu, et nombreux sont les auteurs qui font état de dates différentes. D’autres ignorent purement et simplement cet aspect de l’histoire beauceronne, faisant plutôt commencer son exploitation ailleurs au Québec. Pourtant, c’est bel et bien là que commença la première exploitation commerciale de l’or dans la province.

Selon la documentation du XIXe siècle, c’est sur la rivière Gilbert, l’un des affluents de la Chaudière qui traverse les paroisses Notre-Dame-des-Pins et Saint-Simon-les-Mines, que la première découverte d’or a eu lieu. Selon William Champman, cité par Jean René Breton dans La Beauce et les Beaucerons, cette découverte est due à une jeune fille, Clothilde Gilbert, qui en 1834 découvre dans le lit de la rivière une pépite que l’on dit être de la grosseur d’un œuf de pigeon. Or, Chapman réside dans la seigneurie Rigaud De Vaudreuil, où son père possède un magasin général dans la paroisse Saint-François (Beauceville). Il semble connaître assez bien Clothilde Gilbert, puisque cette dernière lui confie de vive voix les circonstances de la découverte, qui aurait eu lieu en 1846 et non en 1834. L’erreur sera reprise par les contemporains de Champman, ainsi que par plusieurs autres auteurs.

Comme les rapports de Logan s’étalent de 1848 à 1863, on peut supposer que celui-ci compte ces treize ans à partir de 1848, ce qui fixerait la date probable de la première découverte vers 1834-1835, d’autant plus que Logan précise que la nouvelle en fut rendue publique par le capitaine F. H. Baddeley, du Royal Engineers, en 1835.

En 1863, William Anderson confirme la découverte d’or en 1834 mais, surprise, il y aurait eu, selon lui, une autre découverte du même type qui ne laissa pas de trace : «  The next discouvery, that of gold, was made about half-a-century ago, by a woman, near the mouth of the Touffe de Pins (Notre-Dame-des-Pins) or Gilbert river, a tributary of the Chaudière, but it attracted no attention. But in 1834, a woman taking a horse to water at the same spot, saw something glittering in the river, which proved to be nuggert of considerable size, as it weight 1 066.63 grs ». Cette remarque laisse songer quant à la date.

Dans son rapport de 1864, M. Logan écrit que M. De Léry, avec lequel il entretenait du reste une correspondance, lui a confié que la fille de l’un de ses censitaires avait été la première à trouver de l’or dans la région, du moins à sa connaisance : « Mr. C. de Léry, one of the present proprietors, who six years ago exhibited to me the specimens of gold he had obtained, has informe me that the first piece of the metal was discovered about thirteen years ago by a daughter of one of the censitaires, and the first coming to his knowledge, he himself made search, and found another piece in the bead of the stream. » de la première découverte d’or en Beauce.

Quant aux monographies paroissiales, notamment celles de Saint-Simon-les-Mines et de Saint-François (Beauceville), où l’action s’est déroulée, elles attribuent la découverte de la rivière Gilbert à Claudine (et non Clothilde) Gilbert, sans préciser l’année, et parlent d’une autre trouvaille en 1847, soit « douze ans plus tard », ce qui nous ramène à 1834-1835. Or, la paroisse Saint-Simon-les-Mines n’est fondée qu’en 1928 et, avant cette date, elle fait partie de la paroisse Saint-François (Beauceville). Malgré ce fait, on ne fait aucune mention des mines d’or du XIXe siècle dans l’histoire de Beauceville. On parle bien des travaux entrepris aux rapides du Diable, à la hauteur de cette paroisse sur la Chaudière, mais non des travaux sur la Gilbert.

