Guerres de Napoléon et Canada

Guerres de Napoléon et réaction canadienne

Après ces incidents, tout sembla rentrer dans l’ordre, et la population se contenta de suivre avec intérêt les événements qui agitaient l’Europe occidentale, cependant que les classes officielles, religieuses et civiles, ne cachaient pas leur sympathie pour l’Angleterre dans sa lutte contre Napoléon. À Montréal, un comité des citoyens, composé de James McGill, Simon McTavish, Edward W. Gray et John Richardson avait réuni une somme de £4,063 en 1799. En 1800, le gouverneur transmettait à Londres £4,673 (Archives canadiennes: Série Q, vol. 85, p. 321, lettre du 23 octobre 1799. — Série Q, vol. 84, p. 157, lettre de Milnes et liste des souscripteurs de Montréal). Le Séminaire de Saint-Sulpice, pour sa part, versait £300 au fond de guerre. (Doublas Brymner: Rapport sur les Archives Canadiennes pour 1892, p. LIII.) L’année suivante, le colonel de Longueuil, commandant des Volontaires royaux canadiens, remettait au gouverneur £500 comme contribution des officiers et volontaires. (Archives canadiennes: Série Q, vol. 87-1, p. 99. — Lettre de M. de Longueuil, du 12 juin 1801.) C’était la première contribution de Montréal aux guerres de l’empire.

De 1801 à 1804, un nouveau courant de propagande française s’infiltra au pays, particulièrement dans la métropole, sous l’action d’agents français du Premier Consul, secondés par des Américains du Vermont. On découvrit d’abord à Montréal l’existence d’une société secrète à base de jacobinisme et dirigée par un ancien maître d’école, nommé Rogers, et qui se tenait en relation avec Ira Allen et Thomas Thorn, aventuriers du Vermont.

Le but de la société, parait-il, était de provoquer des troubles et de piller la ville. Le procureur général Sewell fit un long rapport sur les activités de la (( Société Civile de Montréal ». Quelques membres furent même jetés en prison et subirent leur procès pour manœuvres séditieuses. On pensa dans le temps que le but de la société se rattachait à l’affaire de Olive Branch, saisi en mer avec une cargaison de 10,000 fusils, envoyés, disait-on, dans le Vermont par le gouvernement français pour une invasion prochaine du Canada. Pas un seul Canadien ne faisait partie de ce club de jacobins étrangers et le huitième de la milice de Montréal, appelé sous les armes, répondit avec empressement à l’ordre du gouvernement et forma trois compagnies de volontaires.

En 1803, les citoyens de Montréal pouvaient voir circuler dans la ville des militaires étrangers en habit vert galonné d’or. C’était des émissaires français, qui durent bientôt reprendre leur incognito pour dépister les agents du gouvernement canadien. David Sullivan et John Richardson de Montréal, servis par un transfuge français nommé Rouse, s’employèrent à découvrir les desseins de la France sur le Canada. Ils espionnèrent le consul Genet, les agents Leclerc et Lacroix et le prince Jérôme Bonaparte, que l’on prétendait envoyé en Amérique pour préparer la reprise du Canada. (Douglas Brymner: Rapport sur les Archives Canadiennes pour 1892, pp. XLVI et suivantes.)

Parmi ceux que l’on soupçonnait de prendre part à cette campagne de propagande séditieuse, on mentionnait, à Montréal, Le Pailleur, Mézières, McGinnès, McDonald, de Léry et Villeray, dont le langage séditieux, disait-on, indique qu’ils sont hostiles au gouvernement anglais.

Depuis dix ans que durait l’appréhension, plus ou moins motivée, d’une invasion française au Canada, il ne s’était encore rien produit de grave. Comment les Canadiens auraient-ils favorisé un mouvement de retour à la France, quand la révolution avait achevé de les détacher de l’ancienne mère patrie, sous l’influence agissante du clergé et des seigneurs ? En effet, à Montréal, M. Roux, supérieur du Séminaire, prenait franchement parti, dans ses sermons, pour l’Angleterre contre Napoléon, qu’il appelait le tyran; et la classe officielle canadienne partageait en général ce sentiment.

Le peuple, lui, n’osait plus manifester sa sympathie naturelle pour la patrie de ses ancêtres. Il en était bien empêché par ses chefs, qui le poussaient par l’exemplç et la parole dans une voie opposée, et aussi par le pouvoir établi, qui prenait tous les moyens d’empêcher toute relation spirituelle et sociale avec la République, puis avec l’Empire.

Un soir de décembre 1805, des journaux de New-York apportèrent la nouvelle de la victoire de Nelson à Trafalgar. Il se donnait à ce moment un grand bal à l’« Exchange Coffee House », angle des rues St-Paul et St-Pierre.

La nouvelle y fut reçue avec un enthousiasme délirant, et l’on proposa sur le champ d’élever un monument à la mémoire du héros, tué durant la bataille. En quelques instants, les fonds nécessaires furent souscrits par les danseurs, gens de la haute, et quelque temps après montait à cinquante pieds dans les airs la colonne Nelson, à l’entrée de la Place Jacques-Cartier, alors que pas un seul héros français ou canadien n’avait encore son monument dans la métropole.

Voir aussi :

Napoléon
Portrait de Napoléon par François Gérard.

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