Festival Pop de Manseau
31 juillet – 2 août 1970
L’année 1970 restera à jamais gravée dans l’histoire des Bois-Francs comme celle du festival pop tenu à Manseau, dans le rang d’En-Haut, sur l’ancienne ferme de Paul Turgeon, rebaptisée pour l’occasion Ferme Napoléon.
Organisé par les Productions Woods, les frères Filiatrault Lahaie et Claude Lahaie et Ziggy Wiseman, ce festival pop se voulait l’équivalent québécois du festival pop tenu en 1969 à Woodstock, dans l’État de New York qui avait attiré 500,000 adeptes de la devise peace and love ou make love, not war (faites l’amour, pas la guerre).
Des centaines de milliers de hippies s’assemblaient pour écouter de la musique tout en consommant les drogues du temps, marijuana et haschich, dans une atmosphère de fête, de fraternité et d’amour. Ainsi les frères Lahaie ont décidé d’emboiter le pas et d’offrir un événement de la même envergure aux Canadiens.
Au début, la population de Manseau accueillit la nouvelle du festival avec une indifférence teintée de scepticisme. Pourtant au fur et à mesure que la date fatidique approchait et que des rumeurs alarmantes d’émeutes, de vols et de pillages se multipliaient, on commença à s’inquiéter sérieusement de l’affaire.
D’entrée de jeu, le Ministère de la Justice du Québec a assuré que la Sûreté du Québec n’interviendrait pas sur le site du festival pour les questions de drogue. Les autorités se réservaient pourtant le droit de le faire à l’extérieur du site. Cette décision fut vivement critiquée par les médias et par la population de la région. En effet, le ministère autorisait de fait la consommation de drogues illicites à cet endroit ce qui ne plaisait guerre aux habitants.
Les organisateurs de l’évènement sont accusés d’exploiter le thème de paix et de l’amour et de vouloir utiliser les valeurs chères au mouvement pacifiste pour faire un «coup d’argent». Un comité de prévention est alors formé pour tenter de dissuader les jeunes de se laisser embarquer dans ce que plusieurs qualifient comme une fumisterie.
Les frères Lahaie laissent d’ailleurs planer le mystère sur l’identité des artistes présents, ce qui augmente le scepticisme.
La Sûreté du Québec, sous le commandement de l’inspecteur Yvan Aubin établit son poste de commandement au Collège Sacré-Cœur de Manseau et disposait d’effectifs impressionnants: 203 policiers en poste 24 heures, 150 tenus en réserve et jusqu’à 800 mobilisables à quelques heures d’avis en cas d’émeute.
Quant à l’équipement, la SQ disposait de 50 voitures identifiées, 5 fantômes, 20 motos, trois fourgons cellulaires, deux hélicoptères, une ambulance, deux dépanneuses pour les stationnements interdits, des autobus, une cuisine de campagne de l’armée et un centre d’identité judiciaire. D’ailleurs, des agents déguisés en hippies recueilleraient de l’information sur le site du festival.
On estimait que le nombre total des festivaliers atteindrait de 200 à 300 mille personnes ou plus, mais de l’ouverture des guichets s’était évident que le but ne serait jamais atteint.
Le 31 juillet 1970, de longues colonnes de voitures se formèrent pour se stationner de part et d’autre de la Ferme Napoléon, des deux côtés de la route 218.
Cependant, pas plus de 20,000 personnes se présentèrent, beaucoup moins que prévu et de ce nombre, moins de 7,000 payèrent l’admission de $15.00. Ce n’était que très logique car le droit d’entrée de 15 dollars eut pour effet de rebuter nombre de jeunes hippies.
Quelques groupes amateurs se produisirent sur l’estrade, mais les « gros noms » attendus brillent par leur absence.
Finalement, le jour du spectacle, la pluie est au rendez-vous, achevant de transformer l’événement en flop.
Bref, le Festival de Manseau, ce premier festival pop du Québec, connaît un échec retentissant.
Dans l’ensemble, le festival se déroula dans l’ordre. On soigna près de 500 personnes sur le site et dans les hôpitaux pour des problèmes mineurs et il y eut trois blessés plus graves, victimes de bagarres, dont un atteint d’un coup de couteau.
Du 31 juillet à la fin du 2 août, on signala un viol sur une mineure, 7 accidents et 57 infractions de la route, 2 vols d’autos et un de moto, un délit de fuite et un assaut contre un employé. Trois plaintes de fraude contre l’organisation furent déposées.
On effectua sept arrestations reliées à la drogue quelques personnes déambulant nues sur la voie publique furent interpellées.
Le 2 août 1970, le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, annonce que le ministère de la Justice allait effectuer une enquête complète sur l’échec du festival pop de Manseau et sur toutes les circonstances qui ont entouré l’organisation du festival dans le but de déterminer si des poursuites judiciaires devaient être prises : «Il est normal, a dit M. Bourassa, que le gouvernement décide de faire une enquête sur cet échec et sur les abus auxquels a donné lieu cette manifestation… Dans cette affaire, il est évident qu’il y a des choses curieuses qui se sont produites.»
Parmi les abus auxquels aurait donné lieu le festival de Manseau, Bourassa a signalé le paiement d’un prix d’entrée de $15 pour des concerts qui n’ont pas eu lieu. Le premier ministre a ajouté que l’enquête porterait tant sur les organisateurs que sur la publicité qui a entouré la manifestation, ainsi que sur le problème de la drogue.
Voir aussi :
- Municipalité de Manseau
- Ligne du temps : 1970
- Robert Bourassa ordonne l’enquête sur le festival pop de Manseau
- Québec musical