Histoire du Québec

L’arrivée de Maisonneuve à Québec

L’arrivée de Maisonneuve à Québec

L’arrivée de Maisonneuve à Québec

Après avoir débarqué à Québec, bien entendu, la première visite de Maisonneuve fut pour Montmagny. Mais ce dernier ne voyait pas sans crainte s’éparpiller ainsi les forces encore précaires de la jeune colonie, et plutôt que de laisser se perdre à quarante lieues du poste de Trois-Rivières, lui-même lancé en flèche à trente-cinq lieues de Québec, ces nouveaux colons pleins d’entrain, il aurait préféré les garder près de lui. Peut-être était-il aussi influencé par ce qu’on peut déjà appeler l’opinion publique.

Il n’y avait encore sur les rives du Saint-Laurent que deux cents Européens, religieux et religieuse compris, mais c’était amplement suffisant pour provoquer des jalousies, des zizanies et des rancœurs, aliments de choix aux commérages et réflexions tendancieuses. Ainsi sont faites les sociétés humaines, en tout temps et sous toutes les latitudes. On taxait de folle entreprise le dessein des messieurs du Montréal, on trouvait excessifs les pouvoirs octroyés à M. de Maisonneuve, on estimait impertinent cette prétention d’arrivants inexpérimentés d’aller s’installer en plein pays infesté par les Iroquois.

N’était-ce pas vouloir donner des leçons de bravoure aux « anciens »? Ils n’avaient qu’à agir comme tout le monde : se fixer à Québec, où ils ne seraient pas de trop, sans faire tant parler d’eaux. Il faut reconnaître que le danger iroquois en cette année 1641, et particulièrement en amont des Trois-Rivières, n’était pas illusoire ! Quoiqu’il en soit, après les compléments d’usage, voici les paroles que M. de Montmagny adressa à M. de Maisonneuve en cette première entrevue, d’après François Dollier de Casson :

Vous savez que la guerre a recommencé avec les Iroquois, qu’ils nous l’ont déclarée au lac de Saint-Pierre le mois dernier, qu’ils y ont rompu la paix d’une façon qui les fait voir plus animés que jamais; il n’y a pas d’apparence que vous songiez à vous mettre dans un lieu si éloigné : il faut changer de délibération. Si vous voulez, on vous donnera l’île d’Orléans. Au reste, la saison serait trop avancée pour monter jusqu’à l’île de Montréal quand vous en airiez la pensée.

A quoi le gentilhomme champenois répondit :

Monsieur, ce que vous me dîtes serait bon si on m’avait envoyé pour délibérer et choisir un poste; mais ayant été déterminé par la Compagnie qui m’envoie que j’airais au Montréal, il est de bon honneur, et vous trouverez bon, que j’y monte pour y commencer une colonie, quand tous les arbres de cette île se devraient changer en autant d’Iroquois. Quant à la saison, puisqu’elle est trop tardive, vous agréez que je me contente avant l’hiver d’aller reconnaître le poste avec les plus lestes de mes gens, afin de voir le lieu où je me pourrai camper avec tout mon monde au printemps prochain.

Là-dessus, M. de Montmagny, regarda droit dans les yeux de M. de Maisonneuve, et toutes les préventions tombèrent. Il avait reconnu en lui un esprit aussi déterminé que le sien. Il lui tendit les deux mains et s’écria :

En ce cas, monsieur, vous pouvez compter sur mon appui. Moi-même, si vous le jugez à propos, vous conduirai au Montréal pour le mettre en possession et reconnaître le poste avec vous.

« En effet, ils partirent tous les deux au commencement d’octobre et arrivèrent au Montréal le 14e du même mois… Le lendemain, qui est le jour de Sainte-Thérèse’ ils firent les cérémonies et la prise de possession au nom de la Compagnie du Montréal.» On sait par ailleurs qu’étaient aussi du voyage Mlle Mance et le Père Vimont, nouveau Supérieur des Jésuites. Ce dernier précise dans sa Relation que « le 15 d’octobre M. de Maisonneuve fut déclaré gouverneur de l’île ».

Les Montréalistes hivernèrent donc à Québec et à Sainte-Foy, dans d’excellentes conditions grâce aux libéralités d’une « honnête homme » de soixante-quinze ans, M. de Puiseaux, qui se promettait de les suivre au Montréal, après avoir fait don de toutes ses propriétés, mobilier et cheptel à M. de Maisonneuve! Mme de Peltrie de son côté avait aussi décidé de se joindre aux pionniers. Quand vint le printemps de 1642, « M. de Maisonneuve partit de Puiseaux le 8 mai avec deux barques, une belle pinasse et une gabarre, partie desquels bâtiments avait été faite à Sainte-Foy (durant l’hiver). M. le chevalier de Montmagny, étant un véritable homme de cœurs, et qui n’avait d’autres intérêts que ceux de son roi et du pays où il avait l’honneur de commander, sachant que tout était disposé, voulut participer à ce dernier établissement en l’honorant de sa présence; c’est pourquoi il monta dans une barque et conduisit lui-même toute cette flotte au Montréal où il mouilla l’ancre le 18 mai de la présente année.

Ce même jour, comme on arriva du grand matin, on célébra la première messe qui ait jamais été dite en cette île (ce n’est pas tout à fait exact), mais enfin ce fut la première messe à l’emplacement de la ville.) ce qui se fit dans le lieu où depuis on a fait le château (à la Pointe-à-Callière). À Mme de La Peltrie et à Mme Mance revint l’honneur de préparer l’autel ! Mas « dès le lendemain on commença d’ordonner toutes choses à l’égard du poste où on était, chacun d’abord se campa sous des tentes ainsi que dans l’Europe lorsqu’on est à l’armée, ensuite on coupa des pieux avec diligence et on fit d’autres travaux de s’environner et de s’assurer contre les surprises et insultes qu’on avait à craindre de la part des Iroquois. Il est vrai que cette espèce de fortification précipitée étant d’autant plus facile que M. de Champlain, étant autrefois étant autrefois venu ici en traite, avait fait abattre beaucoup d’arbres pour se chauffer et se garantir des embuscades qu’on lui eût pu faire dans le peu de temps qu’il y demeurait. M. le chevalier de Montmagny ayant demeuré en ce lieu jusqu’à ce qu’il fut tout environné de pieux, il quitta par après M. de Maisonneuve et s’en retourna à Québec.

Les Français au Canada (du Golfe Saint-Laurent aux Montagnes-Rocheuses), par Cerbelaud Salagnac, Éditions France – Empire, 68, rue Jean-Jacques Rousseau – Paris (1er), 1963.

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Québec. Vue sur les remparts de la Basse-ville. Crédit photo : GrandQuebec.com.

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