Embargo sur le bétail

L’embargo sur notre bétail

Un acte de mauvais vouloir du gouvernement impérial vis-à-vis le Canada (une histoire des temps révolus)

Vendredi soir, la Chambre des Communes s’est occupée d’une question qui intéresse énormément la classe agricole de notre population, et spécialement les agriculteurs de Québec, qui ne sont pas aussi bien placés que ceux d’Ontario ou de l’Ouest, pour engraisser le bétail pour l’exploration.

La discussion a été provoquée par la présentation d’un rapport du comité d’Agriculture de la Chambre, recommandant au gouvernement de continuer ses efforts pour faire lever l’embargo sur notre bétail, à son entrée en Angleterre.

Monsieut Robert Bickerdike, un expert dans la matière, s’il en fut, a donné un historique complet de l’affaire ; il a discuté à tousses points de vue l’action du gouvernement anglais persistant à exiger l’abattage immédiat de notre bétail, tout en admettant que la cause première de cette mesure n’existe plus. Le public sait combien M. Bicherdike est renseigné sur ce point, lui qui a été en relations intimes avec notre exportation de bétail depuis 25 à 30 ans.

Nous avons à signaler aussi une intervention typique de l’honorable M. Préfontaine, qui a révélé au public un curieux incident, qu’il convient de relater d’après ses propres paroles : (Hansard non révisé, page 9,318).

Préfontaine : Je crois que le ministre de l’Agriculture pourra se rappeler que le président du Conseil d’Agriculture (de Londres) n’a pas été tout à fait aussi explicite. J’ai reçu de ce personnage plusieurs lettres que je lirais à la Chambre s’il ne faisait pas si chaud.

Il admet que, à son avis, nous nous sommes débarrassés de cette maladie et je lui ai demandé. Si notre troupeau n’est plus malade, pourquoi ne levez-vous pas l’embargo ? Sa réponse a été qu’il ne croyait pas qu’il fût possible au gouvernement de lever l’embargo au moment actuel, à moins d’en faire autant pour le bétail des États-Unis ; que ce serait donner au Canada une préférence que le gouvernement impérial ne pourrait accorder aux États-Unis.

La métropole, mon ami le sait, se plaît à flirter de temps à autre avec l’Oncle Sam, et c’est une de ces flirtations que nous relevons ici.

Il arrive souvent, mon ami ne l’ignore pas plus que moi, que la flirtation avec les États-Unis se produise aux dépens du Canada. C’est nous qui payons les violons et ils nous coûtent cher. Je prétends que l’on cause ainsi un préjudice au Canada, en violation du « fair play » britannique tant vanté.

Beaucoup de Canadiens, moi compté, diront : Si l’on veut établir la protection en Angleterre, qu’on le fasse, mais qu’on nous en donne une bonne raison. Car pourquoi la mère-patrie veut-elle absolument stigmatiser notre bétail comme contaminé, et perpétuer une mesure que l’on reconnaît basée sur une erreur dès le début ?

Nous ne pouvons, à cette place, que donner une vague idée de la discussion qui s’est élevée, et à laquelle ont pris part M. P.H. MacKenzie, député de Bruce-Sud, M. Bickerdike, l’honorable M. Préfontaine, M. le Dr Sproule, M. Schell, d’Oxford-Sud, et qui, s’est terminée par un magistral résumé de l’honorable M. Fisher, ministre de l’Agriculture.

Nous tenions à signaler, à côté de la campagne en faveur d’une préférence inter-impériale qui mène si vigoureusement M. Jos, Chamberlain, en Angleterre, cet aveu du président du conseil d’Agriculture, qui remplit les fonctions de ministre de l’Agriculture dans le gouvernement impérial :

Ce serait donner au Canada une préférence que nous ne pouvons pas accorder aux États-Unis.

Que pensent nos concitoyens impérialistes et chamberlainistes d’une objection de ce genre ? Est-ce que le Canada, lorsqu’il s’est décidé à accorder aux produits britanniques une préférence d’un tiers des droits portés à notre tarif général des douanes, s’est occupé de ce que l’on en penserait aux États-Unis ?

On a reproché à l’honorable M. Fisher d’avoir dit, à propos de cette mesure, que c’était un acte de mauvais vouloir (an unfriendly act) vis-à-vis le Canada. Le ministre de l’Agriculture a répété vendredi cette expression et la Chambre l’a approuvé.

Et tout en votant à l’unanimité l’adoption de la résolution du comité, la Chambre a bien senti que le Canada n’a rien à attendre sur ce point du gouvernement impérial actuel.

(C’est arrivé au Canada le 10 juillet 1905).

Vaches Faciliter une bonne œuvre, c'est encore la faire. Photographie de Megan Jorgensen.
Faciliter une bonne œuvre, c’est encore la faire. Photographie de Megan Jorgensen.

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