Loyalistes du Canada et de la Nouvelle-France
Une suite d’événements majeurs se déroula au cours du XVIIIe siècle, en Europe et en Amérique. Guerre de Sept ans, Conquête, révolte américaine…
En 1756, la France déclare la guerre à la Prusse, avec la Silésie comme toile de fond. La Prusse fait alliance avec l’Angleterre. Les combats de la guerre de Sept ans sont d’abord limités au continent. De retraites précipitées en courses folles, les troupes françaises s’épuisent à suivre Frédéric II. Voyant cet état de faiblesse, l’Angleterre décide de porter un coup fatal à son vieil ennemi français en attaquant ses colonies, dont le Québec.
Mais la guerre de Sept ans a coûté cher aux belligérants. L’Angleterre cherche alors à regarnir son trésor et les colonies sont mises à contribution. Ainsi, la multiplication des taxes sur les biens de consommation exaspère les colons.
Le Boston Tea Party, marque la rupture entre les coloniaux et la mère patrie. La nation américaine prend forme et réclame son indépendance. On compte alors treize colonies distinctes sur le territoire qui allaient devenir les États-Unis.
S’engage une longue lutte armée. L’armée continentale, menée par Georges Washington est mise à mal par les forces britanniques dirigées par Lord Cornwallis.
Au sein de la population américaine, des clans se dessinent. Les loyalistes qui sont favorables au maintien du statut de colonie prennent les armes en compagnie des Britanniques. Le destin des loyalistes sera intimement lié à la conclusion de la révolution américaine.
Les insurgés manquent d’armes, de munitions et d’hommes. C’est un homme de lettre français haut en couleur, l’auteur du Barbier de Séville et du Mariage de Figaro, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799), qui servira de paravent à Louis XVI pour alimenter les révolutionnaires en armes et matériel.
Puis les troupes françaises viendront prêter main forte aux insurgés. En octobre 1781, alors que Lord Cornwallis est cantonné à Yorktown pour recevoir des troupes fraîches et du matériel pour terminer sa longue marche victorieuse contre les troupes continentales, il voit venir au loin, non pas les renforts britanniques, mais des navires de guerre français.
George Washington place sa faible armée sur les hauteurs et bombarde les positions britanniques. Les contre-attaques sont aussi inutiles que coûteuses en hommes. Coincé, Lord Cornwallis capitule.
Cette défaite de l’Angleterre aura des conséquences pour les loyalistes. Ils abandonnent leurs terres et propriétés pour l’exil. Au total, plus de 32 000 Américains loyalistes quittent New York pour la Nouvelle-Écosse qui reçoit le gros des émigrés. On en compte 13 000 qui s’établissent sur le territoire du Québec. La société loyaliste en exil prend forme.
Le Canada accueille ainsi 50 000 réfugiés, mais le pays compte alors un peu plus de 70 000 habitants. Les autorités britanniques doivent trouver des terres pour ces nouveaux venus. Le poids démographique des Loyalistes entraîne des conflits politiques en Nouvelle-Écosse. On séparera ce territoire en deux pour permettre aux loyalistes d’avoir le contrôle entier sur un territoire déterminé. C’est ainsi qu’est né le Nouveau-Brunswick.
Au Québec, les autorités craignent des confrontations si les loyalistes arrivent en grand nombre dans les campagnes francophones.
Le Gouverneur Haldimand incite donc les nouveaux venus à s’établir dans le Haut-Canada, ce qui deviendra, plus tard, l’Ontario. À l’époque ce vaste territoire est considéré une partie du Québec et le droit français s’applique aux nouveaux arrivants, de même que le régime seigneurial classique. Les nouveaux colons d’origine britannique en sont mécontents, parce que ce droit laisse moins de place à l’initiative des individus.
Pour éviter de nouvelles frictions avec leurs « turbulents voisins », les Britanniques évitent de peupler les zones frontalières. C’est pourquoi l’occupation d4 certains territoires par des Loyalistes fut différée de quelques années. D’ailleurs, la frontière avec les États-Unis ne sera définitivement fixée qu’en 1842.
À cette époque, les exilés loyalistes avaient le droit de présenter une requête pour occuper un territoire appartenant à la Couronne. Il fallait démontrer avoir subi des pertes pour cause de sa loyauté à l’endroit de la Couronne. Il fallait également former un groupe de colons qui prêtaient serment d’allégeance et promettaient de développer le coin de terre qu’on allait leur confier. Le chef de groupe se voyait remettre certaines terres par le gouvernement et d’autres par ses associés. Cependant, il avait la responsabilité de faire ouvrir des chemins à ses frais, de bâtir moulin et surveiller le territoire. Bref, ce système respectait la forme traditionnelle des seigneuries sans pour autant en être.
Curieux retour des choses, c’est un événement européen qui ouvrira un lucratif marché aux colonies en Amérique du Nord. En 1806, Napoléon organise le blocus de l’Angleterre et les États-Unis y vont d’un embargo. Les Britanniques importent du Canada le bois et la potasse nécessaires au fonctionnement de leurs industries. Les prix augmentent tant et si bien qu’il n’est pas inutile de prendre deux semaines pour aller livrer sur le marché de Montréal la potasse qu’on peut produire en brûlant les arbres abattus pour le défrichement de la terre. Ainsi, Napoléon fera les beaux jours des résidents du Canada au début du XIXe siècle.
Grosso modo, l’intégration des Loyalistes au sein de la société anglophone canadienne a signifié un choc culturel. Les américains traînent avec eux une culture égalitaire et individualiste qui tranche avec le sens de la hiérarchie et la centralisation du pouvoir que pratiquent les Canadiens anglophones. Malgré le passage du temps, les déplacements de population, l’industrialisation, les changements démographiques, des traits culturels issus des premiers colons loyalistes persistent.