La grippe espagnole: 17 octobre 1918 Sans être pire, la situation ne s’améliore guère
Le chiffre des morts, hier, est de 162 et celui des nouveaux cas, de 1,748 – Des foyers où les époux succombent ensemble. – La situation à travers la province de Québec, le 17 octobre 1918
Le dévouement s’affirme admirable
En dépit des 1,748 nouveaux cas de grippe espagnole constatés hier, et des 162 nouveaux décès, le directeur du service de santé a déclaré que la situation, tout en ne s’étant pas améliorée, n’est pas devenue plus critique. Ces chiffres accusent une diminution de cent nouveaux cas et une augmentation de neuf morts. Des 162 décès enregistres hier, 123 sont attribues a l’influenza et 39 a la pneumonie
Statistiques mortuaires
En ajoutant les tristes chiffres d’hier, le tableau mortuaire est comme suit, jusqu’à date (octobre 17, 1918):
Date Cas Décès
1 octobre 17 11
2 octobre 3 13
3 octobre 7 10
4 octobre – 22 – 12
5 octobre – 111 – 26
6 octobre 21 – 18
7 octobre 111 – 27
8 octobre 119 – 27
9 octobre – 132 – 23
10 octobre – 398 – 59
11 octobre – 202 – 51
12 octobre – 357 – 43
13 octobre – 367 – 43
14 octobre – 378 – 165
15 octobre 1,868 – 153
16 octobre 1,748 – 162
Total : 5,861 cas et 868 décès.
Appel au dévouement
Désireux de faire tout en son possible pour enrayer l’épidémie qui exerce des ravages si considérables dans son diocèse, Mgr l’archevêque de Montréal a lancé un appel aux communautés religieuses, pour suppléer au manque de garde-malades.
Cet appel, tout spontané et nullement sollicité par !es autorités municipales, a rencontré un écho immédiat. Six des plus grandes congrégations de notre ville se sont rendues à la demande de leur chef spirituel, et la plupart d’entre elles se sont déjà mises à l’œuvre. Ce sont les sœurs de l’immaculée Conception, les sœurs Sainte-Croix, les sœurs Sainte-Anne, les sœurs Grises, les sœurs Jésus-Marie et les sœurs de la Congrégation Notre-Dame.
Les sœurs de l’Immaculée-Conception s’occupent particulièrement des soins à donner à la colonie chinoise, et les autres feront des visites à domicile. Leurs soins seront surtout donnés aux familles pauvres.
Los sœurs de l’Immaculée-Conception ont déjà commencé leur œuvre de charité, ainsi que les sœurs Grises, les sœurs Sainte-Croix et les sœurs Sainte-Anne. Les sœurs Jésus-Mare et les sœurs de
la Congrégation, pour leur part, sont à s’organiser.
Répartition du travail
Pour ces dernières, le travail de préparation est plus long, parce que ce sont des communautés enseignantes, et que c’est à titre de garde-malades que les religieuses prêtent | actuellement leur concours.
Huit religieuses de la congrégation des sœurs Grises sont au refuge Meurling, pendant le jour, depuis hier. Un autre hôpital d’urgence va être ouvert demain, rue Moreau, pour les femmes, et il sera exclusivement sous le contrôle des sœurs Grises. Dès aujourd’hui, dix membres de cette communauté se rendront là pour tout mettre en ordre pour recevoir les malades, demain.
Une aile de l’hôpital Saint-Paul sera consacrée aux enfants atteints de l’influenza. Ces enfants seront aussi sous les soins des sœurs Grises. On s’attend à recevoir des enfants malades à l’hôpital Saint-Paul, dès aujourd’hui. Si le cas est nécessaire, on recevra aussi des enfants à l’hôpital de la rue Moreau.
Où on s’adressera
Les personnes qui ne peuvent se procurer des garde-malades pourront obtenir les soins des religieuses en téléphonant aux endroits que voici :
Sœurs Sainte-Croix:
- S’adresser Pointe Saint-Charles, Académie Saint-Jean l’Évangéliste, Victoria 304.
