Le Centre de psychologie et de pédagogie vendu

La vente du Centre de psychologie et de pédagogie aux Américains

Un peuple qui laisse aller le contrôle de ses manuels scolaires, de sa télévision, est voué à sa perte (René Lévesque)

Québec, 30 juillet 1968. « Un peuple qui sans résister laisse aller dans des mains étrangères le contrôle de ses manuels scolaires, de ses stations de télévision et de ses grands journaux est un peuple de couillons qui est voué à sombrer dans la niaiserie collective en continuant de se gargariser de discours sur la culture genre Saint-Jean-Baptiste ».

C’est en ces mots que le leader du Mouvement Souveraineté-Association, M René Lévesque, a condamné hier la vente à des intérêts américains du Centre de psychologie et de pédagogie de Montréal.

M. Lévesque s’adressait à une foule de 200 militants du comté de Limoilou. à Québec, dans les cadres d’une tournée qu’il effectue présentement dans la région de la vieille capitale. Pour appuyer ses affirmations relativement aux dangers du contrôle étranger au Québec, le député de Laurier a également cité le cas de grands journaux et de stations de télévision qui, selon lui, appartiennent maintenant à des intérêts américains.

Ainsi, selon M. Lévesque, non seulement les manuels scolaires, mais également journaux et stations de télévision passent en des mains étrangères.

Le groupe Desmarais qui possède nombre de journaux québécois, dont LA PRESSE, n’est plus, selon M. Lévesque, depuis son « mariage avec Power Corporation » qu’un « dummy » pour des intérêts d’outre-frontière.

Par ailleurs, Famous Players continue de s’assurer à Québec le contrôle du poste Télé-4 et d’autres système connexes de radio-télévision, a-t-il ajouté.

« Et c’est là, a dit M. Lévesque à son groupe de citoyens québécois (en faisant allusion à certaines émissions de Télé-4) que vous vous faites baver par des éditorieux anonymes ». Le député fut chaudement applaudi pour celte remarque.

Le député a déclaré que seul un peuple souverain, c’est-à-dire un peuple maître des moyens de contrôle voulus pourrait mettre un frein à l’émiettement de ses instruments de culture.

« La culture, elle fout le camp, Johnny », a lancé le député à son auditoire, composé en majorité de jeunes. « Et l’on peine conquérir le Gabon », a poursuivi M. Lévesque en critiquant l’attitude du gouvernement UN et surtout du ministre Jean-Guy Cardinal qui, selon lui, a préféré partir en vacances plutôt que de s’occuper immédiatement du cas du Centre de psychologie et de pédagogie.

Nous avons un gouvernement de guenille et des gens qui se vendent parce qu’ils ne sont pas soutenus, a-t-il dit. Pas un peuple digne de ce nom ne permettrait ainsi l’émiettement de ses moyens de culture. »

M Lévesque a fait l’historique de la création du CPP, de l’enquête de la commission Bouchard qui fut faite sur son compte et de sa transformation subséquente en entreprise privée.

« La vente du CPP à Encyclopedia Britannica, compagnie américaine a peine déguisée que les associations d’éditeurs canadiens ne veulent même pas admettre en leur sein tellement elle est « mange-canadien », a dit le député, constitue un scandale ».

M Lévesque a signalé que sur l’exécutif du CPP siégeait par ailleurs un indépendantiste notoire. Comme quoi, a-t-il ajouté, il y a certains patriotes dont il faut se méfier quand il est question de piastres.

L’une des raisons de la vente forcée, selon le député, pourrait être le fait que le CPP avait en stock un trop grand nombre de manuels scolaires désuets.

Mais M. Lévesque s’étonne que le CPP ait refusé de donner a certains groupes financiers québécois le temps d’étudier l’opportunité de se porter acquéreur du centre.

Le gouvernement a également agi de façon irresponsable a-t-il ajouté. La question du CPP en est une qui aurait pu se régler en cinq minutes: une entreprise qui tire 100 pour cent de ses revenus de la poche des contribuables et qui louche à une question aussi délicat que les manuels scolaires devrait être obligatoirement une filiale de la SGF.

Tous le organismes du genre du CPP devraient être ainsi reliés à la SGF. Celle-ci aurait alors le premier droit de regard sur vente possible à des intérêts étrangers.

« Mais c’est là une mesure qui exige qu’un gouvernement se tienne debout, a lancé le député, un gouvernement qui ne se vende pas comme une guenille, qui ne soit pas un gouvernement municipale de troisième rang. Ce genre de gouvernement, vous ne l’aurez jamais au Québec dans le système actuel! »

Selon M. Lévesque, le gouvernement québécois n’a présentement aucun système d’approbation des manuels scolaires. Il laisse se perpétuer des situations du genre CPP alors que le marché des manuels scolaires représente annuellement au Québec un chiffre d’affaire de $10 millions. . (dont 40 p, e. est contrôlé par le Centre de psychologie et de pédagogie).

