Le prix du lait

Augmentation du prix du lait

Québec, 10 octobre 1918.

Aimable perspective ! On nous annonce une augmentation du prix du lait pour un avenir prochain.

C’est là une grave question puisqu’en définitive la question du lait intéresse au premier chef d’enfance dont elle constitue la base alimentaire ainsi que les vieillard, c’est-à-dire les deux catégories qui ont droit à toutes notre sollicitude.

Les adultes peuvent au besoin de priver se défendre ; il nous appartient de défendre nos marmots et nos vieillards.

À Montréal où la même question a été soulevée récemment la ville prenant autorité des droits qui lui ont été conférés par le contrôleur des Vivres a aussitôt procédé à une enquête sur la situation, préparé un rapport et a obtenu des pouvoirs une interdiction formelle de toute hausse sur le prix du lait.

L’exemple de Montréal trace le chemin à nos autorités municipales : qu’elles agissent sans tarder car c’est à elles qu’incombe la responsabilité de protéger les citoyens contre toute hausse indue des produits alimentaires.

Jusqu’ici nous n’avons pas eu nous prévaloir des armes que la loi nous mettait entre les mains ; le temps est arrivé de sortir de notre indifférence et de secouer notre inertie. Agissons !

La première chose à faire est de nommer un comité compétent pour étudier la situation. Personne ne demande aucune injustice envers les laitiers ; il s’agit au contraire d’établir si, oui ou non, leurs prétentions sont justifiées.

À première vue, nous avouons sincèrement douter de la justice de ces prétentions. Jamais le foin n’a été plus abondant que cette année et conséquemment il ne saurait exister de raison valable d’une hausse du prix du foin.

Avec la saison pluvieuse de cette automne jamais les pacages n’ont été meilleurs, et plus abondants.

Reste la question du prix de la moulée et du son qui constituent la base de la suralimentation des vaches laitières.

Or ces prix ont été fixes par le contrôleur des Vivres. Les marchands de gros n’ont pas le droit de les vendre au-dessus du prix réglementaire et les intermédiaires ont également leur profit fixé à 10 pour cent.

Si donc les laitiers se plaignent d’avoir à payer plus chers ces produits c’est que la loi est transgressé, c’est qu’il y a agiotage quelque part.

La chose devrait être facile à établir apparemment ; en réalité, il n’en est rien et cela en raison du déplorable esprit qui règne à Québec.

D’une rapide enquête faite déjà il ressort qu’il existe une sorte de complicité tacite pour cacher la vérité.

Les marchands détailleurs se refusent à révéler les prix que leur chargent les marchands de gros, leurs fournisseurs.

Il faut les obliger à présenter leurs factures ; devant un comité légalement organisé ils ne pourront pas s’y dérober et nous arriverons ainsi à découvrir la vérité.

Tout marchand en gros qui sera convaincu d’avoir illégalement haussé les prix de vente de ces articles sera immédiatement l’objet de la sanction légale prévue : son établissement sera fermé.

On se lament souvent, et avec raison, sur le manque d’esprit civique, sur la peu des responsabilités qui trop souvent empêchent les autorités de prendre les initiatives réclamées dans l’intérêt public.

Pour être juste, il faut aussi reconnaître que ces mêmes reproches doivent s’adresser à un bon nombre de citoyens eux-mêmes et que c’est cet état d’esprit général qui, en fait, paralyse l’action des pouvoirs, qui l’explique, s’il ne l’excuse pas.

Cette conspiration d’intérêts particuliers petits et grands, contre l’intérêt général doit cesser et nous estimons que jamais l’occasion n’a été plus favorable de faire un exemple si, après enquête, les faits viennent corroborer ces soupçons.

Les laitiers qui sont apparemment les premières victimes de cette conspiration devraient être les premiers à aider les pouvoirs dans leur recherche de la vérité.

Il s’agit de leur garantir la protection que leur constitue la fixation des prix de son et de la moulée.

S’ils se refusent à nous aider pour établir la lumière il en faudrait conclure qu’ils préfèrent, eux aussi, participer à cette conspiration d’intérêts contre le public pour exploiter l’augmentation indue qui leur est illégalement imposée afin d’essayer d’en tirer à leur tour des bénéfices personnels.

Nous demandons au public de nous aider en manifestant de façon énergique sa volonté d’être protégé contre une telle conspiration, et réclamer la lumière, toute la lumière.

À lire également :

Vous autres, vous êtes peu nombreux au profit, vous accourez quand on invoque votre aide. Photo de Megan Jorgensen.
Vous autres, vous êtes peu nombreux au profit, vous accourez quand on invoque votre aide. Photo de Megan Jorgensen.

Laisser un commentaire