Au bord de l’exil

Au bord de l’exil

Vers le milieu des années 1640, la petite colonie de Nouvelle-France est menacée d’anéantissement. Les attaques iroquoises sont de plus en plus fréquentes et la communication entre les trois villes, qui sont plutôt des postes d’avant-garde, soit Québec, Trois-Rivières et Ville-Marie, qui vient d’être fondée en 1642, devient presque impossible. Cette situation ne peut continuer. C’est une question de vie ou de mort pour les mille colons.

On peut affirmer aussi que c’est une question de vie ou de mort pour les Hurons, les Algonquins et d’autres tribus, qui sont des ennemis traditionnels des Iroquois depuis des siècles. En effet, l’alliance des Cinq Nations est devenue puissante et elle a décidé de s’approprier les vastes territoires qui longent le Saint-Laurent.

Au cours de l’été 1646, un groupe de quelques dizaines de citoyens de la ville de Trois-Rivières, composé en majorité de paysans et de commerçants (il semble en fait que la plupart des habitants du village ont participé à l’expédition) décident de faire une incursion dans la région de la rivière Puante (aujourd’hui, Bécancour), où l’on a repéré la présence de guerriers iroquois.

L’expédition est un échec total. «Nous perdîmes du monde» écrira plus tard Pierre Boucher, futur gouverneur de Trois-Rivières, «les ennemis s’étant retirés sans perte par la mauvaise conduite de ceux qui nous commandaient». On ne sait ce qui s’est passé exactement, mais il semblerait que les volontaires de Trois-Rivières aient été pris en embuscade par ces guerriers expérimentés qu’étaient les Iroquois.

On considère déjà que Ville-Marie n’est plus un poste sûr et qu’elle tombera d’un jour à l’autre. On ne peut compter que sur Trois-Rivières dont les habitants décident de «se battre jusqu’à la fin pour empêcher l’ennemi de se jeter sur Québec sans défense et dont la prise serait la ruine du pays».

Le gouverneur Louis d’Ailleboust se rend à Trois-Rivières et nomme Pierre Boucher, soldat, interprète, habile négociateur et connaisseur des Indiens, à la fonction de «capitaine du bourg». Boucher reçoit la mission de rédiger un plan de défense. Celui-ci est approuvé et il fait l’objet d’une ordonnance officielle du gouverneur de la Nouvelle-France.

Pierre Boucher propose d’abord de regrouper la population de la bourgade. En effet, les habitations sont éparpillées au hasard, «qui deçà, qui delà, suivant l’affection et la commodité d’un chacun» (Mémoires de Boucher).

Cette composition dispersée de l’établissement en fait une cible facile pour les Iroquois. Boucher suggère d’enfermer la population dans une enceinte encerclée de solides palissades. Des corps de gardes veilleront continuellement sur les fortifications.

Alors, une formation composée de citoyens se constitue et chacun doit s’exercer au maniement des armes et faire le guet à tour de rôle.

En outre, chaque habitant est obligé de contribuer à la construction de l’enceinte.

Comme toujours, quelques-uns, sous divers prétextes, manquent à l’appel et essayent de se soustraire aux ordres. Le capitaine Boucher est implacable. Tout le monde doit fournir ses heures de corvée et tous sans exception se résignent à vivre à l’intérieur de l’enceinte.

Entre-temps, la situation empire. Des cadavres de colons sont trouvés chaque jour dans les champs, des Hurons sont tués par dizaines et des Iroquois sont repérés au pied de la palissade.

Finalement, on découvre les corps de quatre habitants du village du Cap, dont le notaire Florent Boujonnier.

Les autorités ordonnent alors une sortie pour exterminer les Iroquois. Les habitants de Trois-Rivières reçoivent l’ordre de passer à l’attaque. Pierre Boucher s’y oppose, mais l’expédition punitive se met en route, commandée par le gouverneur de Trois-Rivières. À cette époque, il y avait 40 hommes à Trois-Rivières : 30 d’entre eux font partie de l’expédition, 10 sont restés avec le capitaine Boucher à l’intérieur du fort afin d’assurer sa défense.

Une hécatombe s’ensuit. Le 19 août 1652, 22 soldats et colons, y compris le gouverneur de Trois-Rivières, Du Plessis-Kerbodot, sont tués dans les bois à quelques pas seulement du fort.

À la suite de cette défaite, la situation est plus désespérée que jamais. Trois-Rivières ne compte plus qu’une quinzaine d’hommes valides. La colonie française est aux abois.

Les autorités commencent à parler de retraite générale vers la France.

Marie de l’Incarnation laisse le témoignage suivant sur la situation: « L’on projette de tout quitter et de faire venir des vaisseaux de France pour sauver ceux qui ne seraient pas tombés en la puissance de nos ennemis ».

On ne cultive plus les champs et les habitants sont prêts à s’embarquer et à retourner en France. L’exil semble imminent.

mort de quelques religieux
Mort de quelques pères de la Compagnie de Jésus à main des Iroquois. Bibliothèque et archives Canada. Image du domaine public.

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