« Les Américains ont acheté le centre pour $4 millions, a déclaré M. Lévesque… On dit que i’Encyclopedia Britannica paiera bien le manuel québécois… mais il faut être sot pour croire cela. D’ici quelques années, ce sont des manuels américains traduits que nous aurons au Québec, cependant que les mêmes caves continueront toujours de faire des discours sur la culture style Saint Jean-Baptiste ».

« Ça commence à bien aller, a dit le député. Il y a la vente des manuels scolaires il y Famous Players sur les postes de télévision privés québécois, il y a eu le mariage entre Power Corporation et le groupe Desmarais qui contrôle la grosse presse. et d’autres journaux, Desmarais qui représente qui ou quoi? Seule une enquête royale au cube pourrait le révéler.

Parlant ensuite de la situation de la langue française au Québec, M. Lévesque a rappelé les principales positions du MSA et l’urgence, d’ici quelques années, d’en venir à une politique globale bien définie. « La situation doit être complètement inversée d’ici dix ans, n-t-il dit, sinon ce sera notre perte. Mais cette situation, nous l’avons voulue eu élisant au Québec des gouvernements conservateurs avec des Dozois, des Bellemare et des Cardinal. Il fallait une pause-café, a-t-on dit en renversant 1e gouvernement libéral, mais nous assistons maintenant à la paralysie. »

Dans un Québec souverain, a dit enfin le député, le français sera la langue officielle, la langue de communication et de travail, après une certaine période de transition. Les immigrants qui voudront étudier dans des institutions anglaise ne seront pas subventionnées, non plus que les Canadiens français qui veulent agir ainsi. Les citoyens dont la langue maternelle est l’anglais auront des institutions anglaises qui seront subventionnées à condition qu’elles offrent un enseignement adéquat en français.

Actuellement, salon M. Lévesque, tout le système des subventions aux institutions d’enseignement est régenté par un gouvernement de « broche à foin » qui ne se soucie aucunement d’instaurer une politique de la langue.

Québec – Le ministère de l’Éducation n’a pas été informé de la vente du Centre de psychologie et de pédagogie à des intérêts américains. La nouvelle est parvenue aux autorités par la voie des journaux, soit immédiatement avant que ne soit annoncée la transaction. Il n’a pas non plus été mis au courant du « fond » du problème à propos du centre.

C’est ce qu’a affirmé hier à un journaliste Mlle Thérèse Baron, sous-ministre adjoint au ministère de l’Éducation. Par ailleurs, Mlle Baron a fait savoir que le ministère a décidé en avril dernier de procéder à une enquête sur tout le problème des manuels scolaires au Québec.

Le rapport serait attendu pour la fin du mois d’août ou le début de septembre. Mlle Baron a signalé que le ministère n’a pas été informé de la transaction du Centre de psychologie et de pédagogie au niveau des sous-ministres et encore moins au niveau ministériel parce que M. Jean-Guy Cardinal, ministre de l’Éducation, était en vacances à ce moment-là.

D’autre part, l’ancienne vice-présidente de la Corporation des instituteurs et institutrices catholiques du Québec « maintenant la Corporation des enseignants du Québec » a qualifié de « faux problèmes », l’une des prétendues causes des difficultés financières du Centre : le retard du ministère a distribuer les subventions aux commissions scolaires.

Elle a précisé que ce sont les commissions scolaires qui achètent les manuels scolaires, le ministère ne se bornant qu’à approuver les prévisions budgétaires nécessaires à cette fin.

« Ce n’est certainement pas le nombre de manuels scolaires qui nous ont été proposés par le Centre et qui sont restés en plan qui représentent toute la difficulté financière de cette maison d’édition, » d’ajouter le sous-ministre adjoint.

Selon Mlle Baron, le ministère n’étudie pas de façon particulière la vente ou « le problème » qui constitue la vente des actifs du Centre de psychologie et de pédagogie à des intérêts américains.

Elle a affirmé que le ministère fait enquête sur tout le problème des manuels scolaires au Québec : leur utilisation dans les écoles, les méthodes d’étude et d’approbation de ces programmes, la participation des enseignants dans le processus, etc.

(C’est arrivé le 30 juillet 1968).

Pardonnez aux erreurs des hommes généreux. Photo de Megan Jorgensen.
Pardonnez aux erreurs des hommes généreux. Photo de Megan Jorgensen.

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