Jean de Kolno

Biographie de Jean de Kolno

Polonais, découvreur précolombien de l’Amérique du Nord

Par Dr. Ludwik Rabcewicz-Zubkowsici, professeur aux Universités de Montréal et d’Ottawa (texte publié en 1951)

Dans plusieurs ouvrages portant sur les découvertes précolombiennes de l’Amérique ainsi que dans certaines encyclopédies se trouvent les mentions de la découverte de l’Amérique, et notamment du Labrador, par un marin polonais Jan z Kolna (Jean de Kolno), appelé aussi Jan Szkolny, Jan Scolnus, etc.

Ainsi dans « An Encyclopedia of World History », sous la direction de William L. Langer, professeur d’histoire à Harvard, ouvrage publié par The Riverside Press à Cambridge, Mass., on trouve à la page 365 le passage suivant :

« 1470-1474. Between thèse years two Germans in the Danish service, Didrick Pining and Hans Pothorst, undertook a voyage to Iceland and the west, supposedly at the request of the King of Portugal. Pining was a great seaman and the terror of the English ; from 1478 to 1490 he was governor of Iceland. There is no reason why he should not hâve been able to reach America, but the evidence does show that he and Pothorst went beyond Greenland. On a map of 1537 it is stated that a famous pilot, Johannes Scolvus (claimed by some to hâve been a Pôle – Jan Szkolny), reached Labrador at this time. It bas been held by some scholars that he must bave accompanied Pining and Pothorst, but, since Labrador at this time was a name generally used for Greenland, it seems unlikely that Scolvus went beyond the old Norse settlements.»

Il semble que c’est surtout le célèbre historien polonais, Joachim Lelewel (1786-1861) qui a attiré l’attention sur Jan de Kolno. Lelewel publia dans le périodique polonais de Poznan, « Oredownick Naukowy » (Défenseur de Science), en 1842, tome II, No 41, son article intitulé « O odkryciu Ameryki prezez Jana z Kolna » (De la découverte de l’Amérique par Jan de Kolno). Il cite dans le dit article, dont la copie photostatique de l’original de la Bibliothèque des Jagellons à Cracovie se trouve à la « Public Library » de New-York, le passage suivant de l’« Histoire universelle du monde » de François de Belleforest (1570) :

« Et à la fin que je ne semble pas trop flater les nostres, ny tordre le nez à l’histoire qui veut estre traitée véritablement, il faut voir briefuement à qui la gloire de la descouverte de ce pa’is boréal (Labrador) est deuë, qui ne doit estre rapportée ny à l’Espagnol, Portuguais ou Françoys veu que Jan Scoluue, Polonois y passa dez l’an de nostre salut 1476 longtemps au parauent que iamais les Roys Catholiques, ny Poraugais eussent envoyé Colomb ou Vespucce à visiter les terres estranges : lequel, seigneur polonais, traversant la mer de Noruege t Is isls d’Engronland, Thilé et autres incogneuës, vint au destroit qu’on dit Artique et opposé droittement à celuy qui es parties australes de Magellan ».

Lelewel cite aussi Wytfliet C. Descriptionis Ptolomaic augmentum, Lovanii 1597 : « Secundum (après les frères Zeni) detectx huius regionis decus tulit Johannes Scolnus Polonus, qui anno reparata : salutis 1476, … navigansultra Norvegiam, Groenlandiam, Frislandiamque, Boréale hoc fretum ingressus sub ipso Arctico circulo ad Laboratoris banc terram Estotilandiamque delatus est ».

De plus Corneille Wytfliet, « Histoire des Indes », 1605, liv. 1, p. 125 : « La terre de Labeur et d’Estotilandia. Cette dernière partie de la terre indienne fut la première descouverte 1390 et secondement à Jean Scolue Polonois, qui navigueant entre la Norvegue, Groelande et Islande l’an 1477 quatre vingt six ans après ceste première navigation entre ceste mer Septentrionale qui est mise directement sous le cercle arctique, et vient abordes a ces terres d’Estotilande. Après luy l’on n’y a guerres navigué durant le cours de quelques années, à cause de l’apre froidure, et les continuelles tempestes que en détournent les mariniers ».

Lelewel cite aussi G. Horn, « Ulyssea…», Lugduni Batavorum 1671 : « Johannes Scolus Polonus auspiciis Christian! I, Régis Daniae fretum Aiyan et Terram Laboratoris detexit A. 1476 ». Puis on trouve dans l’article de Lelewel la citation de Gomara, Historia de las Indias, en Saragoça, 1553, p. 20 :

« Tierra de Labrador. En esta tierra pues dislas andan, y viuen Bretones, que conforman mucho con su tierra, y estan en una mesura altura, y temple. Tambien an ido alla ombres de Norvaga con el piloto Joan Scolno, Eingleses con Sébastian Gaboto ».

La théorie de Joachim Lelewel fut généralement reconnue comme la plus probable. Cependant plusieurs auteurs, surtout Scandinaves, prirent une position différente. G. Storm écrit que Jon Skolv (Scolvus), Norvégien, aurait accompagné vers 1494 Pining et Pothorst lors de leur expédition à la côte est de Groenland.