- Académie Sainte-Brigide, rue Papineau, Est 3141.
- Académie Sainte-Cécile, rue de Gaspé, Rockland, 3087.
- Académie Saint-Edouard, rue Saint-Valier, Saint-Louis 2635.
Sœurs Grises, Maison-Mère, 390 .rue Guy, Uptown 1125.
Sœurs Sainte-Anne, Pensionnat Sainte-Angèle, Uptown 2664.
Quand les Sœurs Jésus-Marie et de la Congrégation seront prêtes, on pourra aussi s’adresser à elles par téléphone.
Point à se rappeler
On a reçu 94 malades à l’hôpital d’urgence, dont 32 hier. Une soixantaine d’autres personnes qui désireraient y entrer recevront aujourd’hui la visite des médecins.
Chez les militaires
C’est surtout aux casernes de la rue Peel que la grippe espagnole fait, à l’heure actuelle, les plus grands ravages. Des six nouveaux décès constatés hier, trois sont du 2e dépôt et un du dépôt No 4. Au nombre des morts, on relève le nom du lieutenant Jos. – Alphonse Olivier, du corps médical canadien. Le lieutenant Olivier tombe victime de son dévouement. Depuis le début de l’épidémie, il a travaillé sans relâche, à Saint-Jean. Atteint du mal, il fut transporté à Montréal et mourut à la demeure de sa mère, 176 rue Cherrier. En nous annonçant la mort de ce dévoué officier, le général Wilson n’a pu s’empêcher de vanter son ardeur infatigable et sa gentilhommerie. Le défunt avait été reçu médecin il y a quelque temps.
Le nombre des nouveaux cas constatés, hier, est inférieur à celui d’avant-hier, mais le nombre des décès est plus élevé. Voici les chiffres officiels.
Nouveaux cas
Montréal…2
Saint-Jean…3
Convalescents
Montréal…44
Saint-Jean…16
Morts
Montréal…6
Saint-Jean…0
Total des malades
Montréal…372
Saint-Jean…142
Total des morts
Montréal… 101
Saint-Jean…19
Les morts d’hier sont : le soldat J. Lachapelle, du 2e Québec ; le soldat J. Cameron, de la 79e batterie ; le soldat J. Letourneau, du 2e Québec ; le soldat H. Galarneau, du 2e Québec ; le soldat W. Beaulieu, du dépôt No 4 ; et le lieutenant Jos. – Alphonse Olivier, du corps médical canadien.
Un appel aux femmes
Le docteur Boucner adresse un appel tout spécial aux nombreuses associations féminines de Montréal. Il leur demande d’offrir leur concours, comme les communautés religieuses l’ont fait. Ces diverses associations féminines pourraient procurer à la cité les services de nombre de garde-malades. Le directeur du service de santé leur demande de s’organiser et de constituer un bureau central à cette fin, tel qu’il en existe un au bureau de la statistique à l’hôtel de ville.
Les cas au refuge
Jusqu’à date, 94 malades ont été reçus à l’hôpital d’urgence établi au refuge Meurling. Dix patients sont morts et six se sont rétablis. Il en reste donc 78 en traitement, à l’heure actuelle, au refuge.
On le mande à Pontiac
Le docteur Gaboury, du département de la perception des permis d’automobiles, a été mandé a Guyon, comté de Pontiac, par le maire Davis, afin d’aider à enrayer l’épidémie de grippe espagnole. Il y a dans cette municipalité environ 100 cas de la terrible maladie.
Tout y a passé
Les rapports qui parviennent, de partout dans la province, au Dr Elzéar Pelletier, secrétaire du conseil provincial d’hygiène de Québec, sembleraient indiquer que pas un seul village ou canton n’a échappé à l’épidémie d’influenza. En effet, il n’y a que quelques jours que la déclaration de la maladie au conseil d’hygiène provincial est devenue obligatoire et les rapports reçus jusqu’ici ne sont réellement que des déclarations préliminaires indiquant que les municipalités sont affectées. Le nombre des cas, dans chaque endroit, n’est pas encore indiqué.
