
La liberté de parole au parlement provincial
Selon une loi passée par la Législature québécoise, à sa dernière session, l’année fiscale se termine désormais, dans la province de Québec, le 31 mars, au lieu du 30 juin. Cette modification assure l’uniformité administrative avec Ottawa et les autres provinces. Cependant, les Chambres ne sont pas toujours prorogées au début d’avril ; il s’ensuit que le gouvernement doit se faire autoriser à continuer sa gestion, avant même que le budget ait été adopté. S’il n’en était pas ainsi, la province se verrait momentanément dans l’obligation de ne pas faire honneur à ses engagements. Pour parer à une telle éventualité, M. T. D. Bouchard a présenté à ses collègues une motion à l’effet de permettre au gouvernement de faire voter un ou quelques douzième du budget. Question de régie interne, sans plus.
Tout le monde l’a compris, sauf M. Duplessis, il craint que de cette façon les représentants du peuple perdent le contrôle des subsides. Il s’élève surtout contre cette sage mesure du gouvernement qui limite la discussion sur le vote des douzièmes à cinq heures dont trois pour l’opposition. Chacun admettra saint peine que c’est amplement suffisant. Les députés de l’opposition ont toujours le loisir d’étudier à leur gré la politique financière de l’administration lors de la présentation du budget. Mais M. Duplessis qui se révèle subitement très chatouilleux au sujet de la liberté de parole, croit découvrir un noir complot contre les principes fondamentaux du parlementarisme. Pour créer une forte impression sur les membres de son parti, il invoque à l’appui de sa thèse Laurier, il cite des précédents de l’histoire constitutionnelle britannique. Tout cela serait très convaincant, se cette argumentation n’était pas à côté de la question.
Nous estimons que le Parlement doit travailleur plutôt que pérorer. C’est là sa fonction essentielle et c’est pour l’avoir oubliée que tant de parlements, dans plusieurs pays, sont tombés dans un discrédit profond. Cette limitation raisonnable, proposée par le cabinet Godbout, s’inspire d’un désir légitime d’économiser le temps des députés et l’argent des contribuables. C’est pour la même raison que le Parlement d’Ottawa adoptait le discours de 40 minutes et que M. Duplessis lui-même, alors qu’il était de passage au pouvoir, décidait d’interdire aux députés de parler plus d’une heure. Aujourd’hui cependant, il ne reconnaît plus le bien-fondé de cette règle et blâme le gouvernement de vouloir interdire la prolongation indue des débats. Vérité d’hier, fausseté d’aujourd’hui, pouvons-nous répéter. Une fois de plus, M. Duplessis a démontré le sérieux de ses convictions politiques ; qui peut croire qu’il en ait jamais eues ?
Notons que l’entraînement militaire obligatoire de quatre mois commencera le 20 mars 1941. La révision du programme d’entraînement a retardé la première période qui devait commencer le 15 mars. C’est ce qu’annoncent les quartiers généraux de la défense nationale. Le recrutement sera effectué suivant la loi de mobilisation des ressources nationales. La prolongation de l’entraînement militaire obligatoire de trente jours à quatre mois avait été annoncée le 3 février 1941 par l’honorable Mackenzie King, premier ministre du Canada.
(Texte analytique paru dans le quotidien Le Canada, jeudi, le 13 février 1941).

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