
La morue et la Nouvelle-France
Pour la pêche de la morue, les Français sont attirés par la région du cap Breton. Déjà, en 1525, l’expédition envoyée par le roi François Ier avait remarqué cette région pour sa beauté accueillante et pour ses eaux poissonneuses. Le commandant Giovanni Verrazzano la nomme « Acadie », comme la fertile campagne de la Grèce antique, toponyme qui deviendra « Acadie ». De plus, tout le littoral exploré, depuis la Caroline jusqu’au cap Breton, prend dorénavant le nom de Nouvelle-France, appellation qui se maintiendra pour un territoire dont les frontière évolueront considérablement jusqu’à sa disparition avec le traité de Paris de 1763.
Au XVIe siècle, des petits bateaux de pêche, jaugent généralement moins d’une centaine de tonneaux (un tonneau marin était équivalent d,un poids approximatif de 2 000 libres et d’un volume de 40 pieds cubes), partent de tous les ports du Ponant pour tout point du littoral de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent, où ils peuvent trouver un havre où s’installer pour l’été, pêcher et remplir leur bateau de morue sèche. S’ils fréquentent la côte du Labrador, celle de Terre-Neuve et de la Gaspésie, ils préfèrent pêcher au sud du golfe du Saint-Laurent jusqu’au cap Cod. Avec les bancs à proximité, les prises sont plus abondantes et le poisson est plus volumineux, devenant une excellente « morue marchande ». De plus, le climat, plus doux qu’à Terre-Neuve, rend le séjour de cinq à six mois plus agréable. Un lieu privilégié, au niveau du fleuve Penobscot, est même désigné sous le nom de « coste de Floride » (Carte de l’océan Atlantique par Pierre de Vaulx, 1613. Reproduction dans Raymonde Litalien, Jean-François Palomino et Denis Vaugeois, « La Mesure d’un continent. Atlas historique de l’Amérique du Nord », Québec, Septentrion, 2007, page 78).. De plus, sur le littoral de l’Acadie, les échanges avec les autochtones sont de bonne composition. On y pratique très tôt le troc d’outils et d’objets de fabrication française contre les pelleteries. Déjà, en 1535, Jacques Cartier se voit proposer des fourrures, à la baie des Chaleurs.
Ce n’est donc pas par hasard si les premiers établissements français avec habitants se situent au niveau du 45e de latitude nord. L’île Sainte-Croix, en 1604, puis Port-Royal (Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse), en 1605, sont les lieux choisis par Champlain et Dugua de Monts, mandatés par le roi Henri IV, pour fonder une colonie. Toutefosi, la proximité des colonies anglaise au sud les incite à trouver un site plus protégé. Québec, en 1608, loin des zones de pêche, s’impose comme capitale de la Nouvelle-France.À partir de ce moment, la pêche à la morue n’est plus le seul centre d’intérêt des Français en Amérique du Nord, elle cède le pas à la traite des fourrures qui devient la ressource principale de la colonie.
Se certains habitants du littoral du golfe du Saint-Laurent s’adonnent toujours à la pêche à la morue, aussi bien pour la consommation locale que pour l’exportation vers la France métropolitaine, cette activité est pratiquée surtout par leurs compatriotes européens. À Terre-Neuve, les pêcheurs français se concentrent principalement au sud de l’archipel où la rade de Plaisance rassemble également les résidents et les pêcheurs saisonniers. Le site est fortifié en 1662 avec pour fonction de servir de port d’escale aux pêcheurs venant de France où ils peuvent parfois hiverner ou laisser leurs effets en sécurité. Éventuellement, Plaisance peut faire fonction de site défensif pour les autres postes français du golfe du Saint-Laurent. À ce titre, ce port devient une base de départ de corsaires pour de fréquentes attaques des postes anglais de la péninsule d’Avalon et jusqu’à St. Johns. Un gouverneur y réside à partir de 1655 à la tête de la minuscule population qui comprend 73 personnes en 1670 et 640 en 1685.
(Par Raymonde Litalien, extraits. Recueil des textes sous la direction de Sophie Imbeault, Denis Vaugeois et Laurent Veyssière. 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique. Septentrion, 2013.)

Facebook
Twitter
RSS