Des mesures énergiques sont prises pour enrayer l’épidémie
Théâtres, écoles, cinémas, salles de danse et autres lieux publics doivent être fermés dès aujourd’hui jusqu’à nouvel ordre.
Le fléau à travers le continent
Plus de 4,000 cas dans la capitale – À Québec, de sérieuses précautions sont prises – Le mal fait d’effrayants ravages aux États-Unis, notamment dans l’Ohio.
Malgré le bel optimisme du directeur municipal de la Santé Publique, la grippe espagnole a envahi la ville de Montréal qui, emboîtant le pas aux grandes cités américaines où sévit également le fléau, a décidé de fermer, jusqu’à nouvel ordre, tous les lieux de réunion publique, à l’exception des églises. Cette décision a été prise, hier après-midi (7 octobre 1918), après une longue conférence entre les administrateurs de la ville, les autorités sanitaires, plusieurs médecins et nombre de citoyens éminents. On a finalement été d’opinion qu’une mesure radicale s’imposait pour combattre la maladie. En conséquence, le docteur Séraphin Boucher, chef du service d’hygiène, édictait, hier soir, l’ordre que voici :
L’avis officiel
Avis public est par les présentes donné que, jusqu’à nouvel ordre, tous les endroits du réunion publique, tels que les écoles, les théâtres, les salles de danse, les cinémas, les salles publiques, aussi bien que les endroits où le public peut se réunir, pour des fins sociales ou autres, devront être fermés, sous les peines prévues par la loi.
Assemblée d’urgence
Une assemblée du bureau de la Santé publique a eu lieu, hier soir, chez le docteur Boucher, rue Saint-Denis. Étaient présents : le maire et le président de la commission administrative ainsi que les échevins Dubeau et Creelman, M. J.-A. Richard, l’abbé Henri Gauthier, et le docteur Fred Pelletier agissant comme secrétaire.
M.Décary, président du bureau des commissaires, annonça d’abord que la commission, par une résolution adoptée dans l’après-midi, demandait la fermeture des théâtres, des salles de vues animées, des écoles, salles de danse et autres salles de réunion. Il fut donc proposé par l’échevin Dubeau, appuyé par l’échevin Creelman, que le bureau de Santé, réuni en assemblée, concoure dans cette résolution adoptée par la commission administrative.
Chez les commissaires
Il y a eu aussi une réunion chez les commissaires municipaux pour discuter les mesures à prendre pour combattre l’épidémie. Des médecins de cette ville ainsi qu’un groupe de citoyens assistaient à l’assemblée. Après des explications du docteur Boucher, sur le but de la réunion, le docteur H.S. Birkett. Doyen de la faculté de médecine à l’université McGill, déclare que la situation était suffisamment sérieuse, et annonça que dans les hôpitaux Royal Victoria et Général, on avait décidé de former l’entrée des dortoirs aux étudiants en médecine. Il ajouta que la faculté de médecine du McGill avait passé une résolution décidant la cessation des cours d’études et la fermeture des laboratoires et des cliniques jusqu’à nouvel ordre. La faculté recommandait, de plus aux autorités municipales, la fermeture des théâtre et autres endroits publics. Le docteur J.-A.Beaudry, inspecteur en chef du bureau provincial d’hygiène, émit l’opinion qu’il ne serait pas opportun de fermer les écoles, donnant pour raison que les enfants n’en continueraient pas moins à jouer ensemble.
Mgr Lepaileur déclara, pour sa part, qu’il fallait prendre toutes les précautions nécessaires.
Dans les écoles
L’abbé McShane, curé de la paroisse Saint-Patrice, dit que, dans sa paroisse, 20 pour cent des enfants étaient absents de l’école. Sir Vincent Meredith croit que les médecins devraient se faire un devoir d’indiquer au public les moyens à prendre pour se protéger contre l’épidémie.
Dans les hôpitaux
M.H.-E. Webster, surintendant de l’hôpital Royal Victoria, a donné des chiffres, et dit, que depuis l’épidémie, on a traité 54 cas de pneumonie à cet hôpital. Il y a eu 19 mors. La pneumonie est une des complications de la grippe. Actuellement, 25 gardes-malades, 6 assistants, 4 médecins et 2 étudiants souffrent de la maladie, au Royal Victoria.
Le docteur Haywood, de l’hôpital Général, ajoute que les statistiques à ce dernier endroit sont à peu près les mêmes. Une assistante garde-malade est morte et une autre ainsi que deux gardes-malades sont mourantes. Le docteur Lessard, de l’hôpital Notre-Dame, déclare qu’on a dut refuser là une centaine de malades atteinte de la grippe. Le docteur J.-J. Guerin, de l’Hôtel-Dieu, ne doute pas qu’il y ait une épidémie, mais qu’il ne faut pas s’alarmer outre mesure. Il dit qu’il serait de bonne politique d’établir un endroit central où les cas seraient traités.