Plus près de nous est paru un ouvrage qui traite des chercheurs d’or canadiens-français. Cependant, le chapitre sur les mines d’or de la Beauce est bien mince comparativement à ceux qui traite de la Californie, de la Colombie-Britannique ou du Yukon. On y trouve cependant des renseignements intéressants sur la première découverte d’or en Beauce. Selon l’auteur Jeanne Pomerleau, c’est en 1835 que l’on etendit parler pour la première fois d’or en Beauce. Le mérite revient au général Baddeley, que Logan identifie comme capitaine. Par contre, contrairement à Anderson, qui avait attribué la première découverte d’or à une femme dont on perd ensuite la trace et qui n’est pas Clothilde Gilbert, cette fois elle est due à un homme, puis à sa fillette, la dite Clothilde Gilbert, et à des enfants qui jouaient près de la rivière Gilbert :

« Selon la tradition orale, reprise dans les écrits, la première découverte d’or aurait été faite par un nommé Gilbert, à l’embouchure de la rivière Gilbert qui passait sur sa terre avant de se jeter dans la Chaudière. On prétend même qu’à chaque saison de l’année lorsque le lit de la petite rivière était laissé à sec, Gilbert allait secrètement à la recherche du métal et qu’il eut le temps de réaliser une fortune considérable avant d’attire l’attention sur ses opérations.

Une légende répandue dans la Beauce donne des des précisions supplémentaires. Ce serait une fillette des Gilbert, vers 1834, âgée d’une douzaine d’années, Clothilde, qui ramenait à l’étable le troupeau de vaches (et non pas en voulant faire boire un cheval comme le rapportait Anderson), voulut accélérer leur marche en leur lançant un caillou doré. Le père prit cette pépite de la grosseur d’un œuf pesant 1066 grains, puis il alla la faire analyser à Québec. Le caillou s’étant avéré être de l’or, le père récompensa sa fillette en lui achetant une robe d’indienne.

Berchmans Poulin et Madeleine Bourqui rapportent plutôt qu’en 1841, « lorsque Clothilde (fille de Léger Gilbert demeurant sur la terre qui appartenait encire, il y a quelques années (1975), à M. Francis Gilbert), se rendant chercher le cheval pour la messe de dimanche, dut traverser la rivière, elle y remarqua quelque chose qui brillait. Je l’ai ramassé pour le montrer à papa, dit-elle. »

Mais d’autres versions transmises oralement disent aussi que lorsqu’une demoiselle Gilbert a trouvé la première pépite d’or dans la rivière Gilbert, le seigneur de Léry qui faisait la visite paroissiale avec le curé à ce moment, vit que les enfants jouaient avec une pépite d’or. Il leur offrit 25$ pour cette pierre, et la famille accepta.

Le moins que l’on puisse dire est que les versions changent selon la source utilisée. On en a un autre exemple avec la revue Géo-Tourisme, qui parle des richesses minières du sous-sol québécois : « Au Québec, c’est en Beauce que l’on a trouvé les plus riches placers aurifères. Une première pépite fut trouvée dans le lit de la rivière Touffe-des-Pins (aujourd’hui la Gilbert) en 1823 ou 1824. Une beauceronne serait l’auteure de cette première découverte. En 1834, Claudine (ou Clothilde) Gilbert trouve aussi une pépite sur une berge de la même rivière ». Selon cette source, la date de la première découverte devient donc 1823-1824.

De l’or dans la seigneurie de Rigaud de Vaudreuil

Pour Jean-Luc Deslandes, médecin de formation, qui s’intéresse à la gestion des mines d’or en Beauce et qui durant ses temps libres, rédige un ouvrage sur le sujet, la date serait 1846. Pour appuyer ses dires, l’auteur se réfère à la publication de William Champman, en 1881, sur les mines d’or de la Beauce. Par ailleurs, Deslandes affirme que, dès 1767, les autorités coloniales auraient eu vent d’une découverte particulière dans la seigneurie Rigaud De Vaudreuil. En effet, selon l’auteur, le gouverneur Guy Carleton fait parvenir au secrétaire des colonies, en Angleterre, un lingot d’une livre et demie que l’on croit constitué d’or et d’argent. Où l’auteur a-t-il pris cette référence? L’information semble venir de « l’historien de la Beauce », l’abbé Honorius Provost, qui hésite à donner une date précise pour la découverte d’or, faute de source fiable à ce sujet, mais qui précise ce qui suit :

