Histoire du Québec

Église et cinéma

Église et cinéma

Église et cinéma au Québec

En 1936, le pape Pie XI publie l’encyclique Vigilanti Cura, le tout premier document émis par l’Église catholique portant exclusivement sur le cinéma. Le pape y affirme que le cinéma n’est ni bon ni mauvais en soi, mais que la notion dépend de l’usage qu’on en fait. Ainsi, le pape marque le début de la fin des luttes que le clergé québécois mène depuis le début du XXe siècle contre la diffusion du septième art.

Ces batailles épiques se situent au cœur des transformations qui ont lieu au Québec au cours des années 1920 et 1930. Cette période voit bouger la province dans plusieurs secteurs, même si la crise économique ralentit le processus.

Le premier acte de cette guerre entre le cinéma et l’église a lieu en 1899, quand l’évêque de Saint-Hyacinthe envoie une lettre à son clergé au sujet de l’interdiction du cinéma le dimanche, parce que le cinéma est un commerce. En 1907, l’archevêque de Montréal, Mgr Paul Bruchési suit le conseil et fait interdire le cinéma du dimanche.

 Le principal motif de la lutte est plutôt le désir d’affirmer le caractère inviolable du dimanche comme jour du Seigneur et comme repos sanctifié par la religion.

Rappelons toutefois que à l’époque beaucoup d’industries, notamment celles des pâtes et papiers, imposent une production ininterrompue, sept jours par semaine, 24 heures sur 24 pour augmenter la rentabilité des équipements et les profits. Alors le clergé considère cette banalisation du dimanche une des principales raisons pour lesquelles les ouvriers commencent à s’éloigner de l’Église.

Notons aussi que tous les divertissements payants sont interdits dans les autres provinces canadiennes qui sont protestantes, donnant ainsi un bel exemple de vertu aux Québécois.

La lutte contre le cinéma le dimanche durera jusqu’en 1936, mais l’Église n’aura jamais gain de cause. Il est vrai que certaines sociétés reçurent de leurs membres une promesse de s’abstenir, mais le monde ordinaire se préoccupait peu de l’interdit et continuait à se rendre dans les salles en nombre de plus en plus grand.

Une autre lutte connut plus de succès. Le cinéma (le cinéma américain surtout) était perçu comme corrupteur à divers points de vue et c’est pourquoi, au nom de la protection de l’enfance, le clergé n’aura cessé de réclamer une censure plus sévère des films et une interdiction totale pour les moins de seize ans. L’Église obtiendra les deux interdictions dans les années 1920 après une longue bataille. Une série de brochures et d’articles accompagnèrent cette lutte, dont les titres étaient éloquents : « Pour l’amour de Dieux, n’y allez pas », « Le cinéma corrupteur », « Le cinéma déformateur », « Parents chrétiens, sauvez vos enfants du cinéma meurtrier », « La place des enfants n’est pas au cinéma »…

Au fait, il y avait quelque chose de juste dans tout cela… Les salles elles-mêmes étaient mauvaises pour la santé physique, surtout celle des enfants, car elles étaient un lieu de « propagation de maladies contagieuses » et « des trappes à feu ». Enfin, l’obscurité et la promiscuité des salles en font aussi des lieux propices à tous les dérèglements moraux et même à des attentats à la pudeur conte les enfants et les innocentes jeunes filles…

Cette lutte connaîtra son point culminant en 1927, après l’incendie du Laurier Palace. Finalement, la loi de 1928 interdit dorénavant l’entrée des salles à tous les moins de seize ans. Les enfants ne sont pas pour autant privés complètement de cinéma. Ils pourront assister aux séances présentées dans les salles paroissiales et dans les écoles, avec la généralisation du format 16 mm.

En tout cas, après Vigilanti Cura, nous n’assistons plus qu’à quelques attaques isolées, comme celle du cardinal de Québec Mgr Villeneuve en 1937, qui reprend tous les arguments les plus traditionnels.

cinéma de paris

Cinéma de Paris à Montréal, en 1930, photo libre de droits.

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