Congédiement de Leduc : M. Leduc n’est plus ministre
Congédiement de Leduc. Québec – Les nuages qui roulaient visiblement depuis deux jours dans l’atmosphère parlementaire ont crevé hier après-midi (7 juillet 1938); le cabinet provincial a été dissous pour être ré-assermenté aussitôt après. Pourtant avec un de ses membres en moins. En effet, l’honorable François-Joseph Leduc était exclus du ministère et l’honorable Maurice Duplessis, premier ministre, procureur général et ministre des Terres et Forêts, était assermenté comme ministre de la Voirie. Il était 5 heures 45 lorsque la cérémonie d’assermentation se déroula.
Comme question de fait, le ministre de la Voirie n’a pas démissionné de plein gré. Il s’est trouvé sans portefeuille, du fait que le premier ministre lui-même démissionnait. La démission du chef du gouvernement entraîne automatiquement, on le sait, la fin du ministère.
Lorsque M. Patenaude lui demanda qui il recommandait pour la formation d’un nouveau ministère, M. Duplessis se désigna. Il ajoutait toutefois le titre de ministre de la Voirie à ceux qu’il possédait déjà.
La cérémonie de l’assermentation se déroula, on peut le dire, dans la plus stricte intimité. Elle fut même tenue dans le plus grand secret. Les journalistes apprirent tout à coup que les membres du cabinet étaient réunis chez M. Patenaude.
De là à conclure que M. Duplessis était le nouveau ministre de la Voirie, il n’y avait qu’un pas. Et c’est comme tel que les journalistes le saluèrent lorsqu’il sortit des appartements du lieutenant-gouverneur. Ils avaient prévu juste. Au journaliste qui demanda au chef du gouvernement ce que se passait, celui-ci répondit : « Nous sommes allés saluer le lieutenant-gouverneur et lui demander des nouvelles de sa santé ». Ensuite, le chef du gouvernement fit connaître ce qui n’était plus un secret pour personne.
Bien que les journalistes s’attendissent à quelque chose, ils ne maquèrent tout de même pas d’être un peu surpris. Il y a un mois exactement, au banquet Boiteau, le premier ministre parlait avec éloge de son ministre de la Voirie. Il faudra attendre d’autrec déclarations pour être mieux fixés sur la portée des événements d’hier.
(D’après les journaux du 7 juillet 1938)
Note de GrandQuebec.com :
En été 1938, un conflit se produit entre le premier ministre Maurice Duplessis et François-Joseph Leduc.
Dans une déclaration, M. Duplessis révèle qu’il veut congédier M. Leduc parce qu’il ne peut, conformément à ses engagements électoraux de 1936, tolérer les abus, d’où qu’ils viennent.
Le premier ministre exige alors que Leduc démissionne de son poste de ministre. Fait inusité, Leduc refuse de démissionner.
Or, il n’existe dans la constitution du Québec aucune modalité permettant de destituer individuellement un membre du Conseil des ministres.
Le 7 juillet 1838, Duplessis utilise alors la seule avenue constitutionnelle disponible pour forcer le départ de Leduc, consistant à remettre au lieutenant-gouverneur la démission de l’ensemble du gouvernement. Ensuite, il se fait désigner pour reformer un gouvernement et enfin à faire renommer et ré-assermenter tous les ministres, à l’exception de Leduc. C’est la première fois depuis la fondation du Canada en 1867 que cette méthode est utilisée pour exclure un ministre du cabinet.
Le premier ministre Maurice Duplessis prend lui-même le poste de ministre de la Voirie, en plus de ses autres fonctions ministérielles, mais le 30 novembre 1938, il se départira de ce poste et le confiera à Anatole Carignan.
Quant à Leduc, il quitte alors l’Union nationale et siège comme député indépendant à l’Assemblée législative. En 1939, il se joint au Parti libéral et il est réélu, en tant que député du Parti libéral, lors de l’élection générale de 1939.