L’Empress-of-Australia vers le Canada

L’Empress-of-Australia s’approche

Les souverains seront à Montréal jeudi

À 9 heures, hier soir, l’Empress-of-Australia était encore à 915 mille de Québec. – Le programme de la visite royale pour la province de Québec n’est modifié en rien. – Le navire file à toute vapeur. – La lutte contre les glaces et la brume

Québec, 14 mai 1939. – M. Jean Bruchési, sous-secrétaire de la province, a annoncé, ce soir qu’on lui avait officiellement appris que le roi et la reine débarqueraient, mercredi matin, à l’Anse-au-Foulon, et qu’il n’y aurait aucune modification apportée au programme de la visite royale, en ce qui concerne la province de Québec, à l’exception du fait que toutes les cérémonies prévues se dérouleront quarante-huit heures plus tard qu’on ne l’avait annoncé. Les souverains resteront à Québec, à Trois-Rivières et à Montréal le nombre d’heures qu’ils devaient y rester.

Monsieur Bruchési a aussi dit qu’on lui avait déclaré que l’Empress of Australia arriverait dans le port de Québec à minuit mardi, s’il continue de se maintenir la vitesse qu’il fait en ce moment. À 9 heures, ce soir, le paquebot blanc n’était plus qu’à 915 mille de la vieille capitale. Il filait à toute vapeur et les conditions atmosphériques étaient excellentes. Leurs Majestés resteront à bord jusqu’à 10 heures mercredi matin, alors qu’il descendront à l’Anse-au-Foulon.

À bord du « R.M.S. Empress of Australia, 14 mai 1939. – Les officiers du paquebot royal se sont dits d’opinion, ce soir, qu’ils atteindraient Québec avec le roi et la reine, mercredi matin. Le temps est clair, la mer est belle et tout indique que les conditions atmosphériques resteront bonnes. Le navire file à 18 nœuds à l’heure. À 10 heures, demain matin, il devrait être au large des îles Saint-Pierre et Miquelon. Il entrerait dans le golfe au cours de la journée.

Ottawa, 14 mai 1939. – Le premier ministre du Canada, M. Mackenzie King et les autres membres du comité de la visite royale travaillent ferme, ce soir, pour trancher les innombrables problèmes que soulève le retard de 48 heures que le paquebot « Empress of Australia » doit mettre pour atteindre Québec. On se demande, ici, si les souverains ne devront pas réduire à 48 heures le séjour de 4 jours qu’ils devaient faire dans la capitale canadienne.

À bord du « R.M.S. Empress of Australia », 14 mai 1939. Sorti enfin de la zone du brouillard et des glaces de l’Atlantique-Nord, l’« Empress of Australia » file à toute vapeur, ce soir, vers Québec. Les souverains arriveront dans la vieille capitale avec au moins deux jours de retard. On n’est pas, en effet, encore certain du fait qu’ils y seront mercredi matin. Leur navire a été pratiquement immobilisé pendant plus de trois jours. À cause de cela, il va falloir réorganiser entièrement le programme de la visite royale au Canada. Le roi et la reine sont bien peinés du dérangement que leur retard causera aux citoyens canadiens. La reine a dit : « J’ai bien de la peine de constater qu’en n’arrivant pas à l’heure dite, nous aurons dérangé beaucoup de gens qui ont peut-être fait de très long voyage pour pouvoir nous voir. » Le navire devait arriver à Québec, lundi matin. Il a dû perdre plusieurs jours de navigation après être entré, à environ 1,000 mille à l’est du cap Race, dans les parages des brumes. Quand il n’y avait pas de brouillard, des icebergs blocaient la route.

Tout espoir d’atteindre Québec au jour convenu, ayant été abandonné hier, il fut annoncé officiellement qu’il n’aurait que vingt-quatre heures de retard. Toutefois, la nuit dernière et ce matin les conditions étaient encore plus défavorables que précédemment. Au cours de l’après-midi, cependant, la brume s’étant levée, on ne vit plus qu’un bloc de glace large de plus d’un demi-mille qui séparait encore le paquebot des eaux libres. Le capitaine résolut de passer au travers. La tentative réussit. On ouvrit alors la vapeur.

Dès l’aurore, ce matin, le capitaine A.-R. Meikle, constatant qu’il n’y avait pas d’issue possible, décida de changer le cours du navire et il le dirigea vers le sud. Pendant de longues heures, le navire royal sembla jouer de malchance. Le brouillard se levait mais il y avait de la glace partout. Quand la glace disparaissait, la brume tombait. Et cela a recommencé quatre ou cinq fois. À midi, le navire n’avait avancé que de 20 mille depuis le lever du soleil. À 3 heures, heure avancée de l’est, une nouvelle éclaircie se fit, L’Empress se mit résolument en mouvement pour découvrir bientôt qu’une nouvelle barrière de glace le séparait toujours des eaux libres. C’est alors que le capitaine décida d’avancer quand même. La lourde masse blanche se mit au ralenti et entra dans la glace. Comme elle ne rencontrait pas beaucoup de résistance, elle continua. Elle fit tant et si bien qu’on gagna enfin la mer libre. Les croiseurs « Southampton » et « Glasgow » n’eurent aucun mal à passer dans le chenal que leur avait ouvert le paquebot. La glace était si épaisse en certains endroits que les occupants du navire auraient pu descendre dessus et y marcher. La reine monta dans la cabine du capitaine, quand on décida de faire jouer à l’Empress le rôle d’un brise-glace.

Quant au roi qui ne se lasse pas, depuis quelques jours, de faire de la photographie, il s’était installé à l’extrémité du gaillard avant et il tournait. On dit qu’il a obtenu de merveilleuses images de l’étrave du paquebot blanc fendant la glace. Le souverain monta ensuite à un poste de vigie d’où il filma la scène qui faisait voir ses deux croiseurs convoyeurs, avançant eux aussi dans la glace. Le roi était accompagné de lord Eldon et de lord Airlie.

Avant l’office religieux de la journée, le roi et la reine s’intéresseront surtout aux glaces. On sentait vibrer tout le navire quand il toucha un bloc immense. Un peu de la peinture du paquebot blanc a été enlevée. Pendant le service de l’avant-midi, on récita deux prières spéciales. La première demandait au ciel de bénir la famille royale, le gouverneur-général du Canada, le président des États-Unis et tous les législateurs de l’empire. La seconde suppliait Dieu de conduire ses marins rapidement et efficacement dans leur voyage et de leur apporter la paix et le confort, qui les attendent dans le refuge qu’ils désirent atteindre.

À bord du « H.M.C.S. Saguenay », mouillé dans le port de Gaspé, 14 mai 1939. – Les destroyers de la flotte de guerre du Canada, le « Skeena » et le « Saguenay » vont chercher à rencontrer, au crépuscule, demain soir, l’«Empress of Australia » qui devra alors se trouver dans le détroit de Cabot. Ils partiront à six heures, demain matin, d’ici.

Londres, 14 mai 1939. – L’Observer, journal conservateur de Londres, prédit, ce soir, qu’il est possible qu’à l’avenir les souverains visitent chaque année un de leurs Dominions.

Voir aussi :

Visite des souverains au Canada en 1939

Le paquebot Empress of Australia, carte postale de l'époque. Image libre de droits.
Le paquebot Empress of Australia, carte postale de l’époque. Image libre de droits.

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