Institutions commerciales au Bas-Canada au XIXe siècle
Les Douanes et Postes
Jusqu’en 1831 armateurs de navires, expéditeurs et consignataires d’importations européennes étaient obligés de faire leurs déclarations douanières à Québec et il en résultait de graves inconvénients. Il arrivait qu’un vaisseau, dont la cargaison était consignée à diverses maisons de Montréal, devait attendre dans le port de Québec que tous les intéressés eussent obtenu main levée des droits d’entrée sur leurs marchandises avant de monter à Montréal. Souvent les importateurs s’entendaient pour verser d’avance la somme estimative des droits taxés, mais dans ce cas le rajustement des fonds perçus ne pouvait se faire qu’après réception à Québec des rapports trimestriels des fonctionnaires du port de Montréal. On devine les retards dans la livraison des marchandises et les frais additionnels que cela occasionnait dans presque tous les cas.
Le système répréhensible de payer au moyen d’honoraires les officiers supérieurs des divers service de l’État était seul responsable de cet état de choses. L’on conçoit que les hauts fonctionnaires, dont plusieurs résidaient en Angleterre et se faisaient remplacer par des suppléants en office, se soient opposés longtemps à la décentralisation des services publics, dont ils retiraient de gros revenus.
Quand le système fut aboli pour les douanes en 1826, les officiers reçurent en salaire la somme de £7,348,10s.
Là-dessus le douanier de Montréal touchait £300 par année plus cinq chelins par jour qu’il était employé, l’expert évaluateur £400 et le visiteur du port £200. Le reste allait aux fonctionnaires de Québec.
Une pétition des marchands de Montréal obligea le gouvernement à établir ici un bureau des douanes et Montréal devint port de mer (1832).
Quant au service des postes entre Montréal et Québec, il se faisait d’abord une ou deux fois par semaine, mais le développement rapide de notre ville rendit bientôt nécessaire un service plus fréquent. Avec la navigation à vapeur et l’arrivée des vaisseaux d’Europe de plus en plus nombreux, on peut dire que le courrier Montréal – Québec vers 1830 était devenu quotidien au moins sept ou huit mois par année. Le service des malles avec les États de l’Est américain se faisait chaque semaine. Avec les pays d’en Haut, les communications étaient moins fréquentes, surtout après l’absorption de la Compagnie du Nord-Ouest par sa rivale de la Baie d’Hudson.
Chemins de fer
Aux moyens de transport connus: poste royale, canaux et navigation fluviale, devait bientôt s’ajouter la voie rapide du chemin de fer. En 1832, un marchand de Montréal, Peter McGill et quelques autres trafiquants organisèrent une compagnie ferroviaire et obtinrent de la Législature une charte pour construire et exploiter un chemin de fer entre Laprairie et St-Jean d’Iberville. À cette époque, on ne pouvait encore songer à jeter un pont sur le fleuve St-Laurent, pour réunir l’Ile de Montréal à la terre ferme, et l’on dut se contenter de construire la nouvelle voie sur la rive continentale, en face de la ville.
Ce n’est cependant qu’au mois de juillet 1836 que le premier train canadien fut mis en circulation.
Ce premier tronçon de chemin de fer fut dans la suite relié à Intercolonial, que des capitalistes anglais, aidés par le gouvernement de la métropole, construisirent dans les provinces maritimes.
On célébra l’inauguration de ce mode rapide de transport à l’égal d’un grand événement. C’en était un en effet, car le chemin de fer devint bientôt le principal moyen de communication par tout le Canada. Il est conditionnel à l’immense étendue de notre territoire et non pas au chiffre de la population, pour lequel il est exagéré. Mais il reste vrai quand même que le chemin de fer a été pour la ville le plus important facteur de développement et de prospérité.
