Le laïcisme canadien-français : Un glissement vers la négation de l’influence ecclésiastique – Le cardinal Léger
Le cardinal Léger a dit hier midi que le laïcisme canadien, français est un anticléricalisme qui glisse dangereusement vers la négation de toute influence de l’Eglise dans la société.
S’adressant aux membres du club du Premier Vendredi du Mois, réunis a l’Oratoire Saint- Joseph, te cardinal-archevêque a prononcé durant 40 minutes une vigoureuse conférence de plus de 3,000 mots sur les dangers du laïcisme au Canada français.
Se défendant bien de « jeter un cri d’alarme comme si toute la province de Québec était sut le point de sombrer dans le laïcisme », le prélat a dit cependant vouloir brosser « un tableau de ce qui se passe un peu chez nous, pour inviter tout le monde à la réflexion. »
Au début de son allocution, qui a paru impressionner fort son auditoire, le cardinal Léger a dit que le laïcisme lot qu’il existe chez-nous se différencie de celui que l’on rencontre en France, ou l’athéisme militant s’est camouflé derrière cette étiquette pour pénétrer certains milieux qui auraient résisté énergiquement a l’infiltration de la doctrine matérialiste du marxisme.
Aux États-Unis
« En d’autres pays, dit-il, nous discernons parfois des vagues de fond soulevées par la haine ou les préjugés qu’une majorité entretien! contre l’Église.
C’est ainsi, par exemple, que nous voyons en ce moment l’Église catholique des États-Unis attaquée de toutes parts a l’occasion de la candidature d’un catholique au poste de président ; Il ne s’agit pas là du laïcisme mais bien de cet antipapisme qui sommeille dans l’inconscient de ceux qui protestent contre Rome depuis quatre cents ans cl qui ont toujours identifié l’influence de l’Église avec ce qu’ils appellent, a tort, la politique du Vatican. »
Les peuples latins, à cause de leur tempérament, de leurs tendances, de leur formation, de leur histoire, semblent présenter des caractéristiques qui favorisent l’éclosion du laïcisme que les évêques d’Italie ont condamné encore récemment, a ajouté le prélat.
Depuis les débuts de notre histoire, dit-il, nous savons que les défauts de notre race ont provoqué de multiples conflits entre les fidèles et leurs chefs spirituels — « à commencer par le prie-Dieu de Frontenac », (les divergences de vue prenaient parfois des tournures tragiques, et dans toutes nos régions nous découvrons les traces de petits schismes qui furent provoqués beaucoup plus par l’entêtement, l’orgueil et l’incomprehension, que par le souci de faire triompher une cause juste.
Aujourd’hui, a dit plus loin le cardinal, le rôle des laïques dans notre société est devenu nécessaire. L’Église ne s’oppose pas à ce fait, elle ne le critique pas, elle le considéré au contraire comme une bénédiction.
Cependant, encore là certains esprits mai avisés profitent de cette conjoncture de l’histoire pour introduire chez nous une tendance à un anticléricalisme, qui est la forme négative et populaire du laïcisme qui veut s’affirmer en niant à l’Église le droit d’intervenir dans la vie sociale.
En effet, à l’observation, on reconnaît chez nous une tendance à évincer l’Église des domaines dans lesquels les clercs ont exercé pendant longtemps une mission de suppléance. Ce n’est pas qu’on veuille simplement confier aux laïcs les tâches profanes qui leur reviennent normalement et comme de droit – c’est la une excellente chose ! Mais on veut profiter du transfert des pouvoirs pour faire cesser toute influence chrétienne dans certains milieux.
En somme, continue-t-il, en ouvrant la porte aux laïques, on voudrait bien en profiter pour faire sortir non seulement le clergé, mais l’Eglise aussi. On voudrait travailler seul et indépendamment de toute influence de la religion ».
Plus loin le prélat a fait remarquer que pour quelques esprits, peu nombreux heureusement, on a l’impression que la présence de l’Eglise dans noire milieu social doit être comparée au colonialisme, accompli par des puissances européennes en certains pays d’Afrique.
Pour eux, l’indépendance dans le chaos, l’anarchie et la banqueroute est un bien supérieur a une évolution accomplie dans la paix, dit-il.
Suspicion envers l’Église
La présence de l’Eglise semble gêner certaines personnes, qui regardent avec suspicion toute intervention de l’Église dans la vie publique.
« Pour bien se donner raison dans cette entreprise, on se plaît à souligner toutes les faiblesses de la hiérarchie, du clergé et des laïques engagés dans l’action apostolique. Les critiques et les reproches n’étant pas toujours sans fondement, ou attire la sympathie et, de là, on passe insensiblement à une critique de révision de ses principes les plus fondamentaux.
Dans la vie de tous les jours, continue le prélat avec vigueur, pesant bien chaque mot, certains se désintéressent des grands problèmes de l’Eglise, comme s’ils étaient ceux d’une société étrangère dont le siège est à Rome !
Les persécutions religieuses sont une nécessité historique, la carence des vocations n’est pas un mal aussi grave qu’on le dit, L,immoralité publique est une situation de fait à laquelle ne pourra jamais rien changer. etc. etc.
Et le cardinal de s’écrier : « Vous connaissez ces réflexions, elles sont faites dans les salons, dans les salles de rédaction, on les répète sur la place publique !
Le laïcisme canadien français
“On pourrait définir comme suit un certain cléricalisme canadien français: une tendance anticléricale, le plus souvent irraisonnée, qui glisse dangereusement vers la négation de toute influence de L’Église dans la via sociale, adit le prélat.
Dire ces choses peut sembler dur et peut-être même exagéré. Nous ne voulons pas être sévère envers qui que ce soit. Nous ne voulons pan non plus paraître exagérer la situation ; c’est pourquoi nous n’avons pas la naïveté ne jeter un cri d alarme comme par toute la province de Québec était sur le point de sombrer dans le laïcisme. Nous voulons tout simplement brosser un tableau de ce qui se passe un peu chez nous, pou inviter tout le monde à la réflexion.
Le mystère de l’Église
La meilleure façon de combattre l’anticléricalisme et le laïcisme n’est pas de jeter une pierre à tus ceux qu’on soupçonne d’erreur, a dit plus loin le cardinal, mais de voir avec eux s’il n’y pas dans l’Évangile une solution à leur recherche, le plus souvent sincère, de la vérité.
“Si on rencontre un Canadien français a tendance anticléricale, la première chose à faire, c’est de méditer avec lui sur le mystère de l’Église, avant d’essayer de réfuter ses objections.
Parce que l’Eglise est et doit être incarnée, dit-il, il n’y a pas une parcelle de ce monde créée qui ne doive être reprise par clic pour être redonnée chrétiennement à Dieu. Donc, pas un homme, pas une chose, pas un rire ne peut échapper a l’action de l’Église, il n’y a donc pas un secteur de notre vie personnelle, et pas un coin de notre univers créé qui échappe a la mission divine de l’Église. Tout doit être sanctifié par l’Église.