Malheurs et grandeurs de la guerre

Malheurs et grandeurs de la guerre (la guerre de Sept ans)

Deux rivalités fondamentales mettent le feu aux poudres au milieu des année 1750 : la première est coloniale et met aux prises la France et la Grande-Bretagne en Amérique du Nord, dans les Antilles et aux Indes, alors que la seconde est européenne et oppose la Prusse et l’Autriche. Entre ces deux pôles, un autre point de friction apparaît au cours de conflit, soit l’émergence de la Russie, comme grande puissance sur laquelle il faut compter.

Fait à noter, l’année 1756 voit le paysage diplomatique européen être complètement bouleversé. La Grande-Bretagne, alarmée par la puissance française et préoccupée par la sécurité du Hanovre, cherche à créer une alliance continentale contre les forces de Louis XV. Un accord est d’abord conclu avec la Russie, qui prévoit que la tsarine Élisabeth recevra 100 000 livres par année en temps de paix, 500 000 annuellement en cas de guerre.

Cet argent doit servir à équiper une armée russe qui, une fois les hostilités déclarées, aurit pour mission de protéger le Hanovre. Ce traité n’inquiète pas outre mesure la France, mais fait réagir fortement la Prusse qui craint de voir les forces russes l’attaquer, peut-être avec l’aide de l’Autriche.

Frédéric II de Prusse s’est rendu compte, lors de la guerre de Succession d’Autriche, que la priorité de la France réside dans les affaires italiennes et hollandaises. Il ne croit pas qu’il pourra compter sur l’aide des forces de Louis XV pour repousser un assaut austro-russe sur ses territoires. Il entame alors des approches vis-à-vis de Londres qui mènent, le 16 janvier 1756, à la signature d’une alliance défensive, le traité de Westminster, par laquelle les deux États se garantissent mutuellement leurs possessions. Ce rapprochement offre l’occasion au chancelier autrichien Kaunitz d’essayer d’isoler la Prusse sur le plan continental en s’alliant avec la France.

Car, pour Vienne, Paris ne représente pas la principale menace à sa sécurité, mais plutôt Berlin. De plus, Kaunitz est convaincu que seule une alliance avec la France permettra à l’Autriche de remettre la main sur la Silésie, perdue aux mains de la Prusse en 1748. Le 1er mai 1756, le traité de Versailles officialise le rapprochement austro-français. Ces événements prennent place alors que les hostilités ont commencé en Amérique du Nord et que l’Europe continentale vit ses derniers instants de paix.

La guerre qui se solde par le traité de Paris commence sous de bons auspices pour les troupes de Louis XV et leurs alliés. En Amérique du Nord, les tentatives des Britanniques pour sécuriser la frontière de l’Ohio tournent au désastre. George Washington d’abord, et lord Braddock ensuite sont défaits par les forces françaises et amérindiennes coalisées en 1754 et 1755. En Inde, le jeune roi de Bengale marche contre le comptoir britannique de Calcutta qu’il prend, avec l’aide de quelques troupes françaises, en juin 1756. En Europe, l »île de Minorque, conquise par les Britanniques lors de la guerre de Succession d’Espagne, tombe aux mains des troupes de Louis XV en avril 1756. Encouragé par ces succès initiaux, le roi de France envisage de lancer ses forces à l’assaut de la Grande Bretagne. Cette série de désastres provoque la chute du gouvernement anglais. En 1757, alors que le marquais de Montcalm emporte le fort William Henry, le duc de Cumberland perd le Hanovre, berceau de la dynastie au pouvoir dans les îles britanniques. Or, cette perte expose dangereusement la Prusse aux attaques de ses ennemis. Rien ni personne ne semble être en mesure de freiner la marche victorieuse des Franco-Autrichiens qui, le 1er mai 1757, avaient signé une alliance offensive contre la Prusse.

La fortune des armes est toutefois capricieuse. En novembre 1757m les troupes prussiennes font fi d’un important désavantage numérique *22 000 soldats prussiens font face à 54 000 hommes de troupe français) et écrasent leurs adversaires à Rossbach, en Saxe. Un mois plus tard, ce sont les Autrichiens qui sont battus à Leuthen, en Silésie, par des forces inférieures en nombre (65 000 hommes en affrontent 36 000 à cette occasion). Les armées de Louis XV sont lentement mais sûrement repoussées hors du territoire allemand, alors que les Britannique montrent une offensive en Amérique du Nord. De nouveaux commandants, Amherst et Wolfe, conduisent leurs hommes à la victoire à Louisbourg en 1758, à Québec en 1759, tandis que plusieurs îles des Antilles tombent aux mains des Britanniques. Dans l’océan Indien, une tentative française de s’emparer de Madras échoue. Désireux de reprendre l’offensive, le gouvernement français prépare un plan d’invasion de la Grande-Bretagne, mais les navires chargés d’escorter les soldats à travers la Manche sont détruites au cours d’une série de batailles qui culmine au large du port portugais de Lagos en août 1759 et dans la baie de Quiberon trois mois plus tard.

Le cours de la guerre bascule ainsi complètement en 1758-1749. La France et ses alliés perdent totalement l’initiative. L’entrée de l’Espagne dans la mêlée en 1762 ne change rien à la situation. Les Espagnoles subissaient les contrecoups de la lutte entre la France et la Grande-Bretagne. Les corsaires anglais attaquaient leurs bateaux, les pêcheurs espagnols actifs le long des côtes de Terre-Neuve ne pouvaient plus se livrer librement à leurs opérations. Le refus des Britanniques à prendre en considération ces doléances amena le roi Charles III d’Espagne à envoyer un ambassadeur à Paris pour y négocier un traité défensif d’alliance (Devenu roi d’Espagne en 1759, Charles III adopte une politique beaucoup plus belliqueuse que celle qui est suivie jusqu-là par son demi-frère Ferdinand VI à qui il succède).

Un tel traité marquerait le rapprochement de deux branches de la famille des Bourbons, celle qui régnait sur la France depuis la montée sur le trône d’Henri IV en 1589 et celle qui régnait sur l’Espagne depuis que le traité d’Utrecht de 1713 avait désigné un petit-fils de Louis XIV comme roi d’Espagne. L’accord signé le 15 août 1761 prévoit l’entrée en guerre de l’Espagne pour le 1er mai 1762. Mis au courant des tractations entre Paris et Madrid, les Britanniques demandent aux Espagnols des explications qu’ils n’obtiennent pas. La guerre, finalement déclarée le 2 janvier 1762, tourne toute de suite à l’avantage des Britanniques qui attaquent et s’emparent des deux principaux ports coloniaux espagnols : La Havane, pourtant réputée imprenable, et Manille. Sur le continent, l’Autriche perd tout espoir de victoire lorsque la Russie, jusque-là son alliée l’abandonne au profit de la Prusse au lendemains de la mort de la tsarine Élisabeth en janvier 1762. Celle-ci était une ennemie sans merci du roi Frédéric II, alors que son successeurs, Pierre III, l’admire profondément. Alors que les troupes russes assiègent la capitale prussienne, Pierre III annonce son intention de négocier avec son vis-à-vis. Le 5 mai, le traité de paix signé entre Berlin et Moscou voit la Russie abandonner toutes ses conquêtes.

(Michelle de Waele Sous la direction de Sophie Imbeault, Denis Vaugeois et Laurent Veyssière. 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique. Septentrion, 2013.)

Voir aussi : 

Malheurs et grandeurs de la guerre. Photo de Megan Jorgensen.
Malheurs et grandeurs de la guerre. Photo de Megan Jorgensen.

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