Les Banques
Tous ces rouages nouveaux ou perfectionnés, ajoutés à la vie économique de la métropole, étaient autant de facteurs essentiels de renouvellement et de progrès. D’autre part l’expansion du commerce montréalais dans les pays d’en Haut, plus encore que le commerce sur place, avait créé le besoin d’une institution financière pour faciliter le mouvement des échanges, les transactions d’affaires au dehors. La fondation d’une banque canadienne était devenue depuis longtemps nécessaire. Les principaux hommes d’affaires de Montréal, aidés de leurs bailleurs de fonds de Londres, élaborèrent un projet de banque, que la Législature de Québec approuva en 1817. La loi ne fut cependant sanctionnée qu’en 1822.
Les débuts de la Banque de Montréal furent difficiles à cause de ce retard de la sanction royale et de l’état d’incertitude qui en résultait. Le public mit quelque temps à faire confiance à l’institution qui ne comptait d’ailleurs aucun Canadien français dans sa fondation.( Vers 1840, l’hon. Joseph Masson, l’un des plus riches marchands de Montréal, était vice-président de la banque. Quand la position de la Banque se fut affermie par la sanction de l’État et la confiance du public, à partir de 1822, la ville de Montréal retira d’importants avantages de cette organisation financière, qui se fit le bailleur de fonds des grandes entreprises canadiennes. La Métropole lui doit une large part de sa prospérité et de son prodigieux développement.
Il faut dire que la Banque de Montréal a compté dans sa direction des hommes de haute valeur, tels les Peter McGill, les Montagu Allan, les Strathcona, les Angus, les Meredith, les Taylor. Son capital est passé de £250,000. à 36 millions, en 1939. Avec ses succursales dans tous les grands pays, elle est devenue une institution financière mondiale.
La Banque du Canada, établie peu après, avec un capital quatre fois plus élevé, dut pourtant se fusionner avec son aînée, dont le lancement avait été mieux calculé.
La Banque de la Cité, qui entra en concurrence avec elle en 1821, ne dura pas et ferma bientôt ses portes. La Banque de Montréal resta donc, pour plusieurs années à venir, la seule institution financière de la ville, pour alimenter de fonds et de crédits une population de 50,000 âmes en 1840, dont l’élite commerçante et industrielle anglaise tenait en mains tous les leviers de commande du pays entier.
La Banque du Peuple, fondée en 1835 par des Canadiens, eut comme président L.-M. Viger. L’institution dura une soixantaine d’années et la population française en retira de précieux avantages. De caractère purement local, ses opérations ne lui permirent pas de se développer à l’instar de la Banque de Montréal, et elle dut finalement liquider à la fin du siècle dernier.
Chambres de Commerce
Il manquait cependant encore un organisme utile, sinon essentiel dans l’économie générale du commerce et de l’industrie. Les entreprises individuelles n’avaient aucune sorte d’organisation centrale pour la défense et la coordination de leurs intérêts communs. Les chambres de commerce, si nombreuses de nos jours, sont devenues des agents de liaison très puissants entre les différentes branches du commerce. Du manufacturier au détaillant elles établissent des liaisons d’affaires coordonnées et empêchent la confusion des intérêts de chacun. Dans la première moitié du siècle précédent, ce genre d’institution naquit de la multiplicité des entreprises commerciales et de leur diversité croissante. Le fondateur des chemins de fer, Peter McGill (Ce Peter McGill, que l’on retrouve dans toutes les initiatives nouvelles, était un Ecossais, venu au Canada en 1809. Son vrai nom était Peter McCutcheon. Il avait pris celui de McGill à cause d’un riche héritage que lui avait laissé son oncle John McGill, haut fonctionnaire de la province anglaise. Il fut président de la Banque de Montréal de 1834 jusqu’à sa mort en 1860) prit cette fois encore l’initiative de cette fondation nouvelle. Le 6 avril 1841, il présidait une assemblée des hommes d’affaires de « la Cité », comme on disait déjà, en vue de former une chambre de commerce anglaise; et le Montreal Board of Trade fut alors établi.
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