Langue et culture au Québec dans les années 1960
Dès le début de la Révolution tranquille, la langue française et la culture constituent le fer de lance du nationalisme québécois. La création du ministère des Affaires culturelles et la création de l’Office de la langue française, en 1961, visent à établir une politique de protection et de promotion de la culture québécoise, ainsi que de la langue française, même si la validité d’une langue québécoise que certains associent au joual est largement discutée.
Cette question épineuse est particulièrement perceptible dans la littérature de cette époque. Plusieurs écrivains, par souci de réalisme, feront paraître des œuvres dans lesquelles le joual ne manquera pas de choquer, puis de raviver le débat. L’histoire de la pièce Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay est à cet égard fort révélatrice. Le développement culture du Québec passe par la mise en place d’infrastructures permettant un plus grand accès aux œuvres. La place des Arts est construite à Montréal en 1963. On aménage de nombreuses autres salles de plus petite envergure dans un grand nombre d’écoles et de collèges. Un régime de subventions destinées à soutenir la création et les artistes voit également le jour.
À l’occasion de l’Exposition universelle de 1967 (Expo-67), Montréal devient la plaque tournante des cultures du monde. Cet événement est d’autant plus marquant qu’il montre que le Québec a développé, en quelques années, une expertise de haut calibre pour les grands travaux d’ingénierie. En plein fleuve Saint-Laurent, on des îles artificielles afin d’accueillir les pavillons d’une centaine de pays, venu présenter les diverses facettes de leur culture. De nombreuses manifestations artistiques s’y tiennent, comme la Rencontre mondiale de la poésie ; elles permettent au public québécois de découvrir les richesses culturelles d’autres nations. L’Expo-67 connaît aussi un moment mémorable : la visite du général Charles de Gaulle, alors chef d’État français, qui proclamera « Vive le Québec libre », lors de son discours enflammé prononcé du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal, devant une foule en effervescence.
Une nouvelle élite culturelle, caractérisée par sa jeunesse et la qualité de sa formation scolaire, fait son apparition. Ay fait des courants théoriques qui circulent en Occident, ces jeunes artistes et écrivains n’hésitent pas à confronter théorie et pratique dans un même acte créateur.
Structuralisme, sémiologie, déconstruction, psychanalyse, marxisme sont à la source de plusieurs créations artistiques. Les mouvements avant-gardistes deviennent omniprésents ; l’heure est à l’expérimentation et à la recherche de nouvelles formes d’expression. On explore des techniques ; on décompose les langages, qu’ils soient verbaux ou picturaux ; on crée à partir des matériaux bruts et inédits; on joue avec les formes, les couleurs, les textures. Bref, on tente de déstabiliser les spectateurs ou le lecteur dans ses habitudes et ses critères d’appréciations d’une œuvre.
Parallèlement, une littérature de la décolonisation prend forme et force. La prise de conscience d’une certaine « québécitude » est indissociable de l’influence des poètes Aimé Césaire (né à la Martinique en 1913, il avait forgé le terme « négritude » dans le Cahier d’un retour au pays natal, publié en 1939) et Léopold Sédar Senghor, né au Sénégal en 1906, le porte-parole de cette identité noire dans des poèmes et des essais comme Liberté-1 – négritude et humanisme, recueil paru en 1964. De même l’expression d’un mal de vivre québécois engendré par le colonialisme et l’aliénation culturelle est inséparable d’une littérature de la décolonisation qui s’élabore en Afrique du Nord. Albert Memmi et son Portrait du colonisé, d’abord publié à Paris en 1956 et repris à Montréal en 1972, Franz Fanon et ses Damnés de la Terre (1961) et Jacques Berque et sa Dépossession du monde (1964) alimenteront les auteurs québécois rattachés à l’école de Parti pris.
Références aussi incontournables que celle de Jean-Paul Sartre pour qui veut comprendre les prises de position de Paul Chamberland, André Major ou Gaston Miron dans cette revue indépendantiste, socialiste et laïque qui publie son premier numéro à l’automne 1963. La peinture de mœurs et la condition québécoise deviennent des sujets de prédilection pour l’écrivain, qui se fait l’observateur critique des mutations idéologiques et sociales de la société canadienne.
Félix Leclerc, Michel Tremblay, Gilles Vigneault, Claude Gauthier, Claude Léveillée, Georges Dor, Robert Charlebois – pour ne citer que ceux-ci – deviennent de véritables porte-parole des aspirations du peuple québécois. Ils participent de ce même élan d’un art d’émancipation et d’affirmation nationale. La littérature, la langue, la chanson, étant au programme des établissements scolaires et bénéficiant d’une bonne critique dans les quotidiens, leur institutionnalisation est maintenant chose acquise.
Le syndrome de Stendhal
Le syndrome de Stendhal tire son nom d’un épisode de la vie de l’écrivain français (1783-1843), plus précisément d’un choc émotionnel qui l’envahit pendant son voyage en Italie en 1817.
Alors qu’il visitait l’église Santa Croce à Florence, la ville qui se trouve être le berceau de l’art de la Renaissance, il se fit ouvrir la chapelle Niccolini où il découvrit le tableau La descente du Christ aux limbes du peintre Bronzino.
Son cœur se mit à battre plus vite, des larmes lui montèrent aux yeux. La tête lui tourna et il perdit l’équilibre.
Titubant, il dut s’asseoir sur un banc et tenta de se rétablir en lisant un poème, mais cela ne fit qu’empirer le phénomène, car ce texte lui apporta, selon son propre témoignage, un surplus d’émotion artistique, qui ajoutait à la beauté picturale la beauté littéraire.
Il tomba malade et fut forcé de s’aliter.
Plus tard, il écrivit : « J’étais dans une sorte d’extase. »
L’écrivaine anglaise Vernon Lee donne quarante ans plus tard un témoignage similaire après avoir découvert le Printemps de Botticelli : « L’œuvre d’art s’est emparée de moi et j’ai ressenti une jouissance », note-t-elle.
En 1979, la psychiatre italienne Graziella Magherini signala qu’elle avait recensé deux cents cas similaires de touristes frappés du syndrome de Stendhal lors de leur visite à Florence.
Selon elle, les visiteurs sont assaillis tout à coup par la profondeur d’une œuvre et le génie de son créateur et sont alors saisis d’une transe qui peut aller du simple vertige à une vraie crise d’hystérie.
Le plus souvent, les symptômes d’une telle expérience sont les mains moites, la respiration qui s’accélère, des troubles de la vision, des vomissements, des tremblements, des accès délirants suivis le plus souvent de nombreuses nuits d’insomnie.
Par Bernard Werber).

Voir aussi :
- Biographie de Félix Leclerc
- Biographie de Gilles Vigneault
- Le Bill 22
- Charte des droits
- Abolition de la peine de mort
- 1976 : PQ accède au pouvoir
- Réformes du PQ
- Bouillon de culture
- Constitution de 1981
- Date clé
- Question référendaire
- Référendum de 1980