Émigration québécoise en Ontario

Origines québécoises de l’Ontario français

L’émigration québécoise en Ontario

Pourquoi des Canadiens-Français ont-ils émigré de la province de Québec pour s’installer en Ontario ? Comment se fait-il que des colons aient préféré défricher des terres au Lac Sainte-Thérèse, dans le Nord de l’Ontario plutôt qu’au Lac Saint-Jean ?

Chercher à répondre à ces questions appelle d’autres questions. Quelles sont les caractéristiques sociales et culturelles des émigrants québécois ? Pourquoi émigrent-ils ? Où émigrent-ils ? Quelles sont les conséquences de leur migration autant pour le Québec que pour l’Ontario ? Quels sont les liens économiques, politiques et idéologiques entre les régions d’origine du Québec et celles de destination de l’Ontario ? Est-ce que la migration entraîne une mobilité sociale et économique ?

L’installation des émigrants québécois a été, à travers l’histoire ontarienne et canadienne, une composante incontournable de la naissance, du développement et du maintien de la communauté franco-ontarienne et de la formation du Canada français. Depuis la fin du XIXe siècle, les liens migratoires entre l’Ontario et le Québec sont étroits, plus particulièrement depuis l’arrêt de l’émigration massive vers les États-Unis au début du XXe siècle. L’Ontario et le Québec, les deux provinces voisines les plus peuplées, entretiennent des échanges migratoires constants, les plus élevés au Canada.

Le courant dominant a toujours été celui du Québec vers l’Ontario, de telle sorte que le Québec a été constamment perdant dans ces échanges migratoires avec l’Ontario, une perte qui représente presque toujours un gain pour l’Ontario français, et ce bilan migratoire sera négatif jusqu’à la fin du XXe siècle à quelques exceptions près. Il existe aussi une très nette propension, pour les migrants de langue maternelle française ayant le Québec comme point de départ, à émigrer vers les régions à majorité francophone. En contrepartie, nous observons une tendance très claire, pour les migrants de langue maternelle anglaise, originaires du Québec, à émigrer vers les régions à majorité anglophone.

Une des premières explications de ‘exode rural et de l’émigration québécoise repose sur le développement démographique du Québec, qui provoque un déséquilibre en regard au développement économique. En effet, la croissance démographique exponentielle du Québec pendant deux siècles (1760-1960), qui relève de l’articulation d’une idéologie religieuse nataliste, ruraliste et du besoin d’une main-d’œuvre abondante pour maintenir une tenure agraire traditionnelle, provoque un déséquilibré écologique lorsque la mécanisation se répand, que la productivité agricole stagne et que le développement industriel ne connaît pas une progression permettant d’intégrer le surplus de travailleurs ruraux. Les stratégies pour créer de nouveaux emplois, peupler le territoire québécois et freiner l’émigration causent de nouveaux problèmes. L’extension du territoire vers des zones de colonisation accentue les conditions de vie pénibles et reproduit les crises du secteur agricole ; les industries à fort coefficient de main-d’œuvre à bon marché maintiennent l’infériorité socio-économique des Canadiens-Français. Ces situations perpétuent un contexte social inducteur de la migration.

L’histoire économique du Québec, caractérisée par le développement dual de l’industrie et de l’agriculture, et marquée par une surpopulation relative, dévoile des retards qui ne permettent pas d’enrayer l’émigration. L’économie québécoise se forme et évolue en fonction de ces facteurs internes et de sa position périphérique dans l’économie nationale. Qui plus est, le développement différentiel du Québec est ancré dans l’histoire économique et politique du Canada. Cette conjoncture ralentit le démarrage qui doit instaurer la différence entre les sociétés traditionnelle et industrialisée.

L’Ontario, peuplé par les immigrants anglais, américains, européens et canadiens, profite des investissements anglais et de l’agglomération à l’économie américaine pour consolider, à la fin du XIXe siècle, sa position au centre de l’économie canadienne. À l’avantage structurel s’ajoutent la forte immigration internationale, les investissements étrangers massifs, la complémentarité des secteurs économiques (ressources naturelles, transformation et services), et une politique de développement industriel intégré qui inclut le domaine agricole. En préconisant une industrialisation poussée, l’exploitation des richesses naturelles, le peuplement par l’immigration et la colonisation du Nord, l’Ontario se retrouve dans une excellente position pour attirer les travailleurs québécois des régions périphériques nouvellement colonisées.

L’Ontario aura besoin d’agriculteurs et de travailleurs manuels et spécialisés. L’émigration québécoise sera une des réponses des travailleurs à cette inégalité des avantages économiques.

(Tiré du livre de Roger Bernard Le Canada français : entre mythe et utopie. Éditions du Nordir, 1998).

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