Pauvreté chez les femmes au Québec
En Nouvelle-France, à part les hommes pauvres qui sont incapables d’exercer un emploi parce qu’ils sont infirmes ou malades, on trouve un certain nombre de femmes qui sont dans une même situation matérielle désespérée. Il peut s’agir de veuves qui ont perdu leur époux, leur seul soutien dans la vie.
Elles commencent alors parfois à voler. Par exemple, la veuve de Pierre Mardi, Charlotte Dumesnil dite la Musique, allait de maison en maison demander l’aumône «pour une pauvre femme bien malade qui avait cinq enfants». Elle reçoit un morceau de pain du marchand et notaire Antoine Foucher, mais ensuite elle revient chez lui sous prétexte de chercher une de ses mitaines et vole une marmite.
D’autres fois, la misère conduit ces femmes sans ressources financières à la prostitution, métier qu’elles exercent dans les cabarets et dans certaines maisons, ou sur les remparts des fortifications.
Souvent, ces femmes n’ont pas de demeure fixe et elles voyagent à travers la colonie. Par exemple, Josette Dumesnil dite Petitpas déclare, dans la prison de Montréal, qu’elle s’apprêtait à partir pour Québec.
La société les enferme parfois à l’Hôpital Général pour des périodes ne dépassant pas un an.
La pauvreté pousse certaines à abandonner leurs enfants. En 1728, une mère célibataire, Marie-Anne Germaneau, dit au notaire Jean-Baptiste Adhémar qu’elle n’est pas «en état de nourrir, faire nourrir, élever et entretenir son fils naturel et non légitime» nommé Nicolas-René, âgé de deux ans. Elle déclare donc qu’elle est contrainte de l’abandonner. Dans ce cas, on place l’enfant chez les Frères Charon (les Sœurs Grises feront l’acquisition de l’héritage des Frères Charon vingt années plus tard).
Remarquons que dans le répertoire des naissances illégitimes sur les rives du Saint-Laurent avant 1730, Lyne Paquette dénombre 749 enfants illégitimes, dont 375 en milieu urbain. Cela représente 2 % du total des naissances en milieu urbain, contre 1% à la campagne.
À Montréal, on compte 201 naissances illégitimes, soit 54%, contre 164 pour Québec, et 10 pour Trois-Rivières.
Parfois, des veuves et des femmes abandonnées par leur mari placent leurs enfants qu’elles sont incapables de nourrir chez des particuliers.
Certains enfants sont aussi abandonnés à l’entrée d’un couvent, d’un hôpital ou d’un séminaire, comme dans le cas du nouveau-né trouvé sur les marches du Séminaire de Saint-Sulpice à Montréal, le matin du 3 octobre 1717. Le bébé était enveloppé d’une couche, d’un vieux morceau de couverture anglaise et d’un lange de «carisé». Parfois, dans le meilleur des cas, l’enfant peut être déposé dans le «tambour» de la maison d’une sage-femme.
Dans tous ces cas, l’enfant trouvé est pris en charge par l’État. Le procureur du roi de la juridiction lui trouve une nourrice à laquelle il offre sept livres par mois pour prendre soin du bébé.
Plus tard, l’enfant est placé dans une famille d’accueil à laquelle le procureur verse une fois pour toutes une somme d’argent variant entre 30 et 260 livres. Tel est le cas de Joseph, âgé de 6 mois environ et placé le 23 mai 1726 chez Jean Brou dit Pomainville, habitant de Lachine, et sa femme Élisabeth Brunet. Ce couple s’engage à l’élever et à l’instruire jusqu’à l’âge de vingt ans en retour du versement par l’État d’une somme de 80 livres.