Ceux qui ont parlé des mines de la Beauce, par défaut de documentation, n’ont fait remonter la découverte de l’or qu’à 1834, sur la rivière Chaudière. Or, nous sommes en mesure de prouver que l’on parlait de minerai dans la Beauce depuis au moins 1766. En effet, le gouverneur Guy Carleton pouvait écrire à lra Shelburne, secrétaire des colonies à Londres, le 14 février 1767, qu’on avait découvert, dans le sous-sol, sur la seigneurie de Rigaud, un lingot métallique d’une livre et demie, constitué d’argent mêlé d’or. On n’avait personne alors au Canada pour faire l’analyse et l’épreuve de ce minerai, qu’on pouvait s’attendre à trouver en forte quantité. Dès la fonte des neiges, le gouvernement ferait prélever des échantillons et les enverrait à Londres par les premiers navires. Il demanda s’il serait possible, en attendant les résultats, aucune concession des terres avoisinant la seigneurie de Rigaud (Saint-François). Outre cette longue terre, presque entièrement consacrée au même sujet, Carleton devait y revenir dans deux lettres subséquentes, du 14 juillet et 29 août 1767, accompagnant chaque fois des échantillons du minerai de St-François. Nous n’avons pu trouver, malheureusement, les rapports d’expertise, s’il y en eut, ni même les réponses de Lord Shelburne à Carleton. Mais nous pouvons présumer qu’ils n’apportèrent aucune révélation sensationnelle, puisque la découverte n’est plus mentionnée officiellement après cette date et qu’il lui est arrivé de tomber même dans l’oubli, apparemment, au cœur de la région qui en avait été le théâtre.

La dernière phrase de Provost porte à réflexion, car c’est bien d’un oubli qu’il s’agit, et cet épisode disparaîtra de la mémoire collective. On en a un exemple dans certaines synthèses historiques récentes. Ainsi, contrairement à celle de Jean Hamelin et Yves Roby, parue en 1971 et qui ne fait plus qu’esquisser la découverte de la rivière Gilbert, celle de Paul-André Linteau, René Durocher et Jean Claude Robert, parue à la fin des années 1980, n’en dit mot.

En 1971, Jean Hamelin et Yves Roby écrivaient :

Les Québécois ont mis du temps à inventorier leurs ressources minières… Les administrateurs anglais semblent n’avoir porté qu’une faible attention aux ressources minérales dans la première moitié du XIXe siècle, les découvertes sont le fruit du hasard, comme cette Beauceronne qui aurait en 1825 trouvé une pépite d’or – ou l’oeuvre d’amateurs curieux des choses de la nature.

Il s’agit probablement de la découverte faite à l’embouchure de la rivière Gilbert, qui précède celle de Clothilde (Claudine) Gilbert. Par contre, les auteurs établissent à 1846 l’année de la découverte de la fille Gilbert, tout en indiquant dans une note que d’autres personnes ont probablement trouvé de l’or avant cette date.

Pour leur part, Linteau, Durocher et Robert écrivent ce qui suit sur l’industrie minière au Québec, propos repris dans l’édition de 1989.

Parmi les nouveaux secteurs liés à l’exploitation des richesses naturelles, celui des mines se développe assez tardivement. L’image du Québec pays minier est en effet une réalité du 20e siècle… À la veille de la Première Guerre mondiale, l’extraction minière est encore presque inexistante au Québec et se résume à deux types de produits. Il y a d’abord les carrières qui fournissent les matériaux de construction. Il y a aussi l’amiante.

Plus tard, la situation ne change pas beaucoup. Ainsi, plusieurs explorations minières sont en cours vers 1925. À cette époque est fondée Asbestos Corporation (et d’autres à l’autre extrémité du Québec, en Abitibi. Dans la zone qui va, en gros de Rouyn à Val d’Or, se trouvent d’importants gisements de métaux, principalement le cuivre, l’or, le zinc et l’argent, que l’on retrouve dans des proportions variables selon les endroits; la région de Val-d’Or, comme son nom l’indique, est surtout riche en or, celle de Rouyn, en cuivre).

Bibliographie :

  • Histoire de Beauce-Etchemin-Amiante, par Serge Courville, Pierre C. Poulin, Barry Rodrigue et d’autres.

Voir aussi :

L'or : une richesse de la Beauce et l'histoire de son exploration dès la première moitié du XIXe siècle
L’or : une richesse de la Beauce et l’histoire de son exploration dès la première moitié du XIXe siècle. Photo d’Olga Fedak.

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