Les Français au Niagara

M. de Joncaire et les soldats français au Niagara

On peut dire que les postes de traite qui surgissaient sur divers points des territoires des Grands Lacs et des plaines du centre étaient en fonction du progrès de la métropole du Canada. Aussi rien de ce qui s’y passe n’est indifférent à ses intérêts, à son propre développement. Les principaux centres, où s’alimente son commerce des fourrures, étaient Michillimakinac, Détroit et Niagara. De là, les trappeurs, traitants et coureurs de bois rayonnaient dans toutes les directions, allant au devant des sauvages au retour des grandes chasses. Aussi bien, les difficultés qui s’élevaient là-bas avaient-elles leurs répercussions sur le marché de Montréal et l’économie générale de la ville.

L’établissement permanent de Niagara, avec fort en pierre en 1725 et garnison fixe en 1726, avait provoqué une dispute entre Français et Anglais. Les deux cours avaient même échangé des notes diplomatiques, où chacune établissait ses prétentions sur le grand territoire.

Les Iroquois, de leur côté, s’objectaient à tout établissement sédentaire fortifié sur leur réserve de chasse. Ils notifièrent les Français d’avoir à déguerpir de leur poste de Niagara.

Un officier de Montréal commandait alors dans ce poste avancé. M. Thomas de Joncaire, devinant que derrière les demandes des Iroquois devait se cacher quelque intrigue d’Orange ou de Boston, résista énergiquement aux sommations des sauvages. De Joncaire entendait bien ne s’en laisser imposer ni par les uns ni par les autres. Pour découvrir la trame de cette affaire, il se rendit chez les Tsonnontouans, dont il parlait la langue parfaitement. Les sauvages le reçurent avec froideur.

Ils lui dirent que l’établissement de Niagara, avec son fort de pierre menaçant, ne leur plaisait pas. Ils ajoutèrent à leurs doléances des plaintes contre le gouverneur de Montréal, M. de Longueuil. Ce dernier leur avait promis de la poudre et des balles, mais ils n’avaient encore rien reçu.

Le capitaine français tenta d’apaiser leur mauvaise humeur et de les persuader que le fort de Niagara avait été construit pour leur propre protection, autant que pour la sécurité des Français. En tout cas, qu’il était résolu de le garder debout et de le défendre envers et contre tous. Après cette franche entrevue avec les sauvages, il écrivit au gouverneur de Québec qu’il allait « leur servir un plat de sa façon au printemps. — Les Anglais veulent me faire assassiner, dit-il, mais celui qui entreprendra cette besogne aura la moitié des risques. » (Archives de la Marine: «Collection Moreau St-Méry », Mémoires, folio 448).

Il écrivit au fils du gouverneur de Montréal que les Iroquois devaient descendre au printemps suivant pour demander que le fort de Niagara soit évacué. Mais il l’avertit que « s’ils le mettent dehors, ce ne sera que lorsque lui-même et sa garnison auront tous passé par la barque à Caron. » (Lettre de Joncaire à M. de Longueuil, fils, janvier 1727. — Archives de la Marine: « Collection Moreau St-Méry ». Mémoires, folio 4521/2.)

Pour en imposer aux sauvages, de Joncaire confia ses deux fils aux Tsonnontouans, qui l’avaient naguère adopté lui-même comme un des leurs. Ce caractère audacieux devait leur plaire. Les Anglais, ne réussissant pas à ameuter les sauvages contre lui, tentèrent de perdre cet homme énergique dans l’estime de ses supérieurs, en l’accusant de tous les crimes. Il est certain que de Joncaire n’était pas commode. Ils le craignaient beaucoup. Ils ne surent jamais en venir à bout. Quoi qu’il en soit de toute cette intrigante affaire, le poste de Niagara ne fut pas abandonné par les Français. Les Iroquois ne poussèrent pas plus loin leurs prétentions. De Joncaire, par son énergique résistance, avait assuré pour longtemps à sa ville le libre commerce des fourrures de l’Ouest canadien.

Voir aussi :

Niagara
Chutes du Niagara. Photographie de Granquebec.com.

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