A.A. Bjômbo et F. Nansen soutiennent que Jon Skolv ou Skolvssen ou Skolvsson, Danois ou Norvégien, aurait atteint vers 1476 la côte ouest de Groenland.

S. Larsen défend la théorie que Jon Skolp (Scolvus), Norvégien, aurait accompagné Pining, Pothorst et le Portugais Joao Vaz Corte Real lors de leur découverte du Labrador en 1472, quand ils étaient en route vers la Chine.

L’auteur péruvien, L. UUoa, écrit que Juan Baptista Colon (Scolvus ou Scoluus), Catalonien, aurait été le pilote de l’expédition de Pining et Pothorst de 1477, la dite expédition se dirigeant vers le Groenland et les Antilles.

La diversité des théories sur le nom même, la nationalité et les découvertes de Scolvus a incité l’auteur polonais, Boleslaw Olszewicz, d’entreprendre une étude approfondie visant l’éclaircissement de la question.

Nous trouvons les fruits de son travail dans le périodique « Przeglad Geograficzny » (Revue de Géographie), tome XIII, cahier (zeszyt) 2-4, publié en Pologne. De plus, un texte français abrégé se trouve imprimé sous le titre « La prétendue découverte de l’Amérique en 1476 »en « La Pologne au VII Congrès International des Sciences historiques », Varsovie 1933, tome III.

M. Olszewicz a fait une analyse des sources écrites qui pouvaient servir de base à Lelewel et aux autres auteurs, il établit un tableau de l’ancienneté des dites sources pour arriver à la conclusion qu’il lui est impossible d’élucider exactement le problème de Scolvus et cela, vu le manque des sources. (Przeglad Geograficzny, tome XII, cahier 24, p. 58). Cependant, tout en prenant le risque que les anciens auteurs auraient pu consulter des sources qui ne sont plus connues aujourd’hui il semble appliquer la méthode d’élimination afin de prouver que les thèses de Lelewel et certains auteurs antérieurs concernant la découverte de Labrador par Scolvus, Polonais, ne sont pas appuyées sur des textes accessibles à la recherche actuellement.

D’abord Olszewicz soutient qu’une expédition par ordre du roi de Danemark et de Norvège a eu lieu en 1476. Il est probable que cette expédition a eu comme but le rétablissement de contact avec les colonies normandes du Groenland qui existèrent encore au XVe siècle. D’après lui, cette expédition n’a atteint que le Groenland, peut-être les côtes de l’est et de l’ouest. Olszewicz prétend que les mentions concernant la découverte du Labrador sont une conséquence de la confusion des termes de géographie au XVIe siècle.

Il précise que l’expédition en question fut dirigée par les Allemands Dietrich Pining et Hans Pothorst, mais que ni Corte Real ni Christophe Colomb n’y ont pris part.

Cette dernière précision vient à l’encontre de la thèse de l’Ulloa (op. cit.) qui dit que Scolvus et Christophe Colomb sont une même personne et que Scolvus-Colomb a accompagné les deux Allemands lors de l’expédition de 1476.

Olszewicz s’occupe enfin de la nationalité de Scolvus ou Scolnus. Il est obligé d’avouer qu’il lui est impossible de déterminer la nationalité de Scolnus. il croit que ce pilote pouvait être Danois, Norvégien ou Polonais sans exclure une autre possibilité. Cependant Olszewicz ne trouve aucune justification à la polonisation de nom de Scolvus en Jan z Kolna (Jan de Kolno) ou Jan Szkoly.

Le problème du mystérieux Scolnus-Scolvus et de sa découverte de l’Amérique a provoqué l’intérêt de Avrahm Yarmolinsky dont le fruit fut son « Appendix » à « Early Polish Americana » intitulé « A Legendary Predecessor of Columbus », (New York, The New York Public Library, 1937, pp. 71-78).

Yarmolinsky fait un résumé et examine plusieurs ouvrages portant sur Scolnus et surtout les ouvrages de Lelewel et de Olszewicz. L’auteur ne présente pas de preuves à l’appui de ses conclusions mais réfère à l’ouvrage de Giuseppe Caraci, intitulé  « Une pretesa scoperta dell’America vent’anni innanzi Colombo », (Bolletino délia Società geografica italiana, Rome, Oct. 1930, pp. 771-812).

Yarmolinsky semble accepter la théorie de Olszewicz et termine son article avec les mots: « The laurels of Colombus are safe ». Ce bref aperçu des théories sur Scolnus-Scolvus n’aspire pas à résoudre la question ; il vise à montrer au lecteur canadien les principales hypothèses concernant la découverte éventuelle de l’Amérique avant Christophe Colomb, la découverte du Labrador, partie du Canada, par un marin-pilote polonais.

Ce problème mériterait des recherches additionnelles vu l’insuffisance des sources connues actuellement. Il paraît trop risqué de contredire les sources du XVP siècle qui parlent de cette découverte de Scolnus, Polonais, sans pouvoir déterminer d’une façon indubitable quelle est la vérité. Aujourd’hui il n’y a que des hypothèses qui contredisent François de Belleforest, Corneille Wyfliet, etc. Il nous faut cependant des preuves.

yan kolno
Jean de Kolno, peinture de l’époque. Image libre de droits.

Voir aussi :

Laisser un commentaire