La police provinciale du Québec a saisi 800 caisses d’alcool ontarien
Environ 800 caisses de boisson alcoolique ont été saisies par l’escouade des Alcools de la Sûreté du Québec depuis le début de la grève de la RAQ, le 26 juin 1968
L’inspecteur Paul Champagne, qui assume la direction des escouades des Alcools et de la Moralité, à la SQ, a déclaré hier que ces bouteilles d’alcool avaient été confisquées à l’occasion d’environ 70 saisies effectuées au cours d’inspections routinières. Toutes ces bonnes bouteilles, qui dorment présentement dans un entrepôt de la Sûreté, provenaient de l’Ontario. Ces saisies ont donné lieu à une dizaine d’arrestations mais aucune de ces causes n’a jusqu’à maintenant été entendue par les tribunaux.
L’inspecteur Champagne nous a déclaré que son escouade n’avait pas cherché à s’acharner contre les Québécois qui allaient s’approvisionner en Ontario.
« Nous n’avons pas dressé de barrages sur les routes et toutes les saisies ont été effectuées au cours d’inspection de routine », a-t-il dit. Il a d’ailleurs affirmé qu’il ne dispose pas du personnel nécessaire pour mener une lutte draconienne contre les pauvres Québécois assoiffés.
Il a révélé que lorsqu’un policier découvre de l’alcool de provenance ontarienne dans un véhicule, la marchandise est saisie sur le champ et le conducteur appréhendé, s’il s’agit d’un trafiquant notoire. Dans le cas de l’honnête citoyen qui s’est laissé tenté par la proximité des magasins de la Régie ontarienne, on se contente de saisir les bouteilles et de faire rapport à Québec.
« Les procédures s’instruiront probablement plus tard », a souligné le policier. Il semble bien que l’Ontario constitue l’endroit de prédilection pour s’approvisionner. Les amateurs d’alcool ont dédaigné les États-Unis, même s’ils peuvent s’y procurer de la boisson à meilleur marché.
Les difficultés à la frontière semblent en être la cause principale.
Un officier du poste douanier de Blackpool nous a en effet déclaré qu’aucune saisie d’alcool n’avait été effectuée à cet endroit depuis le début de la grève de la Régie. Devant cette grève qui semble vouloir s’éterniser, combien de temps encore les établissements licenciés tiendront-ils le coup avant de tomber en panne sèche ? Tout dépend de l’importance de rétablissement et de la prévoyance dont a fait preuve le propriétaire ou le gérant.
Une rapide enquête effectuée hier par LA PRESSE auprès d’un certain nombre d’établissements de la région métropolitaine révèle que quelques hôtels se verront dans l’obligation de n’offrir que de la bière à leurs clients si la grève dure encore deux ou trois semaines. Pour certains autres, c’est une question d’un mois ou deux, un hôtelier du Vieux Montréal, lier rie la sagesse dont il a fait preuve, nous a affirmé qu’il pouvait tenir le coup jusqu’à la fin de l’année.
De façon générale, les établissements du Vieux Montréal que nous avons contactés étaient encore assez, bien pourvus.
On ne possède peut-être pas de toutes les marques mais on a encore de bons stocks des diverses catégories d’alcools.
La seule boisson qui manque de façon presque générale c’est le vin. Déjà, dans la plupart des restaurants, on ne peut plus se procurer de vin au carafon. Et les marques bon marché sont a peu près épuisées. Seules les bouteilles dispendieuses sont encore disponibles.
Les établissements qui seront le plus durement touchés si la grève se prolonge, ne serait-ce que de deux semaines, seront les caves a vin.
Les établissements de la Rive Sud que nous avons contactés avaient encore des approvisionnements pour des périodes allant de un à trois mois.
D’autre part, le gérant d’un important hôtel de Chomedey nous a affirmé que toutes ses bouteilles seraient vidées d’ici a trois semaines.
Et ce ne sont pas seulement les petits établissements qui voient leurs rayons se vider graduellement. L e directeur du Château-Champlain a affirmé que la situation deviendra critique dans un mois, soit a l’époque où commenceront les congrès.
En général, l’augmentation des ventes d’alcool dans les établissements licenciés n ‘a pas été notable depuis le début de la grève. La hausse des ventes est nulle par rapport à l’an dernier dans plusieurs endroits, alors qu’elle atteint à peine 10 p. 100 dans certains autres.
Contrairement à ce que l’on pourrait généralement croire, la grève de la Régie des alcools n’aurait pas entraîné une hausse tellement considérable de la vente de la bière.
Le vice-président de la compagnie Molson, M. Zotique Lespérance, nous a déclaré que le mois de juillet avait été marqué d’une hausse de 20 p. 100 dans le volume des ventes de la bière, par rapport à l’an dernier.
Toutefois, M. Lespérance s’est empressé d’ajouter que plusieurs facteurs entraient en jeu dans cette augmentation. Il a cité : les grandes chaleurs du moi de juillet, la grèves dans les brasseries ontariennes et, finalement, la grève de la Régie des alcools du Québec.
Que le pourcentage de l’augmentation pourrait être imputable à la grève de la Régie ? Selon M. Lespérance, il s’agirait de la plus faible part de l’augmentation. « Les consommateurs en sont encore à vider les vieilles bouteilles qu’ils avaient chez eux. Quand on manquera réellement d’alcool, cela aura peut-être une plus grande influence sur l’augmentation des ventes de bière », a dit M. Lespérance.
M. Trudeau, le premier ministre du Canada, souligne toutefois que la productivité nationale ne s’est pas accrue de 6 pour 100 et que toute politique salariale du gouvernement qui permettrait, pour la fonction publique, des hausses générales de plus de 6 pour 100 serait « inflationnaire ». Le premier ministre ne projette pas de se rendre a l’assemblée générale de l’ONU en septembre. Mais il n’est pas impossible qu’au cours de l’automne, il rencontre le président des États-Unis, M. Lyndon B. Johnson, si le Canada et les USA ont à ce moment des problèmes sérieux à discuter.
Quant à l’autre M. Johnson, premier ministre du Québec, M. Trudeau dit qu’il le verra vraisemblablement lors de la prochaine rencontre fédérale provinciale sur la constitution.
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