Histoire du Québec

L’histoire doit être pour les « deux solitudes »

L’histoire doit être pour les « deux solitudes »

Ministre Victor Goldbloom : L’histoire doit être écrite pour les « deux solitudes »

QUÉBEC — Déclarant que « nous demeurons deux solitudes qui ne se connaissent pas », le ministre Victor Goldbloom estime que l’enseignement de l’histoire au Québec devrait reposer sur un texte unique, sur « une seule interprétation équitable de notre histoire » acceptable non seulement pour les francophones, mais aussi pour les anglophones, les immigrants et les autochtones.

Le Dr Goldbloom, qui a la réputation d’éviter quasi systématiquement d’aborder le contentieux linguistique, a rompu hier avec son langage habituel pour se porter à la défense de la communauté anglophone à l’occasion d’un débat sur l’enseignement de l’histoire.

Ce débat a été déclenché à l’Assemblée nationale par une motion du député péquiste Claude Charron demandant au gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour que tous les étudiants québécois aient acquis, à la fin de leurs études secondaires, une connaissance adéquate de l’histoire, particulièrement celle de la nation québécoise.

Comme on le sait, les cours d’histoire sont devenus facultatifs au niveau secondaire, situation qui fait actuellement l’objet d’une grande controverse.

Écrire l’histoire du Québec

Prenant pour acquis que l’Assemblée nationale acceptera de voter en faveur de la motion du député Charron, le Dr Goldbloom a néanmoins voulu livrer ses vues personnelles sur renseignement de l’histoire.

Estimant que « l’histoire définitive du Québec n’est pas encore écrite », le ministre des Affaires municipales a suggéré d’en commanditer une, écrite par des auteurs choisis, qui serait acceptable non seulement pour les « deux principales solitudes » qui cohabitent au Québec mais aussi par les deux autres solitudes « terriblement réelles » des immigrants et des premiers habitants de ce pays.

« Nous demeurons deux solitudes qui ne se connaissent pas », a lancé le ministre avant d’ajouter: « Nos media d’information et notamment les journaux de langue anglaise ne nous aident pas à nous connaître ».

Parlant du traité historique unique dont il rêve, le Dr Goldbloom a en outre déclaré: « il faudra — et j’admets que ce ne sera pas facile — écrire sereinement l’histoire des plaines d’Abraham et de la nouvelle orientation déclenchée par le résultat de cette bataille, cessant enfin de s’en traumatiser. Il faudra — et j’insiste là-dessus – reconnaître la contribution des anglophones à l’économie, la culture et la force du Québec : cette contribution est loin d’être négligeable. »

Toujours au sujet de la communauté anglophone, le député de D’Arcy-McGee a ajouté: « Elle doit être consacrée dans l’histoire du Québec, celle que vous ferez écrire, comme elle doit être conservée dans notre toponymie. Que l’on n’essaie pas d’effacer ses traces, ses œuvres, ses monuments de la carte du Québec. »

Rappelons que le ministre a été récemment pris à parti par le député péquiste Marcel Léger, qui l’accusait de refuser de changer le nom de la municipalité de Shawbridge en celui de Prévost, malgré l’opinion exprimée en ce sens par les citoyens au cours d’un référendum.

Le Dr Goldbloom, qui a aussi insisté pour que renseignement de l’histoire se fasse objectivement, a dit espérer que le texte d’histoire dont il souhaite la rédaction mentionnera « le geste courageux » posé par le gouvernement du Québec en 1974 pour faire en sorte que « tous les Québécois soient capables de comprendre et d’utiliser le français » tout en reconnaissant la possibilité de s’exprimer en anglais.

Le ministre Goldbloom a été hier le premier porte-parole du gouvernement à parler sur la motion péquiste sur l’enseignement de l’histoire. La réaction du ministre de l’Éducation, M. François Cloutier, ne sera vraisemblablement connue qu’à la reprise du débat, la semaine prochaine.

Mais le débat qui s’est engagé à la suite du discours du député Claude Charron à l’appui de sa motion a vite abouti à un véritable procès du système d’éducation.

Le député de Saint-Jacques avait lui-même donné le ton en dénonçant la « nonchalance » de la génération étudiante actuelle, en s’interrogeant sur la responsabilité du système d’éducation à cet égard.

« Un système d’éducation, a dit M. Charron, peut accélérer comme il peut ralentir le développement de la personnalité des étudiants. »

Lui qui se fait généralement le défenseur des intérêts du monde étudiant, M. Charron n’en a pas moins dénoncé hier la « nonchalance » des étudiants dont plusieurs ne se donnent même pas la peine de lire un journal quotidien, selon lui.

Parlant de la disparition de l’histoire comme matière obligatoire, le député péquiste a déclaré en substance: « On a rabattu l’histoire… au même rang que l’enseignement de la cuisine ».

Puis il a déploré qu’on ait dévié à l’esprit du rapport Parent qui prévoyait que l’histoire était l’une des disciplines de base avec laquelle tout élève devait avoir pris contact à chacune des étapes du niveau secondaire.

Lui donnant la réplique, le ministre Denis Hardy a également mis en cause le système d’éducation et accorde son appui à l’enseignement obligatoire de l’histoire.

Se défendant de vouloir « revenir à l’ancien temps », le ministre des Affaires culturelles a déploré pour sa part que, à partir du rapport Parent, on ait « totalement chambardé notre système » en voulant greffer à la personnalité collective du Québec des éléments qui font aujourd’hui l’objet d’un phénomène de rejet.

(Publié dans La Presse, le 21 novembre 1974).

Vieux-Montréal. Photo de GrandQuebec.com.
Vieux-Montréal. Photo de GrandQuebec.com.

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