Vingt-cinq villes et villages de plus se sont rapportés, hier, faisant un total de cinquante-cinq. à venir jusqu’à présent. Mais des centaines des 1,200 municipalités de la province sont plus ou moins accessibles. Les communications sont difficiles; et cela prendra un certain temps, avant d’avoir des chiffres.
Appel aux automobilistes
Le Victorian order of nurses demande des automobiles à emprunter, eu aucun temps, nuit et jour, pour aider à accomplir l’ouvrage urgent qui Incombe aux membres de l’association, durant la présente épidémie.
La « Montréal automobile association » demande donc à ses membres de venir à la rescousse et d’aider au travail magnifique de l’ordre, en prêtant des automobiles en aucun temps, pendant la nuit ou le jour. Les garde-malades surchargées d’ouvrage accueilleront avec plaisir ces voitures.
Les propriétaires d’automobiles reconnaîtront facilement que l’emploi d’une voiture permet à une garde-malade de s’occuper du double du nombre de cas auquel elle pourrait voir, si elle avait à voyager sur le tramway.
Au nom de l’humanité, les automobilistes sont donc priés de prêter leurs voitures et d’aider immédiatement au bon travail fait pour arrêter l’épidémie, en autant qu’ils le peuvent.
C’est une demande urgente qui est faite aux automobilistes et on espère qu’ils coopèreront en prêtant leurs voitures, chaque fois que cela sera possible.
On peut toujours utiliser les voitures, car il y a toujours des cas d’urgence qui attendent. On est prié de téléphoner au secrétaire T.-C. Kirby, aux bureaux de l’association, Uptown 7175, ou au Victorian order of nurses, 46, rue Bishop, le numéro téléphonique Uptown 1206.
Un vaccin préventif
Il se peut que le vaccin « Leary » contre la grippe, découvert par le Dr Leary, bactériologiste du Tufts Medical School, de Boston, soit introduit à Montréal et distribué ici et même dans toute la province, pour aider à la campagne qui est faite contre l’influenza. La question doit être étudiée, aujourd’hui, par le conseil d’hygiène.
La semaine dernière, le Dr. Bernier, le bactériologiste du conseil, et l’ingénieur sanitaire T.-J Lafrenière ont été envoyés à Boston, pour étudier la valeur de ce sérum ou vaccin, qui a été mis au jour depuis que la grippe est devenue épidémique sur ce continent. Les deux hommes sont revenus hier de leur voyage d’étude et doivent faire rapport aujourd’hui. M. Lafrenière déclare que le vaccin « Leary » semble avoir une valeur prophylactique pour prévenir la maladie. Mais les médecins ne s’accordent sur sa valeurs, quand on l’emploie comme traitement.
Au Boulders exchange
Une communication du «Builders Exchange» annonce que cette association n’a pas pu tenir son assemblée régulière, hier après-midi, manque de quorum, à cause de la grippe qui sévit actuellement. Or le «Builders’ Exchange» a été saisi, en ces derniers temps de plusieurs demandes d’augmentation de salaires, de la part des unions des métiers de la construction, et ces demandes devaient être examinées à cette assemblée. Force est donc à l’association de renvoyer à plus tard l’examen de ces demandes. Les rapports parvenus des différents chantiers, tant de la ville que du dehors, montrent que l’industrie du bâtiment est sérieusement paralysée par l’épidémie, en ce moment. Beaucoup d’ouvriers sont malades, et en plusieurs cas, les chantiers sont complètement désorganisés. Quant à la convention des entrepreneurs généraux du Canada, qui devait être tenue à Ottawa, ces jours-ci, dans le but précisément de discuter la question de réajustement des salaires, des ouvriers en bâtiment, pour tout la Dominion, elle a été remise au mois de novembre.
Voir aussi :
